Centrafrique – Est-ce qu’il faudrait amender et inclure les rébellions dans la constitution?

 

Lorsque les centrafricains avaient accepté les termes de la constitution du pays, qui établissaient le cadre et le modèle de gestion des affaires nationales, nous avions volontairement accepté de croire que tout ce processus avait non seulement consisté à débattre, à rédiger, à proposer le texte au référendum, puis à adopter une constitution, mais surtout à instiller dans la conscience des citoyens une notion moderne de gestion démocratique et son mode d’opération comme des manières de penser, des manières de faire et des manières d’être.  Cependant, nous savions aussi que la démonstration de ces comportements serait fonction du degré d’acquisition des humanités ou encore du degré d’éducation, des connaissances civiques et des engagements politiques de chaque citoyen.  Après les périodes d’apprentissage et de démonstration pratique du modèle démocratique qui s’étaient étalées sur un peu plus d’une vingtaine d’années, nous serions bien tentés de concéder pour les raisons qui suivent que la démocratie et la constitution seraient toujours des concepts nébuleux et que leurs sens n’étaient pas compris puis acceptés par des nombreux enfants de ce pays.  Enfin, pour nous consoler nous nous rappelons que faire chanter des cantiques en latin dans les églises catholiques n’avait pas nécessairement empêché les fervents chrétiens de pêcher, ni à l’époque, ni aujourd’hui.  

 

Cependant, les enfants de la Centrafrique avaient été les véritables artisans de la constitution du pays, même si en réalité seul un petit groupe avait fait l’essentiel du travail.  Ne disait-on pas que lorsqu’un individu avait réalisé un exploit hors du commun dans le village, c’était tous les habitants du village qui en portaient les honneurs et participaient à la célébration?  Mais qu’est-ce que serait donc cette constitution?  Selon nous, cette constitution serait la loi fondamentale sans laquelle les décrets et les ordonnances pris par Bozizé, les lois votées par l’assemblée nationale, l’adhésion de la Centrafrique à des conventions internationales, les prestations de serment des commis de l’état, les grades et les échelons des différentes catégories professionnelles de la fonction publique ou de l’armée, les hiérarchies et autres n’auraient vraiment de signification.  Mieux encore, qu’est-ce qui donnerait vraiment un caractère souverain aux lois, aux règlements, aux jugements et aux actes de l’administration, ou encore à l’existence d’une citoyenneté centrafricaine si cette constitution n’était pas respectée par les enfants du pays eux-mêmes et si la démocratie et la constitution étaient régulièrement foulées au pieds?  Est-ce que les habitants de la Centrafrique devraient retourner aux pratiques tribales ou coutumières d’avant les grandes explorations européennes dans la région?  Si non, est-ce que chaque centrafricain et toute la société centrafricaine ne devraient pas veiller aux respects de la forme et à l’application des termes de cette constitution, si vraiment celle-ci devrait être considérée comme la loi fondamentale qui gouvernerait le fonctionnement d’une société centrafricaine moderne !  Et selon nous, ne pas respecter les termes de cette constitution serait simplement enfreindre cette loi fondementale.  Et enfreindre une loi quelconque devrait avoir ses conséquences si réellement il existerait en Centrafrique un pouvoir quelconque dans l’organisation de la société qui mériterait le qualificatif de judiciaire.  Selon nous, honorer chaque et tous les termes de cette constitution serait dans le moindre des cas la démonstration par chaque centrafricain du respect de sa propre citoyenneté.  Est-ce que nous pourrions alors avancer que refuser d’accepter tous les termes de cette constitution serait simplement renier la nationalité centrafricaine et refuser son intégration dans la société centrafricaine?

 

Pendant longtemps, nous avions pensé que des hommes et des femmes qui se réclamaient d’être centrafricains et qui seraient en quête du pouvoir personnel à Bangui comme seul moyen de valider leur existence sur cette terre, avaient été à l’origine de toutes les crises centrafricaines, en refusant d’accorder la priorité au respect des termes de la constitution du pays.  Cela avait été ces hommes et ces femmes, démagogues qui avaient voulu faire croire aux citoyens qu’ils étaient les présidents et cadres des partis politiques, seuls capables de créer les solutions salvatrices aux problèmes centrafricains.  Cela avait été ces soldats et les officiers d’une armée centrafricaine sans conscience patriotique qui s’étaient servis de leurs armes pour intimider, pour troubler l’ordre publique, pour faire règner la terreur ou pour tuer leurs concitoyens.  Nous vous défierons ici de trouver d’autres exemples semblables à propos de ces hommes et de ces femmes qui avaient de grandes responsabilités, qui étaient supposés être au service des citoyens du pays et de l’état, et cependant, qui avaient dévié de leurs charges.  Une conséquence lourde des actes de ces hommes et de ces femmes avait été la dissolution de l’autorité de l’état.  D’autres conséquences avaient par exemple été la confusion dans l’esprit des citoyens des notions de société civile, de civisme, d’état, de responsabilité et de droits de citoyens, de citoyenneté, etc.  De fil à aiguille, les enfants de ce pays avaient créé consciemment ou pas une Centrafrique où le pouvoir appartiendrait à ceux qui étaient plus malins ou malicieux que les autres, plus démagogues que les autres, mieux armés que les autres, et plus intimidants ou plus forts que les autres.  

