Centrafrique – Est-ce que la
cupidité serait la raison principale de ces rébellions ?
Une lettre à
François Bozizé, Président de la République Centrafricaine
Monsieur le
Président,
J’ai décidé
de vous adresser ce message personnel parce que la Centrafrique que vous aviez
offert de diriger serait en train de traverser une période grave et de plus en
plus dramatique de son histoire.
J’ai aussi décidé de rendre ce message publique, afin que tous les
centrafricains, vos frères et soeurs sachent de quoi vraiment il est
question.
Vous aviez
décidé d’entrer en rébellion pour renverser Patassé, et, aujourd’hui encore je
n’ai toujours aucune raison valable pour prendre fait et cause pour
Patassé. Cependant, votre action
avait été un très mauvais exemple de règlement de conflit dans un pays que l’on
considérait comme une démocratie.
Vous me rétorquerez que vous n’aviez pas d’autres choix valables. Si pourtant, il s’agissait de votre
adhésion à cet autre modèle, né à la fois de l’existence et du respect des
termes d’une précédente constitution qui avait été plébiscitée par vous même et
tous les autres enfants du pays sous Patassé! Dans votre mission de libération du pays
de l’emprise de Patassé, vous vous étiez non seulement associés à des
centrafricains aux origines douteuses et à des étrangers mais, surtout, vous
aviez compromis l’intégrité même de votre mission de libération de votre pays en
prenant avec vous des mercenaires et des crapules et en vous associant à des
hommes sans foi ni loi. Ceux qui
avaient été à vos côtés pendant votre rébellion et votre campagne de libération
seraient aujourd’hui ceux qui, à leur tour, avaient décidé de créer d’autres
mouvements dits de rébellion qui nuisent à la sécurité et à la tranquilité des
populations du nord et nord-est du pays, et dont les actions constituent des
obstacles majeurs au développement de ces régions et à une gestion saine et
sensée des affaires de la société centrafricaine dans un contexte que l’on
voudrait qualifier de démocratique.
Un
centrafricain avait écrit récemment et se demandait comment vous pourriez
prétendre donner des leçons de démocratie à ces prétendus rébelles qui
s’activent dans les régions septentrionales du pays et refuser de dialoguer avec
ceux-ci si par le passé vous aviez reproché à Patassé de s’opposer au
dialogue. N’est-ce pas tout cela
contradictoire?
Quand votre gouvernement de transition avait accepté de faire les
premiers pas vers des élections démocratiques, j’avais tout parié que vous
seriez partie prenante aux élections présidentielles. J’avais pressenti un danger pour le pays
et avais écrit que votre éventuelle candidature serait une mauvaise
proposition. J’avais même suggéré
que vous devriez donner l’occasion à un autre centrafricain, neutre de tout
engagement personnel que vous aviez pris avec ceux qui vous avaient soutenu dans
votre rébellion, et, permettre la mise en place d’un gouvernement neuf qui
aurait les mains libres et qui serait capable de répudier vos anciens rebelles
qui étaient toujours présents dans le pays, qui étaient devenus des bandits de
grands chemins, et qui, aujourd’hui, écument les campagnes, les villes et les
axes routiers, paralysant ainsi les espoirs d’une relance rapide de l’économie
du pays. Vous aviez fait la
démonstration que vous n’aviez cure de cet humble avis, ni de ceux de votre ami
Amani Touré et d’autres.
Aujourd’hui, vous vous estimerez certainement heureux d’avoir participé
aux élections, puis d’avoir été élu par le peuple centrafricain. Aujourd’hui aussi, vous auriez peut-être
voulu nous dire que nous avions eu tort, si vous en aviez eu l’occasion.
Mais
qu’est-ce que cela voudrait dire être président? Cela voudrait dire, veiller à ce que
toutes les taxes, les patentes et les amendes collectées par l’état servent
effectivement à construire et améliorer l’état des insfrastructures. Cela voudrait dire offrir aux citoyens
et à tous les contribuables des services sociaux d’excellente qualité dans le
pays, à savoir de bonnes écoles pour les enfants et des enseigants qualifiés,
d’excellents hôpitaux et des dispensaires bien équipés, des routes principales,
secondaires, municipales et rurales bien entretenues et carrossables toute
l’année. Cela voudrait dire
utiliser judicieusement les ristournes des exploitations du diamant, du bois, de
l’uranium et de l’or des terres du pays et toute l’aide extérieure pour soutenir
d’autres actions parallèles de développement dans les domaines du sport et des
arts par exemple. Cela voudrait
dire réaliser des grands chantiers nationaux qui fourniraient du travail à vos
concitoyens et initier dans le pays des projets de société judicieux qui
garantiraient pour de nombreuses décennies le bonheur des générations présentes
et celles à venir. Cela voudrait
surtout dire assurer sans faillir la sécurité des fils et des filles du pays,
vos frères et vos sœurs. Accomplir
cette mission et anticiper de nouvelles seraient ce que tous les centrafricains
attendaient de vous en acceptant de vous élire à la tête de l’état
centrafricain.
