Séparation église et état: où se situe la limite?

Question récurrente. Existe-t-il une justice, une loi, une constitution faite par l'homme et appliquée par l'homme sur terre? En cas de dérapage ou de mauvaise gouvernance qui rendra compte à la nation? Qui pourrait alors demander des comptes et à qui?
La République Centrafrique demeure un pays saigné et assisté. Elle vit sous perfusion. Le point crucial commence en 1979. Les Barracuda ont fait leur apparition, puis vinrent d'autres forces sans nom, pour aboutir aujourd'hui à une prise en charge internationale (africaines, Nations Unies).
La tentation de tomber dans la démagogie et la manipulation au nom de la foi est grande en Centrafrique. Prenons garde. Pour paraphraser un adage, "On a le chef qu'on mérite" - que l'on soit Serviteur,  Berger, Agneau, Politique - qui dira demain : ce n'est pas moi c'est lui. Tout le monde paiera l'addition, même amère.


Lu dans la presse nationale à Bangui :

L'ÉGLISE ET LE POUVOIR, CHAT ET CHIEN ?

Conçue pour être un véritable ferment de paix et de l’unité, l’Eglise est devenue au fil des ans un instrument de propagande pour le moins incontournable. Pour propager, vous vous en doutez, la vérité et, parfois, la réalité des choses.

Comme il est dans ses habitudes, l’Eglise catholique surprend le plus les pouvoirs africains et son message - à l’occasion des festivités sacrées et autres cérémonials- est d’autant plus sérieux qu’il ne fait toujours pas d’heureux. C’est un peu le cas de l’Eglise Catholique de Centrafrique qui, drapée de ses pouvoirs «surnaturels», se place toujours au-dessus de la mêlée et des démêlées centrafricaines.

Le son de cloche de vendredi 24 décembre 2004, à la faveur de la fête de nativité, a retenti de façon efficace dans les oreilles de nombreux centrafricains. Le pouvoir, lui, très bien représenté au cours de cette homélie de l’Archevêque de Bangui, Monseigneur Paulin Pomodimo, n’aurait pas bien avalé cette couleuvre qui consistait à revenir sur le contexte politique centrafricain avec des mots justes et juxtaposés.
De sources très autorisées, l’exécutif centrafricain serait en train de préparer une «mise au point» à adresser à l’Archevêque Paulin Pomodimo. Dans cette correspondance qui ne sera pas finalement rendue publique, le gouvernement s’en est pris à l’Église qui, selon lui, est devenue plus que jamais politique et politisée.
«Comment expliquer l’attitude de Monseigneur Pomodimo? A chaque fois qu’il dit une messe, ce sont des provocations», constate un Conseiller du Président de la République. Plusieurs membres du gouvernement qui ont fait le déplacement de la Cathédrale se sont plaints du comportement de l’Église Catholique.
Ils ont rappelé les anciennes homélies de Pomodimo qui n’ont jamais été jolies, jolies. De tout temps, expliquent-ils, Pomodimo n’a pas eu des mots durs pour exprimer son mécontentement vis-à-vis du pouvoir de Bangui. Au sein de l’Eglise, le discours n’est toujours pas bien accueilli par tous. Chacun semble défendre ses intérêts.
Une source très proche de CECA (Conférence Épiscopale de Centrafrique) soutient que même la Conférence est très divisée : certains pensent qu’il faut faire avec le pouvoir en place, dont le président Bozizé. D’autres, par contre, ne veulent pas coller un satisfecit au gouvernement de transition, pensant qu’il faut continuer à lui tirer les oreilles.

Les faits remontent à la rébellion

Pour les observateurs avertis, celui qui voudra comprendre le cadre de ces empoignades, doit obligatoirement faire marche en arrière. Depuis les événements du 25 octobre 2001 et 15 mars 2003. En effet, les biens meubles et immeubles de l’Eglise à Bossangoa notamment étaient pillés. Et quelques missionnaires ont connu la mort due aux affres soit des hommes de Jean-Pierre Bemba venus à la rescousse de Patassé, soit aux violences des éléments centrafricains ou tchadiens qui ont accompagné le général Bozizé jusqu’à Bangui. Il est évident que les séquelles et cicatrises sont béantes et ne sauront effacer toutes les traces ensanglantées de l’histoire centrafricaine.
De ce point de vue, l’Eglise qui a tout pardonné se plaint du fait que le président Bozizé et ses hommes n’en font pas autant.
Cette ‘’négligence’’ choque quelque peu l’Église qui ne tourne pas autour du pot avant d’agresser farouchement le pouvoir qu’il prend pour responsable d’un certain désespoir et d’un certain orgueil caractérisé des dirigeants politiques. Ceux-ci, assènent les prélats, doivent avoir la culture de l’humilité et de rigueur dans le travail. Ce n’est qu’à ce prix que la RCA deviendra prospère et ses enfants moins pleurnicheurs. Ce n’est qu’à ce prix que l’autorité de l’Etat sera totalement installée sur tout le territoire.
Comme pour faire d’une pierre mille coups, l’Eglise a profité de cette fête qui marque l’anniversaire de la naissance du Christ pour interpeller les acteurs politiques sur le bien-fondé de ces élections à venir et la nécessité de les faire de manière transparente.
«Tout celui qui ouvrira le premier la boîte de pandore sera jeté dans le feu».
La réplique du gouvernement se veut plutôt discrète. «Le pouvoir n’a rien à voir avec la réligion… si les prêtres étaient à notre place, ils ne feraient pas mieux», critique un membre du gouvernement de transition.

Pomodimo-Bozizé, chat et chien?

Et l’on en vient à se demander si l’Archevêque de Bangui et le président Bozizé entretiennent vraiment de bonnes relations. Officiellement, oui. Mais officieusement, les deux hommes ne s’accordent plus. L’affaire remonte à la veille du Dialogue National, début septembre 2003. Lorsque Mgr Pomodimo Paulin avait exigé de Bozizé la présence de Patassé à cette table ronde inter centrafricaine, le président de la République avait catégoriquement refusé. Alors qu’à l’époque, Mgr Pomodimo, Coordonnateur de premier Dialogue, avait rencontré le général Bozizé dans la rébellion et faisait de sa présence à ce grand débat un impératif. Et malgré les charges qui pesaient contre lui, explique un proche de Pomodimo.
Cette situation aurait découragé l’Archevêque qui a regretté l’absence de pardon et de la vraie réconciliation nationale chez les autorités de la Transition.
Depuis ces temps, jusqu’à ce jour, Pomodimo et Bozizé qui se connaissent pourtant bien se téléphonent très rarement et leurs chemins ne se croisent pas trop. Exceptés les cérémonies et autres grands banquets populaires de l’Eglise.
Difficile épreuve, en tout cas, pour le président sortant qui compte beaucoup sur l’électorat des chrétiens (Catholiques) très majoritaires.

La Rédaction (28/12/2004
source : http://www.leconfident.net

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