Centrafrique damné en année  !

Par : Félix Yandia, décembre 2004

 

Pour une paix durable en Centrafrique nous devons prendre le mal par la racine, c’est- à dire chercher à comprendre pourquoi il n’y a eu ni de stabilité politique, ni de paix, durant ces vingt dernières années, avant de rechercher des voies et moyens d’une paix durable, pour un développement harmonieux, dans un Centrafrique juste et prospère en cette ère de mondialisation. Dans une vie, chaque homme dispose d’un temps de parole bien limité, mais aussi, d’un temps d’action. Nos hommes politiques ont épuisé leur temps de parole. Qu’ils passent à l’acte tout en écoutant le peuple qui jusque là n’a jamais parlé.

 

Deux faits historiques, mondialement connus, peuvent nous aider à nous resituer. D’abord, quand les barbares débarquèrent il y a 17 siècles dans l’Empire romain, c’étaient des migrants qui croyaient un jour rentrer chez eux. Mais en ce XXIème siècle leurs descendances sont encore là. En France par exemple, ils se font tous appeler des Gaulois, et aujourd’hui sont fiers de l’être et nous traitent d’immigrés. Intégrons-nous dans ses sociétés, ou alors créons nous mêmes les conditions d’une vie commune et meilleure dans notre pays, la RCA. Ensuite, rappelons-nous. Le monde d’aujourd’hui est partagé entre marchands de canons et marchands de voitures ou d’autres choses qui ne tuent pas. C’est dans le monde des pauvres que circulent les fusils à dates de péremption bien indiquées. Bien avant cela, il y a seulement deux siècles encore, le commerce triangulaire (aujourd’hui mondialisation, selon moi) a généré des guerres tribales partout en Afrique. Mais, déjà, ce sont d’abord les dignitaires locaux, se contentant de pacotilles et d’alcool (du beaujolais impérial, interdit au peuple ?), qui chassaient et qui envoyaient leurs frères en esclavage, loin, loin en Amérique ; cent millions d’âmes paraît-il. Alors, et alors, d’ici demain, on dira toujours que c’est la faute du Blanc. Mais ça s’appelle la mondialisation. C’est d’abord quoi la mondialisation pour nous Centrafricains ? Je ne sais pas, ce n’est pas mon domaine de compétence.

En effet, depuis plus d’une vingtaine d’années, le nombre de Centrafricains réfugiés politiques va grandissant, au rythme des changements politiques dans leur pays. Les réfugiés économiques (cadres et diplômés ne pouvant rentrer au bercail), désemparés, ne savent plus à quel saint se vouer. Pourtant, tous ces Centrafricains, et mêmes les Ex dignitaires, ne rêvent que d’une seule chose : rentrer un jour dans leur beau et cher pays pour y vivre en paix et en sécurité. Mais comment et à quels prix ? Pour les uns, sans être sûrs de redevenir « propriétaires des recettes publiques », pas question de s’hasarder pour un retour dans ce pourtant beau et riche pays. Pour d’autres laissés pour compte, il faut souffrir en paix quelque part, et ailleurs, et c’est une véritable désolation dans le désoeuvrement.

