Convoqué par Emmanuel Macron à l’Élysée,

                              Le grand débat de la diaspora africaine

                        et des afro-descendants est passé inaperçu.

 

     Le jeudi 11 juillet 2019, à l'occasion de la visite officielle en France du président ghanéen, Nana Akufo-Addo, le président Emmanuel Macron a organisé un grand débat à l’Élysée, réunissant les membres de la diaspora africaine et des afro-descendants. Ils étaient 400 participants à entourer les deux chefs d’État.

Curieusement, cette rencontre qui s'inscrit dans le cadre du grand débat provoqué par la révolte des « gilets jaunes », n'a pas fait l'objet d'une communication officielle. Elle est même passée inaperçue, comme boycottée par la « mafia des médias » français (1). Seul le quotidien Le Monde a annoncé et couvert l'événement. Cela en dit long sur la visibilité des minorités en France.

Cette attitude traduit bien le mépris et le dédain dont cette partie de la population française est encore l'objet de la part des organes de l’information.

 

A l’issue de cette journée, les réactions recueillies par le reporter du Monde sont mitigées ou, pour reprendre le désappointement d’une participante ghanéenne, « très french. Beaucoup de mots et pas de solutions ».

Pour les jeunes français d’origine africaine, qui ont pour la plupart moins de 20 ans, l’attente était simplement formulée : « ce que l'on veut, c'est qu'on trouve des solutions à la discrimination qui nous touche au quotidien » (2).

Le président Macron a une réponse élaborée :

-        il ne voit dans la diaspora que la capacité d'influence de ses membres, « qui ont le code et les accès, pour dire comment la France, l'Europe et l'Afrique peuvent mieux travailler ensemble ». C'est une logique fonctionnaliste, utilitaire ;

-        il croit davantage « à la promotion de personnalités modèles qui permettent de « casser les barrières », …, que dans « la discrimination positive » synonyme de quotas (3).

 

Or cette politique de promotion d’individualités sensées exercer un pouvoir d'entraînement, a pour noms : Roger Bambuck, Koffi Yamgnane, Lucette Michaux-Chevry, Fadéla Amara, Rachida Dati, Rama Yade, Marie-Luce Penchard, Christiane Taubira, Victorin Lurel, George Pau-Langevin, Ericka Bareigts, Harlem Désir, Najat Vallaud-Belkhacem, Fleur Pellerin, Jean-Vincent Placé, etc. Les ancêtres de cette logique élitiste sont : Félix Houphouët-Boigny, Léopold Sédar Senghor, Gaston Monnerville.

L'entrée de ces personnalités dans les différents gouvernements de la République n'a pas changé le regard de la France sur ses minorités. Celles-ci demeurent toujours l'objet d'ostracisme, de discriminations diverses ou de bavures policières à répétition, lorsqu'elles ne sont pas projetées les unes contre les autres, au nom de la lutte contre le communautarisme (4).

Cet échec politique est la conséquence de ce que Yona Friedman appelle « l'illusion de la communication globale », qui veut qu'une partie de l'humanité considère que l'humanité entière peut « se comprendre », à condition de créer « les moyens nécessaires de cette communication » ; ce qui est impossible comme le prouve le syndrome de la Tour de Babel, révélé par la Bible (5).

 

Au cours de cette rencontre, seul le président ghanéen a tenu les paroles les plus belles et prononcé les mots les plus justes :

-         « le destin de tous les Noirs partout dans le monde est lié à l'Afrique. Si le statut de l'Afrique s'améliore, alors votre statut s'améliorera ».

Il ne peut y avoir meilleure définition du panafricanisme, et un respectueux hommage à ses figures emblématiques, tels Kwamé Nkrumah ou Barthélémy Boganda (6).

 

Paris, le 13 juillet 2019

 

Prosper INDO

Économiste,

Consultant international.

 

(1)   – Le terme de « médias mafieux » est emprunté à Yona Friedman pour caractériser le traitement conformiste de l’information pratiqué par l’ensemble des chaînes de télévision, en particulier celles de la TNT. Cf. Yona Friedman : Comment vivre avec les autres sans être chef et sans être esclave ? Edition de L’Eclat, Paris 2016.

(2)   – Les jeunes ayant formulé cette réclamation ne sont sans doute pas au courant de la résolution du Parlement européen qui enjoint les Etats membres à reconnaître les effets négatifs de la colonisation, à présenter des excuses ou à envisager des procédures de réparations et, surtout, à prendre toutes les mesures utiles pour lutter contre la discrimination au quotidien dont sont victimes les afro-descendants sur leurs territoires respectifs.

(3)   – Cette prise de position renvoie au principe du « premier de cordée » cher au président français, qui en a fait le point central de sa réflexion politique, à côté de sa théorie du ruissellement au plan économique et social.

(4)   – Les bavures liées aux contrôles au faciès seraient réglées si la loi était appliquée, en particulier si, comme à l’hôpital ou dans l’armée en temps de paix, les agents de police en patrouille arboraient leur identité sur la poche-poitrine de leur chemise d’uniforme.

(5)   – Yona Friedman, op. cité, pp. 103 à 115.

(6)   – Victor Bissengué et Prosper Indo : Barthélémy Boganda, Héritage et Vision, L’Harmattan, Paris 2018.