Forum de participation des ONG - Droit de l'Homme: Résolution sur la République centrafricaine

 

Le Forum de participation des ONG à la 39ème Session ordinaire de la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples ;

Rappelant les graves violations des droits de l'Homme et du droit international humanitaire perpétrées contre les civils par les forces loyalistes et les rebelles à l'occasion de la tentative de coup d'Etat du général Bozizé d'octobre 2002 à mars 2003 ;

Rappelant la saisine par l'Etat centrafricain du Procureur de la Cour pénale internationale sur la situation en République centrafricaine depuis le 1er juillet 2002;

Prenant note de la décision de la Cour de Cassation de la République centrafricaine du 11 avril 2006 dans l'affaire Ange- Félix Patassé, Martin Koumtamadji alias Abdoulaye Miskine Jean Pierre BEMBA et autres concernant les crimes commis depuis juillet 2002 qui met en exergue "l'incapacité des services judiciaires centrafricains à mener véritablement à bien l'enquête ou les poursuites » et maintient que «le recours à la coopération internationale reste dans ce cas le seul moyen d'empêcher l'impunité (...) La Cour pénale internationale offre la possibilité de rechercher et de punir les auteurs des crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la communauté internationale ».

Se félicitant de la ratification par l'Assemblée nationale centrafricaine de l'Accord sur les privilèges et immunités de la Cour pénale internationale

Considérant la résurgence de l'insécurité dans le pays du fait de l'activité de coupeurs de routes et de brigands, d'attaques de nouveaux mouvements rebelles et des représailles des forces gouvernementales;

Considérant les attaques de mouvements rebelles dans les localités de Kabo et Markounda en décembre 2005 et celle de la ville de Paoua le 28 janvier 2006 qui s'est suivie de représailles aveugles des forces gouvernementales faisant plusieurs dizaines de morts parmi la population civile;

Considérant l'engagement de poursuites par le gouvernement Centrafricain contre certaines personnes accusées de constituer ou de soutenir des mouvements de rébellion et l'impunité conférée aux éléments des forces gouvernementales

Demande par la présente à la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples d'adopter une résolution :

1. Exprimant ses vives préoccupations concernant l'impunité des crimes commis par les belligérants à l'occasion de la tentative de coup d'Etat du général Bozizé d'octobre 2002 à mars 2003;

2. Demandant au Procureur de la Cour pénale internationale d'ouvrir une enquête sur la situation en République centrafricaine depuis le 1er juillet 2002 dans le but de lutter contre l'impunité des crimes internationaux et de contribuer à la prévention de nouveaux crimes ;

3. Demandant aux autorités centrafricaines de réformer le code pénal et le code de procédure pénale centrafricains pour les mettre en conformité avec les instruments internationaux de protection des droits de l'Homme ratifiés par la République centrafricaine, notamment avec les dispositions du Statut de la Cour pénale internationale

4. Exhortant les mouvements rebelles et les forces gouvernementales à respecter strictement le droit international des droits de l'Homme et le droit international humanitaire;

5. Demandant aux autorités concernées d'enquêter sur les graves violations des droits de l'Homme et du droit international humanitaire perpétrées tant par les forces gouvernementales que par les mouvements rebelles en 2005 et 2006 dans le nord du pays, et de poursuivre et juger leurs auteurs devant les juridictions nationales;

Demandant aux autorités concernées de prendre toutes les mesures utiles pour assurer l'indemnisation des victimes.

Communication à la 39ème Session de la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples à BANJUL du 11 au 25 Mai 2006.

Madame la Présidente de la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples,

Mesdames et Messieurs les Commissaires,

La République Centrafricaine traverse une crise politique, économique et sociale profonde depuis de nombreuses années. La situation générale des droits de l'homme est préoccupante car elle se caractérise par des violations massives, systématiques et permanentes.

A l'occasion de la tentative du coup d'Etat du général BOZIZE le 25 Octobre 2002, Les mercenaires Congolais du mouvement MLC de Jean Pierre BEMBA, appelés à la rescousse par l'ancien Président, Ange Félix PATASSE ont pillé, tué et violé enfants femmes et hommes.

De même, les mercenaires Tchadiens du groupe «Zaghawa », alliés du général BOZIZE dans sa rébellion, ont de leur ´té, commis les mêmes crimes, détruisant, pillant et emportant des biens de particuliers et des équipements des entreprises au Tchad.

Dans les deux cas, il y a eu violation du droit international et du droit humanitaire.

L'Etat Centrafricain a saisi le Procureur près la Cour Pénale Internationale sur la situation en République Centrafricaine depuis le 1er juillet 2002.

Plus récemment, les forces gouvernementales en riposte à des attaques de mouvements rebelles dans les localités de Kabo et Markounda en décembre 2005 et celle de la ville de Paoua le 29 janvier 2006, ont exercé des représailles aveugles faisant plusieurs dizaines de morts parmi la population civile ( 81 morts selon un chiffre provisoire d'une mission de journalistes ).