Mais
seulement voilà, vous, votre gouvernement et vos députés avez eu beaucoup de mal
à faire matérialiser de toutes ces aspirations du peuple centrafricain! Les actions de votre gouvernement ne
sont pas efficaces et les bons résultats tarderaient à se manifester rapidement,
en particulier la régularité du paiement des salaires des fonctionnaires. Malgré les termes de la dernière
constitution dont vous aviez pourtant été le promoteur et qui seraient l’essence
même de votre modèle démocratique, des enfants du pays seraient impatients et
d’autres qui se réclamaient d’une rébellion ou qui avaient été vos compagnons
d’armes, voudraient prendre le pouvoir pour faire mieux par les armes. Ce faire constituerait simplement une
imposture, contraire à la constitution.
Mais n’aviez-vous pas vous même tracé la voie simple et idéale pour
museler la démocratie et pour vous emparer du pouvoir? Parmi ces rébelles, il y aurait ceux qui
vous demanderaient de payer d’anciennes dettes que vous aviez contractées auprès
d’eux ou des promesses que vous leur aviez faites et que vous n’auriez pas
tenues. D’autres vous demanderaient
simplement de démissionner de vos fonctions, parce que certaines actions prises
par vous ou par votre gouvernement ne satisferaient pas les attentes et les
intérêts de ceux qui vous avaient élu. D’autres encore voudraient vous faire
goûter le sort que vous aviez réservé à Patassé, parce que voyez-vous, vous
procédez comme Patassé, vous n’écoutez pas ceux qui vous avaient élu et même
vous leur avez manquez de respect.
Malheureusement, au lieu de s’en prendre à vous personnellement, ces
rebelles attaquent les populations civiles innocentes.
Pendant
longtemps, j’avais pensé et je crois toujours que ces chefs des rébellions qui
réclament le dialogue, voudraient simplement prendre votre place pour satisfaire
leurs égos. Ils voudraient chacun
recevoir les honneurs d’un chef d’état.
Leurs lieutenants voudraient eux-aussi des postes dans un gouvernment ou
dans l’armée nationale, un peu comme les promesses que vous aviez faites à
Abakar Sabone. Mais peut-être que
je me trompe! Cependant ces chefs
rébelles avaient oublié de tout dire des conséquences lorsque l’un d’entre eux
prendra votre place par la force.
Selon moi, chaque fois qu’un chef rébelle renversera un gouvernement,
celui-ci (1) suspendrait la constitution, (2) dissoudrait une assemblée
nationale, (3) mettrait en place un gouvernement de transition, (4) établirait
en grande pompe un dialogue national,
(5) ré-écrirait et ferait voter une nouvelle constitution, puis (6)
proposerait un calendrier pour de prochaines élections véritablement libres et
réellement démocratiques. Ce
schéma serait semblable à celui des évènements que vous avez dirigés et que le
pays avait connu. Chaque
gouvernement démocratique élu pourrait durer le temps prescrit dans la nouvelle
constitution. Mais entre temps, il
y aurait une nouvelle rébellion qui renverserait celui-ci. Et tous les cinq ou six ans, la
Centrafrique devra retourner à la case de départ pour tout recommencer. Si vous ajouter les années d’existence
de chaque gouvernement démocratique aux années d’un gouvernement de transition
ou simplement d’un gouvernement rébelle venu du nord, du sud, de l’est ou de
l’ouest du pays, la réponse serait bien simple. Tout le pays sera en ruine,
parce que le pays aura été mis en coupe par des groupuscules armées,
prétendument en rébellion et sous le contrôle de petits chefs de guerre,
illuminés. Une conséquence serait par exemple des contrôles routiers constants
partout dans le pays, et que les citoyens ne pourrait franchir qu’en payant une
taxe au chef de guerre local.