Ainsi, dans ce pays de 3,6 millions d’habitants, comptant plus de 50 partis politiques, pour autant de sous-préfectures, les appétits sont voraces. Dans ce pays subdivisé en 16 préfectures, on compte autant de candidats aux élections présidentielles. Il est donc facile de voir la cruauté que cela engendre, mais aussi les risques encourus : une politique, sans foi ni loi et sans vergogne, destinée à prendre en otage des populations entières sur des bases essentiellement ethniques et régionalistes. Cette politique ethnique et régionaliste créée sur des bases purement égotistes, suscitant la peur et le rejet de l’autre, est dangereuse politiquement. Elle est entretenue par les dirigeants politiques, des intellectuels également véreux, au détriment d’une vraie politique nationale. Elle ne peut que conduire le pays dans l’abîme total. Il ne nous reste qu’à voir Mbaïki, la fleur retournée à la brousse, Mobaye, Kembé, Paoua, Kaga-Bandoro, (…) avec leurs édifices publics (essentiellement coloniaux, rappelons-le) en ruines, pour comprendre que toute la population centrafricaine, du nord au sud, d’est en ouest, souffre et fait les frais de cette politique irresponsable. Tout n’est peut-être pas sombre heureusement. Bangui commence à redevenir la coquette, c’est bien et félicitations. C’est la preuve que nous pouvons bien mieux, mais avec des hommes honnêtes et compétents, chacun dans son domaine. Seuls les prédateurs et leurs progénitures peuvent s’exiler, et vivre aussi longtemps que l’éternité, des fruits de leurs prédations et des aides plus ou moins conséquentes du H.C.R. Il nous reste aussi à voir que, sur ces quinze dernières années, plus de quarante (40) mois de salaire (soit quatre ans !) demeurent impayés à ce jour. Et ce n’est pas fini.

Nous sommes donc en face d’une classe politique engendrée par un même système, un même type de régime, qui se bat aveuglément dans le seul et unique but de se rapprocher de nouveau des caisses du trésor public, privatisable à merci et sans vergogne. Plus de vingt ans d’instabilité et de gestion chaotique (libre à chacun de la qualifier) ont profondément liquéfié le pays. Les principaux acteurs de cette scène politique sont encore et toujours là, cherchant à briguer la magistrature suprême. Cette présence traduit sans équivoque la gravité de la situation, et donc des préoccupations légitimes que nous pouvons avoir.

Pour ne citer que les faits historiques que nous connaissons tous, tels que la confiscation et l’utilisation des salaires comme armes de dissuasion contre la masse populaire, car «ventre affamé n’a point d’oreilles», ou encore les rapatriements manu militari ainsi que les sévices moraux et corporels sur les opposants, ou encore les villages incendiés, les exécutions extrajudiciaires sommaires (politiques), les coups d’Etats à répétition, les mutineries militaires, les rebellions (….), tous aussi destructeurs et meurtriers les uns que les autres en témoignent.

Nous sommes aujourd’hui à la veille d’une campagne électorale, et surtout présidentielle. Plus grave, il n’y a en fin de compte qu’un seul profil de Candidat : anciens dignitaires (qui cherchent à reconstituer leurs richesses simplement rétrécies). Parmi eux, que ceux qui ont encore les mains propres lèvent le doigt ! Encore plus haut, vers le ciel !

Ex Présidents, actuel Président, futur ex Président (cf. un encadré du Canard Enchaîné au lendemain du 15 mars ironisant : « Coup d’état en Centrafrique, un autre président à renverser »), Vice Président et bientôt ex-Vice Président, ex Ministres ou encore ex Ministres devenus ex Présidents et tous les anciens ministres des différents régimes (il est vrai que c’est difficile de s’y retrouver et j’ai perdu le verbe). Malgré tout, il apparaît que tous ces anciens ou anciens, anciens quelques choses, premiers ou pas, possèdent la même moralité et recherchent le même but, se venger tout en brimant la population.

*En cette période de vaches, pour ne pas dire de Centrafricains, maigres, d’où sort l’argent pour les campagnes électorales destiné à acheter les voix, et les cautions de 15 millions, puis 10 millions et enfin 5 millions de francs (ce n’est pas la peine de préciser, il n’y a plus de FF) ?

*Pourquoi, bourreaux et victimes, galonnés d’hier, aujourd’hui concurrents, se tendent-ils la main ? Sont-ils vraiment sincères, ou doit-on craindre la grosse artillerie d’autant plus que le bourreau nous dit, «si ce n’est pas moi, il n’y aura pas la paix dans ce pays». La victime nous répond : « Kwa na Kwa, ou la mort rien que la mort». Kolingba a un programme : la paix. Il ne passe pas par quatre chemins depuis qu’il a perdu le pouvoir en 1993. Il revient avec la même chanson : la paix, la paix, sans moi y aura pas la paix.

