Dissolution de BUCADA

Selon Monsieur Max Wazéléma qui est le Directeur de Développement Culturel Centrafricain, le BUCADA ( Bureau Centrafricain des Droits d'Auteur ) est dissout le 2/01/2005 par un arrêté Ministériel pour une raison de dysfonctionnement profond. Toujours d'après le constat de ce fonctionnaire du Ministère de la Jeunesse, Sports, des Arts et de la Culture, un comité ad hoc avait été mis en place il y a plus de quatre ans et chargé de gérer le BUCADA. Depuis, il n'y a pas eu d'amélioration et compte tenu d'incompétence des membres de ce bureau provisoire le Ministre vient de prendre cette sanction et par ailleurs prévoit la mise en place d'une équipe d'expert chargée de faire renaître le BUCADA dont la mission est la protection des oeuvres, la perception des droits d'Auteur et leur répartition aux ayant droits.

A vrai dire, cette décision ministérielle réveille une polémique sur le fonctionnement de BUCADA et sur la manière dont nous artistes concernés voyons les choses. Tout d'abord, nous encourageons la création de BUCADA dans les années 80 par Monsieur Takélépou, ancien journaliste à la Radio Bangui. Nommé Directeur de cet organisme qui est placé sous la tutelle du Ministère de la Jeunesse, Sports, des Arts et de la Culture, Monsieur Takélépou a été limogé pour des raisons de malversations financières. Puis, Monsieur Tubin a été désigné Directeur pour le remplacer. Après le départ de Monsieur Tubin un conseil d'Administration puis un Comité ad hoc présidés par des musiciens ont été mis en place pour gérer cet organisme et il a été constaté l'absence d'une amélioration sur l'ensemble des activités depuis sa création. Ainsi, les raisons de ce dysfonctionnement sont multiples. Les radiodiffusions, la télévision, les dancings ne versent pas les droits d'Auteur au BUCADA pour des oeuvres exécutées publiquement et ce qui a pour conséquences: la non rétribution des artistes, le développement de la précarité chez les musiciens dont certains sont réduits à la mendicité, l'accroissement de la piraterie et la détérioration de notre politique Culturelle. Autrement dit, cette pratique qui perdure a tué notre Musique qui est secteur générateur de revenu. Donc, un secteur économique.

 

1/ Quels statuts pour le BUCADA ( Une Société d'Economie Mixte )

En premier lieu, les artistes concernés et certains spécialistes remettent en cause les statuts de BUCADA qui est un sous département relevant du Ministère de la Jeunesse, Sports, des Arts et de la Culture. Il s'agit d'un handicap du fait même que ce Ministère est mal géré et plusieurs de ses départements souffrent de cet état de fait. Alors qu'un organisme de Droits d'Auteur par définition doit être une société Autonome avec une gestion simplifiée et gérée par les intéressés, c'est-à-dire les artistes eux-mêmes. Certes, l'émergence tardive des sociétés des Droits d'Auteur en Afrique nécessite leur accompagnement par le Ministère en charge de la Culture. Mais le constat sur le terrain montre un dysfonctionnement dû aux lourdeurs administratives de nos Ministères et à l'absence de transparence liée à la gestion des fonds dont sont bénéficiaires les artistes. L'exemple même du Cameroun voisin qui peine à restructurer son bureau des droits d'Auteur peut nous servir également de leçon. La main mise de l'administration Camerounaise sur cet organisme est l'un des freins liés à sa redynamisation. C'est dommage parce que la Musique Camerounaise est connue mondialement et génère de l'argent.

En d'autres termes, certains fonctionnaires véreux se servent dans la caisse des artistes avec toute impunité et ne veulent pas entendre parler de l'autonomisation de BUCADA. Compte tenu des difficultés rencontrées et précitées, les artistes souhaitent la création d'une Société d'Economie Mixte afin de simplifier la gestion de leurs droits d'Auteur. La particularité d'une telle entreprise réside dans l'association entre un collectif privé d'artistes et un service de l'Etat autour d'un intérêt commun. Nous défendons nos intérêts matériels et moraux et l'Etat assure sa mission de protection et de promotion Culturelle. Le Ministère des Finances est selon notre analyse le service de l'Etat adéquat pour collaborer avec la nouvelle Société Centrafricaine des Droits d'Auteur du fait de mettre à la disposition des artistes des outils de gestion et des techniciens spécialisés en recouvrement des fonds. Aussi, cette efficacité de gestion requise permet de gérer au mieux le contrat de réciprocité passé avec des organismes des droits d'Auteur étrangers. Le contrat de réciprocité nous oblige de collecter chez nous des droits des œuvres étrangères diffusées dans nos médias et de les envoyer à l'étranger auprès des nos partenaires tels que la SACEM, SABAM, le Bureau Sénégalais des droits d'Auteur...

