BERNARDIN CARDINAL GANTIN (Doyen Emérite du Sacré 
Collège) : Un Expert... 
lu sur le site L'@raignée - 
(Mercredi 21 mai 2008) 
Le qualificatif, je le 
tiens du vénéré pape Paul VI qui, de la tribune des Nations Unies, déclara 
prophétiquement : « L’Eglise est experte en humanité… », exprimant par là en 
référence au Concile Vatican II, que « les joies et les peines, les tristesses 
et les angoisses des hommes, des pauvres surtout, sont aussi les joies et les 
espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ » (Gaudium et 
Spès). 
Bernardin GANTIN, créé Cardinal à 55 ans par Paul VI, s’est, en 
disciple du Christ, approprié en quelque sorte l’« expertise en humanité » et 
l’a vécue de manière exemplaire. C’est de l’accomplissement de cette humanité du 
Cardinal que je m’en vais témoigner, en toute humilité, au travers des relations 
particulièrement étroites que j’ai entretenues avec lui de son vivant. J’ai été 
honoré du privilège d’une amitié de plus de quarante ans avec le Cardinal. Une 
forte connivence, je dirai. Avec lui j’ai bénéficié d’une affection féconde. Il 
a enrichi mon esprit, fortifié ma raison, m’a ouvert à l’intelligence de la foi 
et donné, par l’exemple des actes qu’il posait, le sens de la 
vie.
S’agissant de la foi, 
il m’a légué cette belle et profonde expression : « il faut faire le saut… », en 
l’accompagnant d’un geste explicatif des doigts encore présent à ma mémoire. 
C’était un épistolier accompli. J’aimais lui tracer et envoyer des lignes. Nos 
rapports épistolaires étaient devenus plus fréquents depuis sa retraite à la 
résidence JAK, à Akpakpa, ces quatre dernières années : le style de l’homme, 
porté par une calligraphie fine, légère, séduisante, vous procure contentement, 
sérénité et enrichissement de l’esprit. Ainsi donc, de ma longue et étroite 
proximité de coeur et d’esprit avec lui, je m’autorise à parler aujourd’hui de 
ce que j’ai retenu des facettes riches, variées de l’humanité de cet immense 
témoin de Dieu. Le trait distinctif nodal de l’humanité du Cardinal GANTIN, 
c’est sa grande humilité. Une vertu qu’il définissait lui-même comme un 
comportement à la fois humain et religieux. « L’humilité n’est pas l’ignorance 
de ce qu’on est, mais plutôt la reconnaissance de tout ce qu’on n’est pas » 
(André Comte-Sponville). « Là où est l’humilité, disait Saint Augustin, là aussi 
la charité, c’est-à-dire l’amour ». On comprend alors pourquoi le Cardinal se 
voulait toujours proche de chacun, grand comme petit. Il a accueilli le Chef de 
l’Etat, des Ministres, des Députés, des Officiels, une palette d’amis – ils sont 
légion - et même des inconnus. La « marmaille » de la classe enfantine de 
l’école Hibiscus de Mme Rosine SOGBOSSI (au quartier résidentiel où il habitait) 
venait égayer le Grand Papi de leur mélopée en réponse aux visites du vénérable 
prélat à leur école. C’était un imitateur du Christ : « Laissez venir à moi les 
petits enfants… » Les relations du Cardinal avec les gens étaient comme teintées 
d’une sorte d’exclusivité, vis-à-vis des autres. L’interlocuteur avait la 
favorable impression que lui seul était aimé du Cardinal, pas les autres. C’est 
ce que m’a rapporté un grand ami commun à lui, le Dr Emile-Derlin ZINSOU. Cet 
apparent sentiment « d’exclusivité » n’est que le reflet de la sincérité et de 
la totale générosité des élans de coeur du Cardinal. L’humilité du Cardinal en 
fait un grand serviteur. Prêtre, Ministre de Jésus- Christ avant tout, pasteur 
de l’Eglise, sa devise épiscopale était d’être « au saint service de l’Eglise ». 
