François Bozizé demande pardon aux Centrafricains.

 

Lors de sa conférence de presse de ce lundi 27 janvier 2020, l'ancien président François Bozizé a déclaré : « Rien ne m'empêche d'être candidat... Rien ne m'empêche selon les textes officiels ». On retrouve dans cette affirmation l'esprit retors ou la félonie, c'est selon, du président du KNK, le « Très grand ouvrier » François Bozizé. On serait tenté d'ajouter, « le très grand manœuvre », tant la manipulation paraît singulière.

 

1 – La méconnaissance de la loi.

L'ex-chef de l’État centrafricain semble fâché avec les textes de la constitution du 30 mars 2016, aussi bien que le précédent de décembre 2004, qu'il a lui-même promulguée. En l'occurrence, les textes sont clairs : nul ne peut prétendre exercer plus de deux mandats présidentiels. Certes, son parti peut toujours le désigner candidat, mais ce serait s'infliger la honte d'une invalidation par la Cour constitutionnelle, ou d'entretenir d'inutiles tractations politiques, comme en 2005 avec Ange-Félix Patassé, André Kolingba, David Dacko et Abel Goumba et consorts. (1)

 

Par ailleurs, François Bozizé s'assoit allègrement sur les textes de loi lorsqu'il recommande de faire appel « au vice-président Henri Maïdou, aux anciens premiers ministres ainsi qu'à tous les chefs de partis politiques et aux responsables d'associations de la société civile » pour ouvrir un dialogue inclusif autour de la mise en œuvre de l'accord de Khartoum. En effet, aucune constitution centrafricaine n'institue un poste de vice-président. S'il lui est arrivé d'en nommer un, en la personne d'Abel Goumba, c'est en violation de la loi fondamentale (2). En outre, la proposition de M. Bozizé est irrecevable. Le principe d'une Commission Vérité, Justice et Réconciliation a déjà été acté par le Forum national de Bangui de 2014. Cette idée est reprise dans l'accord de Khartoum, selon des modalités précises, fondées sur la base d'un volontariat ouvert à tout Centrafricain qui souhaite être entendu. Il n'est donc pas question d'une cooptation entre affidés (3).

 

2 – Un déni de culpabilité.

Enfin, M. Bozizé feint d'ignorer qu'en Afrique noire, les actes individuels et collectifs sont rétribués de deux manières ; soit par la reconnaissance pour les actions positives, soit par la réparation pour les actions qui font grief à autrui. Le pardon, qui accompagne la reconnaissance d'une offense faite à tiers, est une amnistie symbolique accordée par la religion à tout responsable d'une violation de la loi divine, à condition que cette faute soit avouée et expressément reconnue.

Or la demande de pardon de l'ancien président de la République s'accompagne d'un déni de responsabilité et de culpabilité : « Je prie le Peuple centrafricain de croire que je n'ai jamais fait de mal intentionnellement à aucun de mes compatriotes et je prie que ces quelques puissent contribuer à l'apaisement de leurs cœurs ». Comme service minimum, on ne peut mieux faire (4) !

Une telle esquive de la part d'un homme qui a détenu le pouvoir d’État entre ses mains suscite le désappointement. On comprend dès lors l'échec de la Commission Vérité et Réconciliation de 2008.

Nul besoin de renouveler pareille expérience.

 

3 – Boire le calice jusqu’à la lie.

A l’occasion du premier anniversaire de la signature de l’accord pour la paix et la réconciliation de Khartoum, la Minusca a convoyé ce mercredi 5 février 2020, l’état-major de l’UPC à Bangui avec, à sa tête, le « général » Ali Darrassa, le boucher d’Alindao. Que la Garde républicaine soit amenée demain à rendre les honneurs à celui dont les éléments ont assassiné un soldat centrafricain et massacré des dizaines de civils innocents, il y a une semaine à peine, est une insulte pour nos forces armées et un pied de nez à l’ensemble du peuple.

En se prêtant à cette mascarade, le président Touadéra fait la démonstration de son peu d’empathie pour ses compatriotes et son peu de considération pour la République. Avec lui, les Centrafricains savent désormais qu’ils boiront le calice de l’humiliation jusqu’à la lie.

 

Paris, le 05 février 2020

 

Prosper INDO

Économiste,

Consultant international.

 

(1)   – On ne peut exiger le statut d'ancien président de la République et concourir en même temps pour un nouveau mandat, deux situations antinomiques. Pour respecter le parallélisme des formes, la fonction de président de la République étant incompatible avec tout autre emploi, dès lors le statut d'ancien chef de l'Etat doit obéir à la même restriction et se retirer de tout débat politique. Il peut renoncer à ce statut et se consacrer à la politique ou à tout autre emploi. Les exemples sont légions de par le monde. Cependant, voir l’ancien premier ministre Nicolas Tiangaye, auxiliaire de la justice en sa qualité d’avocat, soutenir la position de M. Bozizé devrait désespérer tous amoureux du droit

(2)   - A la suite de l'insurrection militaire de 2003 qui l'a emmené au pouvoir, M. Bozizé s'est engagé à ne pas être candidat à l'issue de la période de transition. Il ne tiendra pas sa promesse et lorsque Abel Goumba, alors premier ministre, s'est déclaré candidat, le président Bozizé l'a révoqué et nommé vice-président. La bévue étant énorme, Abel Goumba fut nommé Médiateur de la République quelques mois plus tard.

(3)   - Il s'agit sans doute pour François Bozizé, par cette proposition, de trouver des alliés de circonstance pour forcer les portes du gouvernement. Il serait plus judicieux au contraire d’inviter les chefs de terre et chefs de village à prendre la parole à l’occasion de ce conclave, eux qui ont vécu et souffert avec leurs concitoyens les affres d’une vie inhumaine en brousse ou dans les camps de réfugiés.

(4)   - La demande de pardon de l'ancien président sonne comme un faux aveu, une pétition de principe destinée, non point à soulager sa conscience, mais pour complaire au Comité des sanctions de l'ONU dont il invoque la mansuétude, en tentant d'associer le président Faustin Archange Touadéra à sa démarche.