CONTRIBUTION D’UN CENTRAFRICAIN A L’ETRANGER AU DIALOGUE POLITIQUE INCLUSIF :

CREER LES CONDITIONS DE LA JUSTICE, DE LA PROSPERITE

ET DE LA PAIX

 

Cher-e compatriote,

 

Je m’adresse à vous tous en ce moment historique de la vie de notre pays et de notre peuple meurtri. J’ai la conviction comme beaucoup d’entre vous que notre nation est éternelle. Les aléas de notre destinée collective de ces dernières années, nous ont fait douter, sans entamer notre fierté d’appartenir à cet endroit de la terre.  

 

J’ai l’intime conviction que nous avons les ressources intellectuelles, spirituelles, technologiques, économiques, toute chose nous permettant de transformer radicalement notre société, pour la conduire vers la justice, la prospérité et la paix. J’ai confiance dans les gens de mon pays mais également dans la culture centrafricaine. Nous avons la capacité d’innover, nous sommes un peuple débordant de générosité, de solidarité, mais également d’humour et d’hospitalité pour les étrangers, même en temps de crise.

 

En ce moment d’introspection collective, j’appelle tous mes compatriotes à mobiliser ce qu’ils savent faire, leurs réseaux divers, pour faire bouger les lignes politiques vers un patriotisme renouvelé. Politique signifie encore aujourd’hui pour nos compatriotes : fourberie, malhonnêteté, clanisme, détournement de pouvoirs à des fins personnelles, abandon des populations de l’intérieur, carriérisme…Après ce DPI nous devons tous, enrichir par nos divers savoirs faire, les domaines de la vie nationale qui en ont tant besoin ! Les activités économiques qu’il faut diversifier ne manquent pas, les missions sociales pour accompagner les plus faibles n’ont pas toujours les bras nécessaires, des moyens et de véritables leaders désintéressés, capables de les mener à bien. Notre culture devrait enfin permettre une expression qui anticipe les changements indispensables.

 

Je n’appartiens à aucun parti politique. Je ne recherche pas un strapontin ministériel ou autre. Je suis un citoyen libre qui est lié « ombilicalement » à son pays, et par les liens sacrés du sang à sa famille. J’essaye tous les jours à travers mon abnégation au travail, à faire honneur à mon pays, la République Centrafricaine. Je le répète, il nous faut être les plus nombreux possible à entrer en résistance contre la descente aux enfers de notre peuple et le déclin de notre pays. Il nous faut notamment du courage pour ne pas être habité par la haine en acceptant le pardon que notre frère nous demande publiquement, sans pour autant versé dans la complaisance et l’apologie, voire la banalisation de l’impunité. Vous comprendrez qu’il faut privilégier les voies de la paix et de la démocratie en créant les conditions préalables que sont la justice et la prospérité économique.

 

J’aurai voulu être des vôtres. J’aurai aimé dire un certain nombre de choses, en regardant droit dans les yeux, toutes celles et ceux qui ont eu le privilège de détenir une parcelle de pouvoir. Ce sera cette fois par le biais de cet écrit ici et maintenant. Voici de très humbles propositions, pour sortir du processus cumulatif de régression national. Elles sont les suivantes :

 

 

 

1 – propositions d’ordre politique, moral et institutionnel

 

-         Adopter le principe du renoncement au recours à la force armée et à la violence armée pour se maintenir ou pour conquérir le pouvoir. Formaliser un écrit dans lequel tous acteurs majeurs de la vie politique nationale s’engagent à ce renoncement. Si cette proposition  majeure n’est pas actée, le DPI n’aura été qu’une occasion manquée ! De nombreux centrafricains attendent principalement de cette rencontre les conditions de la paix civile. Les gens en ont marre d’être vos chaires à canon, vos otages!  En favorisant les conditions de la paix et de la concorde nationale, dans les discours et dans les actes, vous rendrez à la politique toute la considération qu’elle mérite.

-         Mettre en place un Conseil National de Transition Républicaine et Démocratique. Il sera l’organe de régulation des institutions politiques chargé de veiller à l’applicabilité des mesures du DPI et notamment  d’apurer tout blocage qui viendrait à apparaître. Ses décisions qui seront en principe à l’unanimité devraient être exécutoires. Sa composition sera 1/5éme pouvoir en place, 1/5éme groupes rebelles armés, 1/5éme opposition démocratique, 1/5éme représentants de la communauté internationale et sous régionale, et 1/5éme représentants de la société civile et des victimes des violences militaro-politiques (des femmes centrafricaines et – ou des jeunes non affiliées aux partis politiques). La présidence de cet organe supra législatif et supra exécutif sera attribuée à une femme centrafricaine dont l’indépendance et le courage seront reconnus par le DPI.

-         Imprescriptibilité des crimes de sang et des crimes financiers commis après le DPI. L’adoption d’une organisation judiciaire immédiatement fonctionnelle et dont l’indépendance doit être affirmée avec la plus grande force. La valeur de la vie et des droits fondamentaux de chaque centrafricaine et de chaque centrafricain est un objectif majeur du DPI sur toute l’étendue du territoire. Il faut faire cesser immédiatement le cycle de violences dont les plus faibles d’entre nous pâtissent le plus. La loi et la justice sont des impératifs catégoriques si nous voulons vivre dans une société civilisée « zo kwè zo ». Je pense aussi aux juridictions financières compétentes pour le contrôle des comptes des collectivités territoriales, des entreprises publiques ou privées d’intérêt général, des administrations publiques et des pouvoirs publics. Elles sont les garants de la bonne gestion des ressources publiques, tout en étant aptes en principe à l’évaluation des politiques publiques. Aucun crime, aucune indélicatesse financière ne doit échapper à la vigilance des juges, ou de toute autorité en charge des procédures financières. La presse dans le respect de la déontologie est appelée à participer activement à cet élan de « salubrité financière publique ».