L’itinéraire sacerdotale du prélat a été fulgurant, depuis l’Eglise locale du 
Dahomey dont il a jeté les bases d’une pastorale et d’une catéchèse fécondes, 
jusqu’à ses hautes et éminentes charges à la Curie vaticane: plus de 50 ans de 
prêtrise ; 30 ans de cardinalat, pour terminer Doyen Emérite du Collège des 
Cardinaux. Ce n’était pas le fruit du hasard, mais la concrétisation d’une 
vocation, d’un destin exceptionnel. L’Abbé Alphonse QUENUM, un de ses anciens et 
chers élèves, rend hommage au Cardinal dans les Mélanges (Christianisme et 
Humanisme en Afrique) publiés en 2003 en ces termes : « …le jeune évêque 
auxiliaire du diocèse de Cotonou ne savait pas qu’il était promis à un grand 
destin d’humanisme pour l’Eglise universelle ». Servir pour le Cardinal, c’était 
synonyme de générosité. La générosité est la vertu du don, celle-là qui, selon 
le moraliste, semble devoir davantage au coeur ou au tempérament, au contraire 
de la justice qui le doit plutôt à l’esprit ou à la raison. Pour Descartes, 
écrit le philosophe Comte-Sponville dans son petit traité des grandes vertus, 
«être généreux, c’est être capable de vouloir et donc de donner quand tant 
d’autres ne savent que désirer, que demander, que prendre… » « La générosité 
nous élève vers les autres et vers nous-mêmes » nous enseigne le philosophe. 
C’est bien ce que le Cardinal nous a démontré toute sa vie, en multipliant 
presqu’à l’infini, ses dons et libéralités, que ce soit dans le monde des 
religieux individuellement ou pour l’Eglise, ou pour ses congrégations, ou pour 
la construction du Sanctuaire Marial de Dassa. Il était prêt à voler au secours 
des sinistrés d’incendie du quartier d’Akpakpa-Dodomè. Faisant fi de son 
adversité physique, il n’hésitait pas à se déplacer personnellement pour 
participer à l’office eucharistique organisé en la paroisse Saint Michel à 
l’intention des victimes de la tragédie asiatique du tsunami. Son message de 
compassion s’est révélé un témoignage fort et significatif de générosité. Quatre 
autres traits distinctifs et significatifs de l’humanité du Cardinal GANTIN se 
révèlent à nous : la gratitude (dire merci), la fidélité à l’amitié, 
l’attachement à la terre natale et à la famille, le sens républicain. 
.
Dire merci 
« Il y a de l’humilité 
dans la gratitude, et l’humilité est difficile » (Comte-Sponville), c’est en 
cela que la gratitude est excellence et vertu. On dit d’elle qu’elle est la plus 
agréable des vertus ! Remercier, c’est reconnaître ce qu’on doit à autrui, c’est 
valoriser l’effort de l’autre. La gratitude, c’est joie partagée ; la gratitude, 
c’est amour…. Quand l’amour-propre est fort et que l’orgueil s’en mêle, on ne 
dit jamais merci ou seulement du bout des lèvres. « L’orgueil ne veut pas 
devoir, écrit La Rochefoucaud, et l’amour-propre ne veut pas payer ». Le 
Cardinal transcende ces petitesses et son ego pour offrir, chaque fois, son 
merci qui, venant d’un illustre personnage, prend une tout autre connotation. En 
disant merci, il nous éduque. Le merci du Cardinal est devenu si légendaire 
qu’Albert TEVOEDJRE ironisait gentiment un jour avec moi : « offrez lui un petit 
verre d’eau, ce grand homme vous dira merci ». « La gratitude, nous dit 
Comte-Sponville, est une vertu de sommet, et pour les géants bien davantage que 
pour les nains ». Rendons grâce à la grâce comme nous y invite le Cardinal. « La 
vie est grâce, l’être est grâce », et c’est, au dire du philosophe, et du 
témoignage de vie de Son Eminence, « la plus haute leçon de gratitude ». 
