Centrafrique et liberté de la presse

En dépit des différents coups d’état qui avaient marqué l’histoire de la République Centrafricaine et qui avaient chaque fois établi une dictature désastreuse dans le pays, le citoyen avait été enfin heureux d’observer que la patience du peuple, les pressions morales de la communauté internationale et la volonté populaire avaient rétabli la démocratie comme modèle de gestion des affaires publiques dans ce pays. Vive la démocratie! Et personne dans le gouvernement ne devrait trouver l’excuse d’avoir oublié ce parcours douleureux de l’histoire, ni oublier le rôle que les syndicats des travailleurs, la jeunesse nationale et également les médias nationaux et internationaux avaient joué dans le processus de regain de cette démocratie.

Quant à ce qui concerne l’exercice démocratique à proprement parlé, chaque régime ou chaque parti politique qui avait gagné des élections dites démocratiques, avait cru recevoir, à l’occasion, une onction divine qui le légitimait ou qui établissait sa souveraineté. Mais seulement voilà! Aujourd’hui, certains hommes que le régime de Bozizé avait placé à des postes dans l’administration pour jouer le rôle de leaders d’action de développement du pays, pour ramener la paix sociale et l’harmonie ou pour ancrer définitivement les acquis démocratiques, avaient pensé avec beaucoup de conviction, qu’en vertue de certains pouvoirs que Bozizé leur aurait conférés, ils avaient des leçons à donner à leurs compatriotes et aux médias nationaux qui osaient critiquer le régime. Et pour la petite histoire, le Général Bozizé serait tout à fait à l’aise et aurait la conscience tranquille en face d’actes inqualifiables posés par ses sbires. N’est-ce pas par ce silence complice et l’approbation tacite des propos incohérents d’un membre du gouvernement ou autre que petit à petit cette démocratie dont ils se réclament tous (re)commencerait à prendre de l’eau dans les soutes?

Mais, faisons ici la part des choses. Avoir reçu cette onction ou avoir été choisi par le peuple à l’issue d’élections, ne confère à aucun président, à aucun député ou encore à aucun gouvernement, un caractère vertueux quelconque. Il faudrait donc refuser d’accorder à tout parti politique au pouvoir ce caractère vertueux sur lequel un ministre se baserait pour conclure que toute critique des actions du gouvernement par la presse ou par un citoyen serait un acte de lèse-majesté, une rébellion ou encore constituerait une opposition au gouvernement en place. Tenir un tel argument serait simplement faire preuve d’un manque de civisme, d’une absence de maturité politique, et, malheureusement les exemples en l’espèce continuent à faire la une.

En restant à l’élémentaire, l’on pourrait par exemple poser à monsieur le ministre la question de savoir ce que serait une poste (PTT) dans le pays, qui ne jouerait aucun rôle dans l’acheminement du courier ou dans l’expédition et la réception de mandat? Qu’est-ce que serait l’institution Socatel et toutes ses infrastructures de télécommunications sans appel téléphonique? Est-ce que l’existence de la démocratie en Centrafrique ne s’était limitée qu’à la rédaction d’une constitution? Est-ce que cette démocratie en Centrafrique avait été uniquement la contemplation des résutlats des élections présidentielles et législatives? Est-ce que la démocratie en Centrafrique serait simplement l’existence d’un président de la république, d’une assemblée nationale, de la cour suprême, d’une cour constitutionnelle ou d’un gouvernement dirigé par un premier ministre? A quoi servirait toute cette démocratie sans débats d’idées souvent contradictoires, et que beaucoup avait cru devoir appeler dialogue national? Est-ce que ce dialogue national ne devrait se tenir uniquement que sur une autorisation expresse du ministre des communications? Qu’est-ce donc qu’une démocratie sans une presse nationale, libre et indépendante pour servir de véhicule à ce dialogue qui devrait se tenir au quotidien? Est-ce que la liberté d’expression serait une faveur accordée au peuple centrafricain par monsieur le ministre par intérim des communications?

Si chacun avait la responsabilité de ses propos et de ses actes, nous sommes persuadés que ceux qui ont le bonheur d’être dans l’arêne du pouvoir ou dans le gouvernement, pourraient donner à leurs concitoyens des leçons d’humilité et de respectabilité pour le bonheur de tous les fils du pays. Autrement, cela confirmerait ce que tout le monde savait déjà, et, qui indiquerait les motifs peu louables de leur véritable ambition politique, la faiblesse de leur caractère moral et les limites de leur compétence à apporter les changements bénéfiques que le pays attend d’eux. Faire usage d’intimidation pour mener les actions du gouvernement ne devrait plus avoir cours en Centrafrique. Est-ce que l’intimidation serait le seul argument de taille qui resterait au gouvernement de Bozizé, face à tous les problèmes cuisants de l’heure dans le pays? Vouloir censurer la presse centrafricaine qui se cherche encore, serait une pensée hors de son temps, et, correspondrait simplement à l’exercice d’un pouvoir par des méthodes faschistes. Est-ce que la démocratie centrafricaine sous le régime du Général Bozizé serait en train de se métamorphoser en faschisme par ses sbires?

Enfin, quelqu’un disait que "l’histoire se répète".

Jean-Didier Gaïna
Virginie, Etats-Unis d’Amérique

Regards et points de vue - Centrafrique