« Jurassic Park » à Bangui et le risque de déstabilisation de la RCA.

 

Les pitres de Bangui veulent nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Indépendamment du contexte folklorique du retour de François Bozizé à Bangui, les opportunistes de tout poil, qui se bousculent pour faire allégeance, tentent de vendre une histoire impossible : le retour du Fils prodigue !

 

1 – Un risque de déstabilisation de la RCA.

Certes, nul ne peut être contraint à l'exil. Le retour du général déserteur ne peut donc être contesté. D'autres politiciens centrafricains ont vécu la même situation : Abel Goumba, Jean-Bedel Bokassa, Ange Patassé, André Kolingba, pour ne citer que ses principaux prédécesseurs. Dans le genre, Bozizé n'en n'est pas à sa première expérience. C'est la troisième fois qu'il fuit à l'extérieur pour protéger ses arrières : en septembre 1982, après la tentative de coup de force contre le Comité militaire de redressement national présidé par le général Kolingba qui l'a nommé ministre de l'information ; en octobre 2001, à la suite de la découverte de son complot contre son associé Patassé ; et en mars 2013, fuyant devant la horde rebelle de l'alliance Séléka, à la solde de Michel Djotodia, le président du Comité de soutien des cadres et intellectuels à sa candidature en 2005 ! Dans les conditions actuelles, il ne reste donc plus à trancher que le cas de l'ex chef d’État autoproclamé de la transition Michel Djotodia, aujourd'hui réfugié au Togo (1).

Négociés ou non, ces retours ont toujours échoué. Ils n'ont jamais donné les résultats escomptés par la population. Dans le cas d'espèce, le retour de François Bozizé risque de provoquer la déflagration d’une nation déjà en équilibre instable. En effet, ce comploteur compulsif, au comportement psychotique, a déjà plusieurs tentatives de prise du pouvoir par la force à son actif. Ce retour inopiné, qui a bénéficié de quelques complicités intéressées, toujours les mêmes qu'en 2001 et 2003, cache une stratégie délibérée dont l'acte IV a été le meeting du samedi 21 décembre 2019. Bien qu'officiellement interdit, ce rassemblement a pu se tenir en présence de son invité spécial, François Bozizé, mettant ainsi en échec l'autorité des pouvoirs publics. Il s'agit, pour les responsables du KNK, de se compter et d'intimider. En la circonstance, le général déserteur est l'incarnation de Judas au Mont des Oliviers (2).

 

2 – La version centrafricaine de Jurassic Park.

Avec ce retour, François Bozizé se pose en dernier dinosaure de l'espace politique centrafricain, après les disparitions respectives de Bokassa, Dacko, Patassé, Kolingba et Goumba. La génération de l'indépendance s'en est ainsi allée. Il ne demeure plus en place que les tyrannosaures prédateurs, jeunes loups aux dents longues, dont le seul objectif est le « désir mimétique » de ressembler au colonisateur. Ils n'ont ni vision ni stratégie pour l'avenir du pays, mais n'hésitent pas à se faire porter en tipoye. Au sein de cette conjuration de conspirateurs, nul n'émerge car, être chef, cela ne s'invente ni ne se commande ; cela s'apprend. Et c'est ce qui manque le plus à l'actuel président de la République centrafricaine. Après quatre ans d'exercice du pouvoir, son échec est patent : au plan de la sécurité, où le dernier événement grave s'est traduit ce jeudi 26 décembre 2019 par 40 morts et 70 blessés lors de l'embrasement du marché du KM5 ; au plan politique, où il a perdu la majorité de ses soutiens politiques ; au plan économique, où le budget de l’État est exsangue ; au plan social, où 90 % de la population vit en dessous du seuil mondial de pauvreté, 1,6 millions d'enfants souffrent de malnutrition et le pays se classe à l’avant dernier rang du monde pour l’indice du développement humain ; au plan de la justice, où l'impunité est devenue la règle et la corruption un exercice national au plus haut sommet de l'Etat ; etc.

Dans le même temps, par vantardise ou par inconscience, le chef de l’État ne cesse de proclamer sa vérité : « Avançons avec ma stratégie, elle est bonne, et ne faisons pas comme des personnes très limitées qui s'énervent vite et narguent la République et ses institutions. Vous et moi savons bien que quand quelqu'un est limité, il s'énerve trop vite, quand il s'énerve, il insulte, et quand il insulte, il viole » ! (3).

Dans ce registre, le président Touadéra s'invente en docteur Alan Grant, le paléontologue du film Jurassic Park, qui fait renaître une dizaine d'espèces de dinosaures en inoculant une goutte de sang à un moustique fossilisé.

 

Paris, le 28 décembre 2019

 

Prosper INDO

Économiste,

Consultant international.

 

(1)   – Il semble que le Togo et l'Ouganda soient les destinations d'exil privilégiées des chefs d’État centrafricains.

(2)   - En dix années de présence à la tête de la République centrafricaine, le général François Bozizé n'a montré aucune compétence en matière de gestion d'un État moderne, ni d'une armée disciplinée et combative. Il a toujours pensé à son intérêt égoïste et à celui de sa seule famille. Tel un commercial multicartes, il était à la fois militaire, pasteur de son église mais n'hésitant pas à communier à l'église catholique, maître franc-maçon, homme d'affaires, etc.

(3)   - Diaboliser ses adversaires, c'est déjà perdre la guerre. En traitant ses contradicteurs – et ses compatriotes - de personnes limitées, le docteur en mathématiques Touadéra démontre la face cachée d'une  personnalité prétentieuse, condescendante, sournoise et antipathique. Les victimes des différentes violences physiques et sexuelles, restées sans sanctions ni réparations, apprécieront la portée ontologique de l’argumentaire de notre professeur Tournesol. En particulier et en sa qualité de chef suprême des Armées, il lui faudra expliquer et sanctionner le comportement des soldats des FACA qui n'hésitent pas  à violer et à torturer à mort les paisibles citoyens de Bangassou, ni ce capitaine de gendarmerie qui agresse les passants au PK12, ni même les accusations de détournements de fonds publics qui entachent la crédibilité du haut commandement de la défense nationale au sein de l'exécutif. Faute de quoi, cette diatribe n'est qu'un aveu d'impuissance, un de plus !