La fidélité à l’amitié 
L’esprit fidèle, c’est 
celui qui se souvient ; ce que Saint Augustin, dans ses Confessions appelle « le 
présent du passé ». L’homme n’est humain que par la fidélité dit 
Comte-Sponville, qui ajoute : « Garde-toi homme, d’oublier de te souvenir ! » La 
fidélité, un devoir, est vertu de mémoire. Fidélité, c’est amour fidèle, c’est 
amitié fidèle. « Aime et fais ce que tu veux » (Saint Augustin). Ces valeurs, le 
Cardinal GANTIN les avait intégrées et sublimées en lui à un degré supérieur. Il 
en a fait le coeur de son humanité. Mon épouse et moi-même avons été les 
bénéficiaires privilégiés de cette fidélité dans l’amitié qui s’est manifestée 
de multiples manières. Combien de fois nous avons partagé repas et collations 
avec lui. Une amitié affectueuse, d’une exquise délicatesse, paternelle, 
bienveillante et comme protectrice. Une amitié qui nous garantissait des 
intentions de prières portées à l’autel de Jésus- Christ pour notre 
sanctification personnelle. Ses lettres et messages nous étaient adressés sous 
le sceau aimable de « Chers Grands Amis ». Et Suzanne, mon épouse, qui lui 
concoctait l’élixir de l’aloès qu’il prenait régulièrement pour sa santé, avait 
gagné le surnom de « Princesse de l’aloès », juste pour dire merci. Il voyageait 
souvent au Vatican, seul ou accompagnant le pape Jean Paul II, le pontife 
pèlerin, dans ses missions pastorales. A ces occasions, il nous écrivait ou 
envoyait des cartes postales des lieux visités, comme pour signaler toujours sa 
présence : fidélité à l’amitié. J’ai retenu une constance dans mes 
correspondances avec lui à travers le temps : une esthétique calligraphique, 
faite à la fois de légèreté et de fermeté, une facture aérienne de l’orthographe 
pleine de charme et de douceur, et qui porte toujours une pensée enrichissante. 
Cette constante-là traduit aussi une fidélité. 
L’attachement au 
terroir et à la famille 
Le Cardinal a passé 
plus de trente ans au Vatican. Il a tissé de précieuses relations humaines et 
ecclésiales. Au Vatican, il aurait pu jouir de conditions matérielles 
d’installation plus que confortables. Mais, il a demandé au Souverain Pontife de 
rentrer au Bénin. Et cela lui a été accordé. Il est venu identifier sa dernière 
demeure. Parti du Grand Séminaire Saint Gall, il a exprimé ses dernières 
volontés de reposer à Saint Gall, à côté de son Mentor le Vénéré Mgr Louis 
PARISOT. L’Eglise du Bénin, le Gouvernement du Président Boni YAYI se 
solidarisent donc pour honorer par des funérailles nationales le prélat défunt. 
Ce n’est que justice ; c’est devoir de mémoire, c’est gratitude. Et toutes les 
âmes, toutes confessions confondues, sont appelées à célébrer, dans la prière et 
le recueillement, un événement national et international majeur et porter un 
deuil qui touche inévitablement les fibres de tous les Béninois, des Africains, 
des hommes et femmes de bonne volonté de par le monde qui ont connu et aimé le 
Cardinal devenu « citoyen du monde ». Nous avons été témoins de l’affection 
spéciale dont il entourait les membres de sa famille. Ses liens avec son frère 
cadet, Dr Célestin GANTIN étaient intimes, forts et toujours présents. Dr GANTIN 
était le médecin soignant du Cardinal, jour et nuit. C’est le lieu de rendre ici 
à cet éminent praticien, d’envergure internationale, un hommage fraternel et 
amical pour le dévouement sans faille et l’abnégation exceptionnelle dont il a 
fait preuve des années durant, pour veiller, en compagnie de son épouse 
Antoinette, sur la santé d’un frère aîné, un homme pas comme les autres, un 
illustre patient, une figure publique, sinon emblématique, dont il portait 
gravement la lourde responsabilité médicale. Célestin, bravo ! Maintenant, il 