 

2/ Lien avec le Ministère de la Jeunesse, Sports, des Arts et de la Culture

En deuxième lieu, il est à repréciser le lien entre le BUCADA et le Ministère en charge de la Culture dans notre pays. Dans un souci de ne pas couper le lien avec le Ministère de la Jeunesse, Sports, des Arts et de la Culture, il est souhaitable de développer une collaboration sur la protection et la promotion des œuvres déclarées avec ce service de l'Etat. Il importe de préciser que ce lien développé exclut tout rapport de tutelle entre les deux entités qui sont autonomes l'une de l'autre. Aussi, le BUCADA naissant doit bénéficier du soutien et de l'expérience des fonctionnaires du Ministère de la Jeunesse, Sports, des Arts et de la Culture dans l'organisation de son service et dans la méthodologie de la conservation des oeuvres. De plus, la collaboration avec le Ministère des Finances dénote bien d'une volonté de partenariat large avec l'Etat.

 

3/Un texte de loi sur la protection et sur la réglementation relative à l'ensemble de nos œuvres

Troisièmement, l'absence d'un texte réglementaire rigide et explicite sur les droits des œuvres et de la Propriété Intellectuelle en Centrafrique permet aux pirates et faussaires parfois déguisés en touristes d'agir en toute impunité. Ainsi, il ne s'agit pas de redynamiser le BUCADA en pansant les plaies à chaque fois sans attaquer le mal à la racine. Un texte de loi sur la protection et sur la réglementation relative à l'ensemble de nos œuvres doit être préparé en collaboration avec des juristes afin d'être soumis au parlement. Puis, ce texte adopté par nos députés deviendra une loi qui régira la protection de nos œuvres et définira son exploitation avec des règles précises.

 

4/ Donner un statut à nos artistes

Quatrièmement, permettre aux artistes qui remplissent des missions dans notre société d'avoir un statut du fait qu'ils ne sont pas considérés à ce jour comme des citoyens à part entière. L'on accepte les œuvres des artistes qui participent au divertissement culturel et à la moralisation de notre société sans pour autant prendre en compte leur statut. Il s'agit là d'une injustice à réparer. En fait, la reconnaissance du statut des artistes consiste à leur ouvrir des droits d'accès aux soins et à la retraite. Pour cela, des questions liées à ces aspects sociaux doivent trouver des éléments de réponses à travers un texte réglementaire. A titre d'exemple, l'Etat peut financer en partie les cotisations de la sécurité sociale et de la retraite des artistes. Dans la mesure où les artistes ont des droits et aussi des devoirs ils peuvent contribuer aux caisses relevant des cotisations sociales précitées. La reconnaissance de statut des artistes, et le fait de leur demander des efforts de participation sont autant de démarches citoyennes qui font d'eux des acteurs de leur société. Autrement dit, des citoyens à part entière.

 

5/ Forum Culturel

Cinquièmement, l'organisation d'un "Forum Culturel" peut aider à résoudre la plus part de difficultés que nous rencontrons dans la gestion et la promotion de notre riche Patrimoine Culturel en danger. Certes, la mise en place d'une équipe composée d'expert est une bonne chose pour tenter de repartir sur de bases nouvelles. Mais attention, l'expérience nous montre qu'il faut changer cette fois - ci de méthode de travail et de manière d'agir. L'on ne peut pas continuer à gérer des œuvres d'esprit comme une boutique et avec des nominations de complaisance à chaque fois. Nous devons ensemble poser des règles, des principes qui régissent la protection et la gestion des oeuvres Musicales, Littéraires qui constituent l'essentiel de notre Patrimoine classé parmi les plus riches au monde. La Musique des Pygmées Aka classée Patrimoine Mondiale par l'UNESCO doit être prise en compte avec beaucoup de considération lors de ce "Forum Culturel".

Dans la mesure où toutes les initiatives ont échoué à ce jour, le Ministère doit cette fois-ci prendre en compte la démarche d'un " Forum Culturel " proposée par des artistes depuis plusieurs années afin de trouver des éléments de réponses à la problématique des droits d'Auteur et d'autres secteurs Culturels Centrafricains. L'objectif de ce " Forum Culturel " est de faire l'inventaire de notre Politique Culturelle développée de l'indépendance et ce jour et de dégager ensemble des objectifs avec des moyens pouvant relancer ce domaine d'activités.