 

Tout le monde serait bien d’accord que l’existence seule des institutions démocratiques ne suffirait pas pour la réalisation des aspirations du peuple.  Les idées, les méthodes et les stratégies pour atteindre cet objectif devraient trouver des médias ou des forums pour leurs expressions, pour opérer et appporter le changement.  En centrafrique, il y aurait des textes administratifs qui préciseraient les modalités pour la création de parti politique ou d’association.  Chaque fils ou chaque fille du pays aurait donc à sa disposition des instruments légaux pour organiser, discuter et débattre ces idées relatives au développement des différents secteurs de l’administration, des industries, du commerce ou simplement de l’économie du pays.  Dans le pays, il y aurait aujourd’hui une multitude d’associations, de partis politiques, d’organisations religieuses qui opérerait légalement et librement, malgré certains obstacles ou contradictions inhérentes.  Cependant, nous sommes désolés car c’est plus fort que nous, nous ne comprenons pas pourquoi, un ou plusieurs enfants du pays, parce qu’ils auraient des armes et des troupes s’en serviraient pour opprimer et maltraiter ceux qu’ils considéreraient comme leurs frères ou leurs soeurs.  Si les chefs des rébellions en Centrafrique prétendent défendre des idéaux intrinsèques ou des intérêts propres aux pays et à ses citoyens, le peuple centrafricain voudrait bien avoir l’honneur de savoir au nom de quelles tranches représentatives de cette population centrafricaine ces chefs prétendraient parler ou attaqueraient les habitants de différentes villes du nord du pays.  Est-ce qu’un parti politique d’une centaine de membres aurait le droit de troubler la paix du reste de la population de la Centrafrique ou même de tuer une dizaine de citoyens qui auraient eu le malheur de se trouver sur leur chemin?  Si ces rébellions représentaient réellement des mouvements politiques, pourquoi ne déposeraient-ils pas les armes et rejoindraient les autres partis politiques dits d’opposition à Bangui ou à l’assemblée nationale pour discuter civilement avec tous les centrafricains de leurs préoccupations?  Ou bien est-ce que ces chefs rébelles ou ces rébellions seraient simplement les branches armées de partis politiques légalement établis comme le MLPC, l’ADP, le MDREC, le RDC ou d’autres partis dits d’opposition?  Si oui, est-ce que cela expliquerait enfin pourquoi les chefs de ces partis politiques légaux demanderaient avec insistence à Bozizé de dialoguer avec les chefs rébelles.  Mieux encore, nous ne comprenons pas pourquoi  un chef de parti politique accepterait aujourd’hui de discuter avec un groupe rébelle ou un groupe de tueurs qui refuserait de jouer le jeu de la démocratie dans les règles qu’ensemble la société centrafricaine avait établies.  Les activités nuisibles de ces rébellions ne seraient-elles pas contraires à la constitution et contraires à un exercise constructif de la  démocratie?  Selon nous, ces rébellions seraient simplement une imposture qui compliquerait davantage la recherche de bonnes solutions aux maux du pays dans la transparence.  Si les partis politiques d’opposition soutenaient en réalité ces rébellions, est-ce que l’assemblée nationale, la cour constitutionnelle et les autres institutions ne devraient-elles pas envisager la perspective de faire amender la constitution et faire accepter le principe de rébellion?   Mais avouons enfin que nous comprenons les hésitations ou le refus de Bozizé de traiter avec des individus et des groupes qui ne respectent pas les termes de la constitution du pays et les principes de sa démocratie. 

 

Nous savons que Bozizé avait lui-même donné le mauvais exemple.  Mais aujourd’hui les fils et les filles du pays devraient réaliser qu’il faudrait fermement refuser à de nouveaux individus ou tout groupe d’entrer en rébellion pour freiner le processus de développement de la démocratie et celui de la recherche du développement du pays.  Si ces chefs de rébellion ou ces chefs de partis politiques avaient des objections, il y aurait une procédure civile simple à suivre pour faire entendre leurs points de vue, pour soumettre leurs opinions au débat  publique et demander l’avis des citoyens.   Pourquoi entrer en rébellion contre les principes que nous avons décrits plus hauts, sous le prétexte qu’ils ne voudraient simplement plus de Bozizé au pouvoir à Bangui ?  Vous conviendrez avec nous que cette raison seule serait légère et qu’elle serait ni suffisante ni convaincante pour changer les règles démocratiques et la constitution du pays.

 

Enfin, nous voudrions reconnaître qu’il y aurait aussi dans le pays des centrafricains qui seraient travailleurs et d’honnêtes citoyens et qui voudraient aspirer à mieux que ce que les politiciens et Bozizé leur offrent et à mieux que ce que les chefs rebelles leur proposeraient. Ils voudraient avoir des fonctionnaires au service du citoyen ne souffrant aucun arriéré de salaires.  Ils voudraient de bonnes écoles et des universités de bonne réputation pour la jeunesse du pays.  Ils voudraient un gouvernement dynamique et responsable qui associerait réellement tous les citoyens à la prise des grandes décisions.  Ils voudraient une armée non seulement nationale mais véritablement patriotique et professionnelle.  Ils voudraient être fiers d’être centrafricains au même titre que les citoyens des pays nantis.  Ils voudraient surtout la paix.  Mais seulement pour avoir tout cela, les centrafricains devraient cesser d’être muets.  Ils devraient exprimer librement leurs opinions et être plus actifs dans les partis politiques et les associations, afin de faire front commun et chercher ensemble les meilleurs changements pour leur pays. Les opinions de tous seraient précieux pour consolider ou affaiblir cette démocratie.  Dites donc ce que vous pensez de ces rébellions et des prises de position ou non des représentants des partis politiques!

 

Jean-Didier Gaïna

Virginie, Etats-Unis d’Amérique (14 décembre 2006)