convient de rendre grâce pour l’oeuvre accomplie par Dieu… 
Le sens républicain du 
Cardinal GANTIN 
Le sens républicain du 
Cardinal GANTIN ne fait l’ombre d’aucun doute. Il l’a manifesté à maintes 
occasions. Pour avoir dit leur fait aux marxistes de la révolution de chez nous 
qui instauraient la dictature, le Cardinal, en visite alors au Bénin, a subi les 
brimades du pouvoir politique répressif de l’époque. Après la Conférence des 
Forces Vives, le Cardinal s’est toujours montré attentif aux évolutions de 
l’ouverture démocratique au Bénin et à son devenir économique et social. Ce 
qu’il écrit sur son amour pour le Bénin et le prestige du drapeau national, 
(paru dans « La Nation » du 11 Mars 2003), témoigne de la haute conscience 
civique et républicaine de l’homme : « Le coeur qui aime vraiment sa terre 
d’origine lui voue instinctivement une profonde, légitime et inconditionnelle 
vénération. Le drapeau national est pour nous Béninois, quelque chose de sacré… 
». Le discours politique du Cardinal se fait plus incisif, précis, et appelle à 
l’unité et à la cohésion nationale et pour une certaine perspective de 
leadership du Bénin en Afrique. « …Non, la terre de nos aïeux, ce n’est pas 
n’importe quoi. Nos querelles, nos différends, voir nos divergences devraient 
toujours s’apaiser et céder le pas au sentiment national et chercher à 
construire ensemble… ». Devant un auditoire immense venu participer aux 
rencontres du Groupe Dialogue et Action pour l’avenir et la paix au Bénin, 
initiées par Issa BADAROU- SOULE en Juillet 2005, le Cardinal déclarait : « Nous 
devons, Béninois, non pas nous singulariser, mais nous distinguer. Nous sommes 
unis et d’accord pour dire et souhaiter que le Bénin devienne ce qu’il est en 
lui-même et en son destin : c’est-à-dire une référence de paix, de progrès, de 
liberté et d’entente fraternelle, modèle de vraie démocratie ». Il s’est souvent 
impliqué dans la marche de la Cité pour aller lui-même déposer son bulletin dans 
l’urne, lors des échéances électorales. « Je veux et peux encore agir », qu’il 
me confiait, malgré son handicap physique. L’engagement du prélat dans le 
règlement politique des contradictions internes du pays s’est fait encore plus 
visible et significatif. Son plus récent engagement est celui que le Prof. 
Albert TEVOEDJRE qualifie « la dernière mission » du Cardinal, dans un article 
de vérité dont il faut être reconnaissant à l’auteur et qui invite à la 
méditation, paru dans La Croix (n° 943 du 16 Mai 2008). Les informations de cet 
article soulignent bien le « gros souci politique » du Cardinal pour le Bénin 
avant sa mort. Elles sont révélatrices et quelque part tragiques : « Je suis 
souffrant, faible, à cause de mon grand âge – écrit le Cardinal au Président 
Boni YAYI. Mais plus que de cela, c’est de notre pays que je suis malade par les 
temps qui courent ». Le prélat, homme politique, l’expert en humanité, laisse 
donc au Président Boni YAYI et aux acteurs clés de la vie politique un testament 
: dissiper le malaise, résoudre la crise, en reconstruisant la confiance pour le 
bonheur de tous… Ainsi donc, nous voici constitués, acteurs politiques, hommes 
et femmes de bonne volonté, le Président Boni YAYI en tête, Exécuteurs 
Testamentaires d’un fils exceptionnel du Bénin qui a combattu le bon combat, a 
fini sa course et repose maintenant dans l’Eternité de Dieu, dans l’attente de 
nous voir faire et réussir avec distinction « sans nous singulariser », sur 
cette attachante Terre du Bénin. 
Stanislas Yédomon 
KPOGNON 
Un Ami du Cardinal 
Le 20 Mai 2008 
Rédaction du Journal 
L'AUTRE QUOTIDIEN 21/05/08
Source: 
http://blesshnet.com/heberg/laraignee/lesw2/modules.php?name=News&file=article&sid=5709&mode=thread&order=0&thold=0