L’insécurité totale n’autoriserait plus l’existence des forces de police
ou de gendarmerie dans les villes de l’intérieur. Un gouvernement fantôche à Bangui serait
à la solde des chefs des rébellions.
Le pays n’aurait plus d’écoles publiques et laïques, plus de fonctionnaires pour
assurer les services d’un état dit souverain. Mais ajoutons à cette petite énumration
que le peuple centrafricain douterait que Miskine, Djadder, Djatido, Sabone ou
d’autres feraient mieux que Bozizé.
Aucun n’avait jusqu’ici indiqué qu’il en avait l’expérience, la capacité,
et la volonté ultime de vraiment servir le peuple centrafricain. Une rébellion
et son chef ou l’union de toutes les rébellions et de leurs chefs seraient
incapables de donner au peuple centrafricain une quelconque garantie de
restaurer la paix et d’ouvir les bonnes voies vers le développement harmonieux
du pays. Ce serait la
catastrophe ! Et je suis
persuadé que vous savez cela.
Tout cela est
triste, ne trouvez-vous pas ?
Ceux sont ces observations ou ces mauvaises prédictions que je
voudrais porter à ta connaissance,
puis à la réflexion de chaque centrafricain. Selon moi, le danger serait beaucoup
plus grandiose que ce tableau que je viens de dresser. Ces rébellions ne seraient en réalité
que des prétextes. Il y aurait
derrière toutes ces rébellions une chose impensable. Il y aurait un complot ou des complots;
c’est le terme qui conviendrait. Je
soupçonnerais qu’un ou plusieurs groupes d’individus d’Afrique, d’Europe, d’Asie
ou d’ailleurs, que j’aurais du mal à identifier, cependant qui seraient
familiers, parce qu’ils seraient dans le pays et vivraient avec et au millieu
des centrafricains, voudraient envahir et occuper la Centrafrique, en partie ou
dans son ensemble. Ces groupes
indépendants ou liés entre eux, voudraient envahir, conquérir, puis
asservir. Chose qui serait facile,
parce qu’ils se rendent bien compte que l’armée centrafricaine serait
aujourd’hui en déliquescence, et qu’ils pourraient facilement rallier à leurs
causes tous les hommes politiques et tous les militaires qui sont toujours prêts
à changer leurs fusils d’épaules. Ils savent que Miskine, Djadder, Djatido et
d’autres seraient des petits pions qu’ils pourraient manipuler à loisir en leur
faisant reluire toutes les richesses et tous les honneurs que ces petits chefs
rébelles pourraient glâner lorsqu’ils se seraient emparer du pouvoir comme
l’avait fait Bozizé. Ces groupes
savent que la Centrafrique regorge de nombreuses ressources naturelles,
facilement exploitables. Ils savent
que les coûts d’exploitation de ces ressources naturelles seraient très faibles,
surtout avec une population locale sans emplois ou une population qui pourrait
être assujétie et quils pourraient faire travailler par la force. Les groupes en question mettraient en
place dans le pays un gouvernement fantôche qui recevrait les ordres uniquement
d’eux. Alors, on pourrait dire
adieu à la démocratie, à une assemblée nationale du peuple et à une justice
impartiale! Le pays serait régi par
des lois et règlements qui seraient mêmes contraires au principe du respect des
droits de l’homme. Ces groupes
pourraient utiliser tout le territoire, sans un service des douanes, pour y
écouler tranquilement les armes et munitions et la fausse monnaie, pour y faire
transiter des stupéfiants venus d’ailleurs, et pour blanchir de l’argent
sale. En réalité le territoire
centrafricain, à cause de sa situation géographique centrale, pourrait aussi
servir de plaque tournante pour exporter la subversion vers d’autres pays de la
sous-région. Alors la démocratie,
le développement économique et social, et les autres devront aller se faire voir
ailleurs! Si ce que je vous
rapporte vous surprend, regardez donc ce que s’était passé en République
Démocratique du Congo, en Sierra Leone, au Libéria, en Afghanistan, ou encore
regardez les réalités de ce qui se passe au Soudan!
Monsieur le
Président, je considère que vous êtes responsable de ce qui se passe en
Centrafrique pour les raisons que j’ai indiquées plus haut. Je considère aussi que vous êtes aussi
la solution à ces problèmes. Le
peuple centrafricain et le monde vous observent et tous espèrent que vous saurez
une dernière fois jouer la bonne carte, celle qui gagnerait et sauverait les intérêts propres à
Très
respectueusement,
Jean-Didier
Gaïna