 

2 – propositions d’ordre économique et financière

 

-         Nationalisation des ressources stratégiques (exploitation et exploration, prospection) même si la gestion devrait emprunter les modes du droit privé et de l’entreprise avec un pouvoir de contrôle renforcé à la fois du parlement (dans une émanation paritaire majorité et opposition, à laquelle serait joint des personnalités de la société civile), et de la justice, la Cour des comptes. Les ressources dégagées seraient affectées aux politiques d’éducation, de santé, d’emploi et d’infrastructures. Des Etats d’Afrique de l’ouest ont mobilisé des ressources privées en contrepartie desquelles ils ont accordé des droits d’exploration et de prospection, pourquoi n’en ferions nous pas de même ?

-         Défiscalisation et détaxation des investissements pour accélérer et créer « un choc important d’initiatives ». Je crois à une politique immobilière sans précédent qui permettrait la stimulation de l’activité et de la création d’emplois.

 

-         Engagement budgétaire à hauteur de 35 à 40% pour donner un sérieux coup de fouet aux services publics d’éducation et de santé. Ce sont les investissements pour l’avenir.

-         Politique de grands travaux d’infrastructures : quels sont les chantiers en cours  dont il faudrait accélérer le démarrage ?

-         les conditions économiques internationales sont favorables à la relance de politiques agricoles vivrières volontaristes. Nous devrions nous engouffrer dans cette voie qui correspond aux besoins alimentaires de notre peuple. Nous pouvons également envisager d’exporter sur les marchés extérieurs de la sous région et plus loin. Il faut réconcilier les compatriotes au travail de la terre, sans démagogie ! Plus aucun centrafricain ne doit être confronté à la faim. C’est à notre portée en 2 ans !

-         Il faut élargir les pouvoirs de contrôle parlementaire et de la société civile sur l’exercice de notre souveraineté sur nos ressources stratégiques : le bois, les mines…

 

3 – contexte international actuel et positionnement souhaitable de la R.C.A

 

-         la diplomatie du développement doit se traduire en réalité concrète. Les difficultés économiques et financières de l’Europe et des Etats-Unis devraient nous inciter à nous tourner davantage vers la Chine, l’Inde et les pays du golfe. Il s’agit d’un cycle qui va encore durer, il nous faut nous insérer dans les dynamiques géostratégiques actuelles. Rendez vous bien compte que le DPI se réunit dans un haut lieu de la République fruit de la coopération avec la Corée !

 

-          Quelles implications de la diaspora centrafricaine dans la promotion économique, le processus de changement de mentalités, les transferts des savoirs faire et de technologies ? Nous savons tous combien les diasporas chinoises, malienne, sénégalaises, juives et libanaises pour ne citer que celles là, sont les moteurs de croissance économique dans les pays d’origine. La notre n’a jamais pu jouer collectivement un rôle positif dans la vie de la nation. Il faut favoriser un retour ou des investissements autres que politiciens de notre diaspora. Dans ce processus, il y a urgence de procéder avec la plus grande transparence.

-         L’élection de Barack OBAMA à la tête de l’exécutif du pays le plus puissant du monde ne peut nous laisser indifférent. Il s’agit pour notre diplomatie d’étudier les opportunités que cette situation nouvelle pourrait engendrer pour nous. L’axe du multilatéralisme dans les relations politiques et économiques internationales me semble nous concerner directement. Le préalable est que nous soyons en mesure d’être inventif pour monter des projets pour nos populations : santé, éducation, infrastructures, énergie, transports, sécurité. Nous avons une diaspora de qualité aux USA, et surtout un nombre croissant de cadres centrafricains qui travaillent dans le système des nations unies. Les uns et les autres sont tenus ce moment de l’histoire de notre pays de réfléchir, de proposer et d’accompagner directement ou indirectement des projets. Il nous faudra utiliser toutes les ressources du système multilatéral ! C’est à vous d’en installer les conditions politiques et administratives, la confiance  et l’efficacité !   

-         Je crois pour ma part m’investir dès mi juin 2009, dans l’élaboration d’un programme éducatif à vocation de formation professionnelle ambitieux, dans sa partie conceptuelle et financière, complètes pour notre jeunesse. Je souhaite ne pas rencontrer d’obstacle dans cette démarche de réinvestissement professionnelle et patriotique.

-         Je propose enfin que le DPI se déplace symboliquement, selon des modalités à définir sur l’un des sites où notre peuple est en errance, pour se rendre compte des conséquences des affrontements fratricides. Témoigner à cette occasion de la volonté de faire la paix, de rétablir la justice et d’assumer la réhabilitation de l’éthique et de la responsabilité politique. Vous graverez ainsi dans le marbre de l’histoire, tout le respect dû au peuple centrafricain dans son expression la plus ordinaire. Votre pardon sollicité sera à la fois sincère et mérité.

Je voudrais rendre hommage pour terminer aux défunts Alphonse BLAGUE  ancien Recteur de l’Université de Bangui et Luc DIAMBAYE pasteur et ancien directeur du Centre Protestant pour la Jeunesse, ainsi qu’à ma regrettée mère Juliette BEBE épouse REDJEKRA qui m’ont appris à aimer mon pays !

Fraternelles et patriotiques salutations à tous ! Vive la renaissance et vive le peuple 

 

 

Jean-Pierre REDJEKRA                                             Cayenne, le 14 décembre 2008

Personnel de direction et d’Encadrement

Guyane française

Chevalier de la reconnaissance centrafricaine