* Comment expliquer qu’un Président détourne 70 milliards, alors que les arriérés de salaires cumulés n’atteignent que 24 milliards ? Si c’est vrai, son successeur qui le dit, espère-t-il en faire autant et en combien de temps ? Compatriotes, faut-il encore attendre le retour et dans combien de temps de Monsieur Avenir pour qu’il puisse nous le dire ?

*Comment expliquer que c’est toujours avec la complicité des civils que les coups d’Etats finissent par installer durablement les militaires au pouvoir ? 14 ans de Bokassa, 12 ans de Kolingba et combien pour Bozizé ? Taisons-nous et mangeons, Messieurs les Ex quelque chose. Comme d’habitude, seules les interventions extérieures finiront par le faire partir (ex. Opérations Barracudas de 1979, Murs de Berlin avec les exigences de la démocratisation imposées par François Mitterrand année 1990).

*Comment comprendre la dispersion des alliés d’hier, hommes politiques et militaires unis pour renverser un Président (d’où qu’il viennent) pourtant démocratiquement élu et dont le mandat arrivait à terme. Avaient-ils un programme commun, ou celui du PUN ou du FPP ou encore celui du RDC… pour une gestion collégiale ? Quel était le programme de Bozizé ? Ils sont Vice Président, Conseillers et Vice Présidents tous avec des gros salaires et des lourdes caisses noires pendant que les salaires ne sont pas payés aux peuples. Qu’avaient-ils conseillé à leur Patron Consensuel désigné candidat de leur coalition anti-démocratique ? Le peuple en a marre de voir tout le temps des "ennemies" d’hier s’embrasser et se donner la main pour combattre le régime en place. Maintenant, il faut se taire, le seul combat politique n’est pas seulement de faire partir les gagnants de leur jeu même. L’homme qui sera élu en 2005, quel qu’il soit, sera-t-il respecté enfin reconnu et aidé pour assurer le développement ? Et l’opposition, une opposition constructive, qui propose et pas seulement contribuer à noircir (sans rire) et à mettre les bâtons dans les roues dans ce contexte politique et économique désolant ?

Evidemment, personne n’est responsable, nous dira-t-on. Pendant ce temps, j’ai vu, et peut-être revu dans le désordre total. Mais, dans tout ce que j’ai vu et peut-être revu (mais pas tout cité par respect à mon pays),

J’ai vu qu’ils ont vu que ce que j’ai vu, le peuple a vu. J’ai vu, et le peuple aussi a vu un pays béni où vivent des hommes maudits. J’ai vu des Ex marchander la Paix. J’ai vu que le peuple a vu qu’ils reviennent sans la paix avec les mêmes chansons et les mêmes gbogborôh et leurs canons rouillés. A Mobaye, j’ai vu un commissaire de police faire fièrement usage d’un jouet de bébé comme d’une sonnette pour appeler un subalterne. A Bangui, j’ai vu des policiers matraquer les ramasseurs de kinda gozo (sauterelles, que la nature nous donne), pendant que les journalistes les interviewaient et les faisaient danser. J’ai vu un pays où les tous Ex font un constat global d’échec sur les 20 dernières années. J’ai vu un univers véritablement kafkaïen. J’ai vu qu’ils ont vu, que ce qu’ils ont fait, ils l’ont fait. J’ai vu devant le siège d’un parti politique, un enfant avec son pousse-pousse, être poursuivi et traqué, parce qu’il a failli se faire tuer par un cortège présidentiel. J’ai vu un dignitaire me dire « tu n’as pas compris ». J’ai vu, et le peuple aussi a vu, des taxi mens s’acquitter de leurs impôts. J’ai vu des rues et des avenues défoncées. J’ai vu des policiers racketter. J’ai vu des Ex trop parler de paix, et organisant trimestriellement des mutineries. Aussi, j’ai vu E lé songo avec des armes. J’ai vu qu’il a vu que j’ai compris. J’ai vu tous ces Ex nous parler d’Avenir, et ne pas présenter un bilan de leur passage au ministère ou à la présidence. J’ai vu, pendant les campagnes électorales, les paysans me dire, « c’est le seul moment pour manger, c’est la démocratie, tout le monde peut venir ». J’ai vu qu’ils ont vu que je rêve pour un beau pays qu’ils se sentent incapable de réaliser. J’ai vu des variantes de KNK, les Kwa Na Kwa (KNK) qui souhaitent faire le travail rien que le travail, les extrémistes Koua Na Koua (KNK), les opportunistes Kobé Na Kobé (KNK). J’ai vu, et le peuple aussi, des gens, le colt bien en vue, interrompre un pasteur dans son prêche dominical pour répondre à l’appel téléphonique de l’autorité. J’ai vu un Président traumatisé et devenu parano, à la suite des mutineries et des coups d’Etats trimestriels. J’ai vu un fou qui disait qu’il veut être président, j’ai rigolé. J’ai vu un paysan dire qu’au moins ce fou, il laissera tomber les miettes. J’ai vu, dans un aéroport parisien, un Président en larmes. J’ai vu, dans un aéroport parisien, un Ministre incapable de savoir de quel poste ministériel il était le titulaire. J’ai vu, récemment, des pauvres paysans de Ouadda-Djallé labourer leur champ avec du bois durci au feu ou des os taillés. J’ai vu des hommes aller et revenir à pied de Bria, pour en rapporter tout simplement une lame de fer. Alors, alors… Dans mon pays, j’ai vu des intellos radoter.