Nonobstant les élections présidentielle et législatives en 2005 ayant conduit au retour à la légalité constitutionnelle, la crise n'est cependant pas jugulée. La Constitution n'est pas respectée. Les violations des droits de l'homme persistent avec la particularité qu'elles sont commises par certains éléments des forces de défense et de sécurité appartenant au corps de l'armée affecté à la sécurité présidentielle, le bataillon présidentiel de sécurité «BPS » qui bénéficient d'une totale impunité :

C'est le cas des assassinats d'un lycéen devant le Lycée Barthélemy BOGANDA, de Danchine MARZANE de Mamadou NGAàSSONA, d'un militaire, ASSOMBELE, de KOYANGAO, de Marie France YALEGAZA, de Maître Ignace BANDASSA et de Claude SANZE, ce dernier, ayant été extrait de la geà´le o๠il se trouvait en garde à vue par des éléments de la sécurité présidentielle lourdement armés qui l'ont mutilé avant de l'abattre sauvagement.

Les forces de défense et de sécurité sont à l'origine de graves entraves à la liberté de la circulation des biens et des personnes par l'érection de barrières illégales leur permettant de commettre des rackets sur les populations.

Les exécutions sommaires et extra-judiciaires des personnes soupà§onnées de vols à mains armées continuent d'être pratiquées par une branche de la police, l'Office Centrafricain de Répression du Banditisme, «OCRB ».

Les obligations définies aux articles 15,16 et 17 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples ( droit au salaire, à la santé et à l'éducation ) ne sont pas honorées. Les agents de l'Etat enregistrent sept mois d'arriérés de salaires qui s'ajoutent à ceux accumulés auparavant sous les régimes du Général André KOLINGBA et de Monsieur Ange Félix PATASSE.

En décembre 2005, le gouvernement a décidé d'interdire la tenue d'un meeting organisé par un syndicat, l'Union Syndicale des Travailleurs de Centrafrique «USTC » à la Bourse du travail pour expliquer les motifs d'un mouvement de grève concernant les arriérés de salaire des fonctionnaires. En même temps, les forces de l'ordre ont occupé la Bourse du travail qui est un local affecté aux activités syndicales pendant plusieurs jours ce en violation de la Constitution qui prévoit la liberté de réunion et la liberté syndicale.

La population la plus démunie ne bénéficie pas de soins adéquats et la mortalité a augmenté avec la pandémie du SIDA.

Le système éducatif est en ruine à cause de l'absence de moyens et de la démotivation du personnel enseignant.

Plusieurs arrestations de personnalités dont celle de Monsieur Claude YABANDA sont effectuées en ce moment pour atteinte à la sécurité de l'Etat sur la base de délations.

Les défenseurs des droits de l'homme sont devenus la cible du pouvoir.

Maître Nicolas TIANGAYE, ancien Président de la Ligue Centrafricaine des Droits de l'Homme, ancien Président du Conseil National de Transition ( parlement provisoire ) et ancien Bâtonnier de l'Ordre des Avocats du Barreau de Centrafrique a été victime le 3 janvier 2006 d'une tentative d'assassinat et n'a eu la vie sauve que par son absence à son domicile pillé et mis à sac avec quatre véhicules.

Le Président de la Ligue Centrafricaine des Droits de l'Homme, Maître Nganatouwa GOUNGAYE WANFIYO, le Président du Mouvement pour les Droits Humains et d'Action Humanitaire, Monsieur Adolphe NGOUYOMBO, le Directeur du journal le Citoyen, Monsieur Maka GBOSSOKOTTO ont tous fait l'objet de menaces de mort.

 

 

 

Le 15 Mars 2006, dans la ville de MBAàKI, lors de la célébration du troisième anniversaire du coup d'Etat du 15 Mars 2003, le Chef de l'Etat, dans une déclaration publique s'est livré à une attaque en règle contre les défenseurs des droits de l'Homme, accusés de «ne pas faire leur travail » lorsqu'ils dénoncent les crimes et délits imputables aux éléments de la sécurité présidentielle et les représailles exercées par ceux-ci sur la population civile de la ville de PAOUA en riposte à l'attaque de la rébellion. Les traitant de protecteurs de criminels, il leur a demandé de quitter le pays et a conclu qu'il défendrait son armée lorsqu'elle est attaquée.

 

Dans le contexte centrafricain, ce discours officiel est un véritable appel au meurtre car les défenseurs des droits de l'homme sont ainsi jetés en pâture aux éléments incontrà´lés, véritable bras armés du pouvoir qui se sont déjà illustrés par de nombreux crimes restés impunis.

C'est pourquoi, afin de lutter contre l'impunité et de prévenir de nouveaux conflits, la Ligue Centrafricaine des Droits de l'Homme exhorte la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, à examiner la résolution adoptée le 8 Mai 2006 par le Forum des Organisations non Gouvernementales pour demander au Procureur près la Cour Pénale Internationale d'ouvrir une enquête sur la situation en République Centrafricaine.

BANJUL le 11 Mai 2006

La Ligue Centrafricaine des Droits de l'Homme

Le Président

Me Nganatouwa GOUNGAYE WANFIYO.