UNE COHABITATION ANNONCEE EN CENTRAFRIQUE

Et si ce serait le cas ! Cette configuration politique inédite fut déjà expérimentée en Centrafrique durant une courte période. C'est À  l'époque où¹ Monsieur Jean-Paul Ngoupandé était Premier Ministre entre 1996-1997. C'était le fameux GUN (gouvernement d'union  nationale)

L'article intitulé " Centrafrique : Vers le chemin de la Cohabitation ? ", Parut dans le quotidien " Le Confident ", dans sa livraison du 22 mars 2005, lève un coin du voile.
A la différence de la première cohabitation, celle qui se dessine sous nos yeux, à  en croire ce Quotidien, serait " un danger " N'est-ce pas aller vite en besogne en tirant cette conclusion ?

Lorsque le flot de résultats partiels poussent à  des interprétations et commentaires de ce genre, il perturbe  la chaîne de raisonnement  sous l'influence des rumeurs ou d'opinions. C'est ce qu'on appelle en ethnométhodologie l'effet de l'infinitude des indexicalités. Cette méthodologie nous enseigne de mettre de côté notre " implication personnelle pour prendre de la distance ", c'est-à-dire prendre une posture d'indifférence ethnométhodologique.

En ce qui me concerne, sans verser dans l'intellectualisme parisien, je préfère revenir sur le fond en utilisant le principe de réflexivité afin d'interroger cette cohabitation au travers de la contribution que voici.

En effet, la République centrafricaine constitue un laboratoire d'expérimentation politique dont les tenants et les aboutissants se trouvent entre Paris et Bangui. Je m'explique. Notre pays est le premier à  organiser la première conférence nationale. C'était en 1981, sous la Présidence du feu Président David Dacko. Les Centrafricains avaient baptisé cette rencontre " le séminaire national de réflexion " C'est important de le rappeler et sans tirer vanité d'aucune sorte. Cette expérience va faire long feu par un arrêt brutal du processus démocratique en cours.
Pour revenir à  la formule de cohabitation qui nous intéresse ici, sous réserve des résultats définitifs, il est bon de rappeler que les acteurs politiques intéressés doivent se préparer à  sa mise en oeuvre en tenant compte des paramètres suivants :

D'abord, le futur Président voudra aller au terme de son mandat en assumant la plénitude de ses fonctions ;
Ensuite, une absence de majorité présidentielle parlementaire ;
Enfin, une majorité parlementaire qui va appliquer son programme sous le regard critique d'un chef de l'Etat soumis à  une constitution semi-présidentielle ;

Si un tel scénario se réalise, notre pays va devoir assister à  un partage effectif de pouvoir entre la Présidence et la Primature.

En cas de divergence de vues sur telle ou telle question importante inscrite à  l'ordre du jour, il faut garder présent à  l'esprit que, selon la constitution, c'est le Président de la République qui a le dernier mot. Il dispose pour ainsi dire de moyens de dissuasion " nucléaire ", car il est le seul à  pouvoir appuyer sur le bouton nucléaire pour briser toute hostilité de l'opposition parlementaire de nature à  contrer ses prérogatives. Lorsqu'il y a blocage, soit il démissionne, soit il dissout l'Assemblée Nationale. En toute état de cause, le Président est le mètre du calendrier, de son agenda.

Cette arme redoutable qui se loge dans l'article 22 de la constitution de décembre 2004 lui permettra de présider sereinement comme le feu Président Mitterrand en 1986, laissant au gouvernement la responsabilité de mener l'action gouvernementale. Vaste chantier, l'homme de la palisse ne dirait pas mieux.

Notons que la cohabitation est un baromètre de la santé démocratique d'un pays ; c'est aussi " une période inédite " qui permet de jauger le degré de maturation du processus démocratique en cours.

Même en cas de non-cohabitation, la République centrafricaine sera toujours confrontée à  des difficultés d'ordre économique, notamment la dette, la misère et l'insécurité. Les citoyens (dirigeants ou non) ont un rôle à  jouer dans la lutte contre la pauvreté, la demande d'annulation de la dette(coloniale)…

Une telle perspective doit inciter les uns et les autres à  réfléchir sur les voies et moyens de sortir le pays de la dépendance extérieure qui est une des composantes de notre " sous-développement " ou mal-vivre.

Il y a lieu de rappeler ceci : la démocratie est une valeur universelle ; elle " a des exigences propres " qui vont du droit de vote au respect du résultat des élections. La démocratie implique aussi la protection des droits de l'homme, " la garantie de libre discussion et de circulation non censurée de l'information et de la liberté de la commenter ", souligne Amartya Sen, prix Nobel d'économie en 1998.

En d'autres termes, la participation des citoyens aux débats politiques est une bonne chose pour le pays et consubstantielle à  la démocratie.

Dans son autobiographie, Un long chemin vers la liberté, Nelson Mandela, un autre prix Nobel de la paix,  raconte l'expérience démocratique vécue en Afrique, balayant l'idée selon laquelle " le combat pour la démocratie en Afrique est considéré comme une simple tentative
d'importation de l' " idée occidentale " C'est vite oublier les influences intellectuelles de l'Egypte antique et de l'Inde sur la démocratie athénienne.

 

Maître Dangabo Moussa Abdou
Avocat Criminologue et Chercheur en Anthropologie politique rattaché au Laboratoire ITEM Université de Pau - France
(
Thu, 5 May 2005 10:06:38 ED)

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