Aussi, j’ai vu que les anciens Présidents, l’actuel Président, les futurs Présidents, ont compris, tout le monde a vu qu’ils ne nous diront pas la vérité sur le fond de leurs pensées, et les vraies raisons pour lesquelles ils veulent devenir Président. J’ai vu, dans les veillées mortuaires des proches du Président, des intellos et des Ministres ou ex Ministres se battre pour être en vue, en distribuant le café à la peuplade (pour une fois qu’ils piquent la place de leurs servants) et aux gens réellement éprouvés. J’ai vu qu’ils ont vu, que si nous avons compris, ils sont foutus. J’ai vu des ex-dignitaires, après avoir longtemps racketté le peuple, se convertir discrètement en prédicateurs apostoliques et même très célestes avec dans chaque phrase, le nom de Dieu. J’ai vu, et le peuple aussi a vu, un pays où coulent le lait et le miel dans certaines gorges. J’ai vu un candidat annuler une réunion, parce que, au dernier moment paraît-il, un cabri affamé, a dévoré son discours essentiellement sur papier. J’ai vu que la Bible a menti dans mon pays : les travailleurs et les paysans ne mangent même pas à la sueur de leur front. J’ai vu des ex-dignitaires Bibles à la main et parcourant des quartiers des hommes. J’ai vu, des enfants tués par des balles appelées perdues. J’ai vu la chaise d’un ami, qui venait de se lever, traversée par une balle, toujours appelée perdue. J’ai vu des fonctionnaires privatiser leur service pour survivre. J’ai vu des Présidents prédisant la famine et la mort. J’ai vu des gens affamés et des morts, par balles ou par manque de moyens. J’ai vu dans un pays, un pays de la débrouille et d’économie de cueillette. J’ai vu les anciens dignitaires se dire «mais il a raison» et se cacher derrière leur doigt. J’ai vu, qu’ils ont vu, que… je vous demande de compléter la liste. J’ai vu qu’ils ont compris et qu’ils nous observent, alors et alors, complétez-la, même sans courage, pour en rigoler.

