François FARRA FROND appelé communément tonton Farra s’en est allé en ce début janvier…

 

Mon oncle, mon chouchouteur, mon mentor, mon éclaireur, mon transmetteur, mon passeur de valeurs cardinales, mon initiateur à l’engagement citoyen, une figure et une référence pour plusieurs génération, mais aussi un être doté d’une autorité naturelle.

François tu as tiré ta révérence après avoir tant donné à ce pays, et à notre grande famille et à tous ceux qui t’ont connu, je pense notamment à l’époque où tu t’es dévoué pour la croix rouge centrafricaine…

François suscitait respect et affection et les témoignages qui affluent de part le monde démontrent à suffisance l’aura d'oncle Farra Frond, le tonton...l'ami, le confident

Il me disait sa fierté d’être viscéralement centrafricain « Jean-Pierre, mon fils, mon père était un honnête homme et il s’appelait YANGOUMALE et j’aimerais que votre génération ai le sens de la parole donnée, de la probité et du courage … je suis frustré que mes compatriotes ne savent pas toujours d’où ils viennent et qu’est ce qui caractérise cardinalement notre société » gaieté, fraternité, probité, générosité, ouverture...en substance me semble t-il

Choyer, il envoyait nuitamment Youyou son petit dernier fils (devenu depuis grand et chef de famille) pour me chercher afin de partager les plats divinement délicieux, plats préparés par son épouse Agnès née DEGONINDJI. Il chérissait sa noble épouse sous nos yeux d’adolescents ébahis.

François était un centrafricain engagé, militant même après avoir occupé d’éminentes fonctions dont celle de ministre d’État, de président de la croix rouge ou de directeur général d’entreprise publique…

C’est sous sa paillote (villa de Miskine) que les meilleurs étudiants de l’Université de Bangui se sont réunis « clandestinement » en 1991 pour structurer, planifier et organiser la lutte pour la conquête de la démocratie pluraliste : Cyrus Emmanuel SANDY, Sylvère RENGAI, Théophile GANRO, Victorin KOWO, Emmanuel NGOUMBANGO, Charles Armel DOUBANE, Guy MAMADOU, Julien NDAKOUZOU, Boris GBACKO et le jeune Kenny YAMBA pour ne citer que ceux là…étaient présents et peuvent témoigner pour ceux encore vivants. ..A mon initiative et orchestré avec Charles…

Toutes les élites et leaders de toutes les facultés et instituts de l’Université de Bangui, encouragés par nos enseignants Clément BELIBANGA, François NANARE et Marcel METEFARA, et Isaac BENGUEMALET , Maxime MBRINGA TAKAMA…nous nous sommes rassemblés pour indiquer que le préalable de la réalisation d’un droit à l’Éducation pour tous et de qualité, dépendait de la contradiction principale : l’instauration du pluralisme politique et ses pendants les libertés publiques, la liberté syndicale, la liberté de la presse et les droits de l’homme, l'égalité homme femme et la prospérité post indépendance…

Aujourd’hui, autant d’acquis démocratiques qui paraissent une évidence ne l’étaient pas, ne l’étaient absolument pas !!! Il a fallut que des hommes et des femmes à l’instar de FFF se lèvent.

François a contribué de façon décisive et courageuse voir exceptionnelle à cette mobilisation salvatrice, alors que beaucoup qui gesticulent aujourd’hui étaient terrés pour préserver leurs « rentes de situation, remplir leur gosier, spolier le peuple des ressources stratégiques »…

C’est de cette même paillote de FFF, que les principaux leaders de l’opposition démocratique en 1991 se sont rassemblés, avant de se rendre au premier grand meeting au lycée de Miskine à quelques pas….

Je ne cultive que le sens de la reconnaissance, c’est cet homme François FARRA FROND au même titre que Me TIANGAYE, Alphonse BLAGUE, Daniel NDITIFEI, Didier WANGUE, Jean-Claude MALIBOUNGOU , le professeur GOUMBA, Aristide SOKAMBI, Joseph ZOUKETIA …qui m’ont soutenu lors de mon exclusion de l’Université de Bangui et de l’empêchement de mon entrée à l’Ecole Nationale de Magistrature en 1992...20 ans après j'essaye d'être la fierté de mon pays partout dans le monde avec dignité

Je suis modestement devenu ce que je suis grâce à mes parents, à mes enseignants mais aussi à François. Il était présent y compris dans la salle de soutenance de mes travaux universitaires le 16 juillet 1994 au premier rang, et je lui suis indéfiniment reconnaissant.

Transmetteur de valeurs, de vie, de principes, on pouvait aller le soir voir tonton FARRA pour discuter y compris des nouveaux concepts financiers, de gouvernance , de la mondialisation, et surtout du principe de la fierté africaine

J’ai eu le privilège de l’accompagner pour partager les délicieux méchouis au km5 en temps de paix et ce n’est pas sans fierté que je trônais à ses côtés. J’ai le souvenir d’une affection considérable, un souvenir essentiel de la fin de mon adolescence et il avait un sourire en coin quand j’essayais de m’affirmer à l’ombre de ce baobab...Nous avons tous besoin d’amitié, d’affection et d’amour des anciens, c’est le secret d’une transmission « réussie » avec oncle François que je pleurerais toute ma vie avant de le rejoindre un jour certain…

Chaque fois que je revenais à Bangui au cours des 20 dernières années, j'allais inlassablement vers lui…Il sera encore bien présent la dernière fois, le 8 mars 2005 aux obsèques de feue Juliette BEBE épouse REDJEKRA ma mère. Une présence naturelle, confiante et rassurante...

François tu vas me manquer, tu vas nous manquer et j’ai décidé à jamais de ne retenir que le meilleur : courage, ténacité, abnégation, le sens de la parole donnée, l’amour des siens et de la patrie, le travail bien fait, la solidarité, le sens de l'histoire, une grande culture du service public, la fierté pour tes enfants au sens large, un attachement à la terre d’Afrique…

Repose en paix cher oncle, et avec toi, une partie de mon histoire s’en va, s’éloigne…mais les morts ne sont pas morts. Tu demeureras à jamais l’impulseur de passion pour la Centrafrique, la terre de nos ancêtres qui je te souhaite légère, fraîche …Singuila grand passeur et Educateur des enfants que nous étions...Je t'aime avec la densité d'un cristal ou d'un diamant, diamant de vie

 

Jean-Pierre REDJEKRA, Pamandzi – Dzaoudzi à Mayotte le 9 janvier 2017