Cette démarche permettra sans doute à notre pays d'élaborer une nouvelle Politique Culturelle pouvant contribuer au développement de la population et de la Nation. A cet effet, le Ministère en charge de la Culture peut solliciter l'appui de l'UNESCO et d'autres partenaires afin de concrétiser ce symposium Culturel. Bien évidemment, une résolution finale permettra d'organiser au mieux l'ensemble du secteur Culturel Centrafricain longtemps "ghétoïsé". D'aucuns mal intentionnés pensent que ce " Forum Culturel " sera transformé en débat politique et manifestent une peur d'affrontement avec des artistes. Loin d'être un débat politique, cette démarche a pour finalité d'amener l'Etat à améliorer notre Politique Culturelle inexistante.

 

6/ Mondialisation et Exception Culturelle Africaine

Sixièmement, nous devons prendre une position et nous faire entendre dans le débat sur la mondialisation pour en ce qui concerne "l'Exception Culturelle Africaine". En fait, nous sommes restés en marge de ce duel opposant la France aux Américains sur ce qu'on est convenu désormais d'appeler "L'Exception Culturelle Française". Dans le cadre des discussions au sein de l'OMC, ( Organisation Mondiale du Commerce) , les Américains considèrent la Culture comme un produit commercial, et à ce titre veulent imposer les règles du commerce mondial sur des oeuvres Culturelles telles que la Musique, le Cinéma, le Livre... Il importe de rappeler que dans la vision anglo-saxonne et anglo-Américaine les oeuvres Culturelles sont des marchandises.

La France soutien la thèse selon laquelle une oeuvre Culturelle est un travail de création, d'esprit que l'on ne peut pas brader et considérer comme un produit commercial au même titre qu'une bouteille de Coca Cola. Pour la France, une oeuvre Culturelle n'est pas une marchandise. De plus, la France n'accepte pas que ses oeuvres entrent dans le cadre des règles d'échange sur le commerce Mondial. Dans cette bataille, l'Allemagne, L'Espagne, le Portugal et l'Italie partagent la conception Française et la soutiennent dans sa démarche. A vrai dire, le danger que la France voit peut être fatal pour notre Culture qui est riche mais, cependant dominée du fait qu'elle manque des moyens de production et de promotion. En d'autres termes, l'on peut parler de la "Fracture Culturelle Africaine". Dans ce combat d'intérêt planétaire, l'Afrique défend au sein de l'OMC ses matières premières ( le coton, le café, le cacao...) concurrencées par des produits agricoles occidentaux subventionnés par leurs Etats et oublie l'essentiel, c'est-à-dire le Culturel. C'est pourquoi l'Afrique doit prendre part dans ce débat Culturel Mondial.

Face au rouleau compresseur Culturel Américain, l'Afrique doit s'organiser. Nous sommes envahis par des films et séries télévisées Américaines "made in Hollywood". Ni la France, ni l'Afrique ne font le poids face à la production cinématographique Américaine. De plus, les Américains s'imposent mondialement avec le Coca Cola, "la Malbouffe MCdo", des "baskets" "Nikes"...

La domination Américaine, l'Uniformisation Culturelle, la Fracture Numérique Africaine du fait que désormais tout passe par l'Internet, sont autant de menaces concernant le rayonnement de la Culture Africaine et Centrafricaine. C'est pourquoi nous devons prendre une position et définir une stratégie sur la protection de nos oeuvres. D'où l'idée de "l'Exception Culturelle Africaine.

 

7/ Absence de développement Culturel et Sportif dans le programme des candidats à la Présidentielle.

Septièmement, il est déplorable qu'aucun candidat à la Présidentielle du 13 mars 2005 n'accorde point de place au développement Culturel et Sportif Centrafricain. Pour nos dirigeants la Musique est un outil de propagande pouvant consolider leur pouvoir. Cette attitude dénote une fois de plus la méconnaissance de nos dirigeants dans la prise en compte des missions Culturelles dont l'une est liée à la transformation des mentalités, processus menant vers le développement économique. Le développement de la pratique Culturelle et Sportive dans un pays qui traverse une profonde crise sociale comme la République Centrafricaine est sans doute une thérapie facilitant la transformation des mentalités. La Musique et le Sport sont des facteurs mobilisateurs, rassembleurs qui peuvent développer des capacités de tolérance, de respect des règles, des autres, de valorisation de soi, de travail en équipe...

 

8/ La lutte continue

Enfin, en dernier lieu, face aux difficultés rencontrées par les artistes Centrafricains, notamment dans le non respect de nos droits d'Auteur et dans la négligence constatée sur le développement d'une Politique Culturelle et Sportive en Centrafrique, nous devons continuer la lutte pour la régularisation de ces deux aspects qui nous tiennent à coeur..

Sultan Zembellat (maziki.com)
Paris, le 8/03/2005

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