Dans ce pays, j’ai vu des gens créer des partis politiques, juste pour marchander des postes ministériels. J’ai vu des pasteurs et des diacres, un revolver dans une main et la bible dans l’autre. J’ai vu un Ministre dévorer un poulet braisé entier, avec un long pain bien beurré et un service de café, au petit déjeuner, pendant ce temps, les parents venus le solliciter attendaient au portail. J’ai vu des gens pousser des barils de pétrole dans leur maison alors que le pays en manquait. J’ai vu qu’ils ont vu que j’ai vu que les hommes capables se taisent et ça s’appelle la société civile. J’ai vu, un pays où tout est de la faute du Président, pas des conseillers et surtout pas de ministres. J’ai vu des ex-dignitaires, devenus des ex-prédicateurs et redevenir, sans complexe, les mêmes dignitaires. J’ai vu des syndicaux reconvertis et tout cela pour la mangeoire. J’ai vu, qu’ils n’ont pas vu que leurs comportements constituent un lourd fardeau pour nos enfants, arrières et arrières et donc pour l’histoire. J’ai vu un Président appeler une population déjà affamée à baisser la tête, à se soumettre au jeune et à continuer de prier, pendant ce temps, il se rajoutait un galon. J’ai vu un Ministre détourner le regard, et la tête avec, pour me faire croire qu’il ne m’a pas vu. J’ai vu des Ministres dire « c’est grâce à mon cerveau que je se suis "parvenu"», et c’est la vérité. J’ai vu un pays ne pas accueillir les enfants de son fondateur et même pas la veuve. J’ai vu dans ce pays, un Ex Empereur, bible dans la main se couronner apôtre pour la Paix. J’ai vu un pays où meurent tous les jeunes et un pays où seuls les hommes politiques vivent vieux. J’ai vu un pays où les dignitaires se plaignent plus que tous les autres. J’ai vu qu’il a vu que j’ai vu et que j’en souriais, tout-en m’en foutant. J’ai vu un paysan, me faire des vœux pour ce nouvel an pire. J’ai vu des innocents en garde à vue et des voleurs en liberté. J’ai vu un ex Ministre me faire l’accolade bien appuyée et très sonore, comme si j’étais un sourd et non voyant. J’ai vu qu’ils ne veulent pas que ce secret de famille soit connu ! Alors, alors je veux qu’on change. Je radote, je sais, mais n’y a-t-il pas de quoi radoter ?

Dans ce pays, j’ai vu des candidats dénoncer la prédation, la gabegie, le clientélisme, et tous ces maux qui font mal. J’ai vu, dans ce pays, qu’une fois au pouvoir, on ne combat ni même ne dénonce ces maux. J’ai vu, un autre ex, et même un ex-ex, m’aborder dans la rue, pour me parler de ses problèmes. J’ai vu un ex ministre attendre un bus, transport en commun, à des heures de pointe ! J’ai vu la peuplade lui rappeler sa belle époque ! Dans ce pays, j’ai vu des candidats parler de Paix et d’unité sans la dignité. J’ai vu des dignitaires me dire : parlant ainsi, tu ne vas pas "manger" dans ce pays ! J’ai vu qu’il a vu que j’étais désolé. J’ai vu des procès politiques en fin de règne, mais pas des procès de dignitaires en pleine gloire, au moment des faits. J’ai vu, dans ces pouvoirs, de l’impunité, des règlements de comptes, entre nouveaux dignitaires et déchus. J’ai vu, toujours, les mêmes «moudjou vouko, na bé ti lo koééééé ». J’ai vu qu’ils ont vu que j’ai vu leur catalogue programme. J’ai vu qu’ils ont vu que le peuple a vu l’état des routes, des écoles, des hôpitaux, de l’agriculture et j’en passe. J’ai vu des mili-tares et des démon-crates général président et son Vicieux Président aller chacun de son côté en campagne. J’ai vu que le peuple a vu tout ce qu’ils proposent de réaliser en cinq ans sans lui dire où trouver l’argent. J’ai vu des candidats proposer des machines à sous. J’ai vu des dignitaires monter quatre à quatre les marches de l’assemblée, la dépouille d’une femme de Président sur l’épaule. J’ai vue des dignitaires ne pas inviter ni la veuve, ni les orphelins d’un Président fondateur. J’ai vu dans ce pays que la misère entretenue reste un fond de commerce politique. J’ai vu un pays en jachère et des villas en ruines. J’ai vu des promotions dans la haute classe politique pour garantir une protection mutuelle. J’ai vu des ministres avec leur chien méchant. J’ai vu des dignitaires envoyer leurs enfants faire des études à l’étranger. J’ai vu des dignitaires détruire nos écoles. J’ai vu, des Ministres avec leurs portails sévèrement gardés. J’ai vu un ministre répondre à son ancien collègue dénommé Barna, qui est devenu quémandeur, que même son chien méchant n’avait pas encore déjeuné.

Mais aussi, et encore, j’ai vu un Président entouré d’une bande d’escrocs. J’ai vu des dignitaires dans « le lac des passions assassines » (ce roman d’Adolphe PAKOUA éditions Bénévent 2003). J’ai vu un président parcourant le monde pour vendre du diamant. J’ai vu une femme se gaver dans la marmite d’un ministre en fuite. J’ai vu des candidats braver les intempéries et les routes chaotiques en plus des zaraguina (coupeurs de routes) pour se rendre dans des contrées encore habitées par des hommes, parler aux cabris malheureusement en pèlerinage ou décampés au Tchad. J’ai vu et identifié Son iminence Sionikoli, ses Faganzas, ses Litingbos, ses Ngandos et ses Polokambas trop occupés par les Tchontchonies et les gros sous pour s’occuper du reste. J’ai vu, et en France, chez un consul, toute une cantine remplie de 10.000 Fcfa. J’ai vu que le peuple en a vu de toutes les couleurs. J’ai vu des dignitaires racketter les fonctionnaires en instituant un prélèvement obligatoire sur les ordres de payement. J’ai vu un fou me dire qu’il veut être candidat, j’ai rigolé. J’ai vu un paysan me dire, faut pas rigoler ! Lui au moins, il laissera tomber les miettes. J’ai vu qu’ils ont vu que j’ai vu. J’ai vu qu’ils ont vu que j’ai vu que 60 mois (combien d’années ça ?) de bourse de nos enfants à l’étranger ne sont pas payés. J’ai vu qu’ils se font appeler « Excellence », et dans quels domaines. J’ai vu, à Bosemptélé, des camions de militaires recharger et transporter les marchandises des Libanais, pour contourner la douane. J’ai vu un Centrafricain détenir le record mondial de longévité politique. J’ai vu l’espérance de vie d’un centra-machin cadavérique. J’ai vu des militaires faire la guerre dans leur propre pays. J’ai vu que le peuple va continuer de voir, et d’en voir. J’ai vu qu’ils ont vu que nous voulons un président Honnête et Sérieux. J’ai vu que ces Présidents ont vu que j’écris Président avec un grand P, sans un pet et dans la paix. J’ai vu des dignitaires pavoiser devant la peuplade affamée et amaigrie, pour faire le « m’a tu vu ». J’ai vu des pêcheurs pécher dans la diplomatie et comme ambassadeurs. J’ai vu des gens, bien gros et bien gras, se tenir orgueilleusement et sans la honte ni pitié, devant des gens maigres et affamés, pour faire campagne. J’ai vu un Général prêcher la Paix sans péter, sans l’Unité.

Ce n’est pas fini, encore, j’ai vu des candidats en campagne reçus par des chiens habillés de tee-shirts à leur effigie. J’ai vu pousser des villas, ensuite détruites et pillées par la peuplade. J’ai vu des dignitaires fiers et pleins d’orgueil, puis les mêmes, déchus et anéantis, réduits à vivre dans la clandestinité ou même sans liberté. J’ai vu tout un gouvernement s’islamiser, et c’est la politique. J’ai vu à Paris un désoeuvré, voyant les chances de son candidat s’envoler, péter les plombs ! Et c’est à l’Ambassade. J’ai vu des militaires appelés pour sauver le pays. J’ai vu des gens ordonnées (prêtres ou pasteurs) rentrer dans ce désordre (et si l’Abbé Boganda voyait çà, quelle honte aurions nous ?). J’ai vu un Empereur déclarer que «la politique, ce n’est pas pour les enfants». J’ai vu un Président déclarer « comment peut-on faire dépecer par autrui le buffle qu’on vient de tuer soi-même ?». J’ai vu, quelques mois plus tard, un Président déposé par un buffle mâle (koli gba en sango). J’ai vu des militaires, hommes de couleur, tirer à Abidjan sur manifestants et ce n’est pas la police. J’ai vu des candidats détecter nos richesses en reniflant juste le sol. J’ai vu des civils acclamer des militaires après un coup d’Etat. J’ai vu des partis politiques composés des gens d’une même localité. J’ai vu des militaires s’éterniser au pourvoir. J’ai vu un président élu au suffrage universel remercier le Seigneur d’abord.

J’allais oublier, j’ai aussi vu un dignitaire me dire « une bouche qui mange ne parle pas » ! J’ai vu que par simplement la longueur, si tous les Centrafricains qui ont vu écrivaient, ça ferait le tour du monde. J’ai vu des gouvernements humanistes réclamer tout juste des impôts légaux sur des trafics illégaux d’armes vers l’Angola. J’ai vu qu’ils ont peur de ça. J’ai vu des Président nous dire que le pouvoir est un don de Dieu, pas des armes, et surtout, surtout, pas du peuple. J’ai vu nos mamans, toutes nues, danser devant le Palais de la Renaissance. J’ai vu des opposants en prison se convertir. J’ai vu des Centrafricains tués parce qu’ils contribuaient à la vie démocratique de leur pays ! J’ai vu les ruines de nos écoles, et les naissances des chapelles. J’ai vu un Président démocratiquement élu partir pour ne pas revenir. J’ai vu des anciens Présidents, racketter l’actuel. J’ai vu un Président chier, tout en sueur, j’ai compris que c’était un homme, mais a-t-il un cœur si c’en est vraiment un ? J’ai vu un Président bruyamment péter et des ministres l’acclamer. J’ai vu des Hommes s’enfuir, abandonnant femmes et enfants (cf. l’épisode a koli a kpé pendant la mutinerie de 1997). J’ai vu un Empereur partir pour ne plus revenir. J’ai vu un Empereur être inhumé dans la mutinerie, sans la dignité et dans la peur. J’ai vu des compagnons, compagnons d’hier se déchirer, et c’est la politique. J’ai vu un Président mourir à côté (Cameroun) de nous, dans la solitude, et la pauvreté ! J’ai vu tous les catalogues (type La Redoute) programmes, de chaque candidat refusant de voir et de parler d’unité et de la concorde nationale. J’ai vu des Centrafricains ne sachant comment aller enterrer leur mort (naturel ou par balles directes ou encore appelées perdues et surtout achetée avec l’argent de son impôt, direct ou indirect). J’ai vu dans ce pays tout le monde dire que c’est la faute des autres. J’ai vu les nouveaux dignitaires oreilles habituées aux Excellences, Excellences, ne plus écouter le peuple. J’ai vu qu’ils vont se dire « heureusement qu’il n’a pas tout vu ou qu’il n’a rien vu ». J’ai vu que ces dignitaires ont vu que tous nos hommes politiques ne sont pas des cupides rapaces (propos injustement reproché au journaliste Maka Gbossokotto si nos juges avaient pris la peine de regarder le dictionnaire). J’ai déjà vu ces hommes vous dire «ne rêvez pas avec ce rêveur, et venez manger» ! J’ai vu que tout est nul dans ce pays où tout s’annule, se neutralise. Mais aussi, j’ai vu les Centrafricains voir ces choses et peut-être autres choses, de leurs propres yeux vues. Alors, alors, c’est à eux aussi de nous dire, « a fou sein, partout, partout ! » mais surtout par l’autocritique et bien sûr, sans omissions, ni falsifications, ni mensonges car le peuple a tout vu et l’histoire dira son mot, pas à la mot.

 

 

Décrétons un recommencement ?