Bangui sans coup de feu, des rues jonchées de cadavres, affirmation de Charles Josselin, reprise des secteurs occupés (communiqué officiel)


Paris confirme la reprise de Bangui par les forces loyalistes (AFP, PARIS, 7 juin 2001 - 14h25)
De nombreux cadavres jonchent les rues de Bangui rouvertes à la circulation
(AFP, Bangui, 7 juin 2001 - 13h59)
Retour au calme à Bangui, aucun coup de feu signalé
(AFP, Bangui, 7 juin 2001 - 12h21)
Tentative de coup d'Etat : le film des événements
(AFP, Bangui, 7 juin 2001 - 12h44)


Paris confirme la reprise de Bangui par les forces loyalistes
(AFP, PARIS, 7 juin 2001 - 14h25)

L'ambassade de France à Bangui confirme la reprise du "contrôle total de la situation" par les forces gouvernementales centrafricaines dans Bangui, a déclaré jeudi à la presse le ministre français délégué à la Coopération, Charles Josselin.

"Ce matin la présidence centrafricaine affirmait avoir repris le contrôle total de la situation et que les dernières poches (de mutins) avaient été réduites(...) Voilà les informations que nous avons eues, et que notre ambassadeur à Bangui que nous avons pu contacter ce matin nous a confirmées", a indiqué M. Josselin.

Mercredi soir, une source militaire autorisée à Bangui avait affirmé à l'AFP que la capitale centrafricaine, théâtre le 28 mai d'une tentative de coup d'Etat contre le président Ange-Félix Patassé, était "totalement sous contrôle" de l'armée régulière.

Le calme est revenu dans la matinée de jeudi à Bangui, où aucun coup de feu n'a été signalé depuis plus de 24 heures, mais de nombreux cadavres jonchent les rues rouvertes à la circulation, a constaté l'AFP.

Le ministre français a indiqué qu'il ignorait "où se trouve le général André Kolingba, et certainement pas à l'ambassade de France". Le général Kolingba, ancien chef d'Etat, est accusé d'avoir mené la tentative de coup d'Etat et sa tête a été mise à prix par les autorités centrafricaines.

S'agissant des "contacts" que Paris a eus avec les belligérants pendant la mutinerie, M. Josselin a précisé que la France avait appelé "à la retenue, comme des chefs d'Etats africains (...) pour éviter un dérapage dans la guerre ethnique".

Le ministre français s'est enfin félicité que la communauté française de Bangui n'ait "pas eu à souffrir de la situation" provoquée par la tentative de coup.

Selon des sources officieuses sur place, le bilan avancé mercredi de 250 à 300 morts sur la base de recoupements "pourrait être largement dépassé" dix jours après la tentative de putsch manqué.


De nombreux cadavres jonchent les rues de Bangui rouvertes à la circulation
(AFP, Bangui, 7 juin 2001 - 13h59)

De nombreux cadavres jonchaient jeudi les rues de Bangui où a repris la circulation après l'annonce du contrôle total de la ville par l'armée centrafricaine, a constaté dont le correspondant de l'AFP.

Ces cadavres, dont la plupart sont en état de putréfaction, ont commencé à être incinérés sur place, alors que des centaines de blessés continuaient à affluer en direction de l'hôpital communautaire de la capitale.

Selon des sources officieuses, le bilan avancé mercredi de 250 à 300 morts sur la base de recoupements "pourrait être largement dépassé" dix jours après la tentative de putsch manqué contre le président Ange-Félix Patassé.

Des témoins ont rapporté jeudi avoir vu dans une ruelle du centre-ville six corps d'hommes, en uniforme militaires ou en civil, fauchés par balles, être aspergés d'essence et brûlés.

Les mêmes indiquent que de nombreux cadavres se trouvent encore dans certaines certaines maisons atteintes par des roquettes ou des obus de mortiers tirés au cours des combats entre rebelles et forces loyalistes.

D'autres corps ayant pu être identifiés par des parents sont inhumés sur place ou emmenés à la morgue de l'une des trois grandes formations sanitaires de Bangui.

Les humanitaires ont reçu jeudi matin la permission de circuler dans certains quartiers de la capitale, mais pas dans d'autres, pour des raisons de sécurité, leur a-t-on affirmé.

A l'hôpital communautaire, le personnel médical, débordé, demande aux parents de ceux dont l'état est le moins grave, de les ramener chez eux.

Les autres, notamment ceux atteints par des éclats d'obus ou de roquettes, sont soignés sur place dans des conditions d'hygiène précaire.

De nombreux édifices publics et maisons d'habitation ont été totalement ou partiellement détruits par les tirs lors de la tentative de coup d'Etat.

Outre la résidence du chef de l'Etat, visée par les mutins, le quartier résidentiel des "14 villas" porte les stigmates des tirs d'obus entendus dans la nuit du 27 au 28 mai.

Les combats qui ont suivi aux alentours du camp Kassaï, puis dans les quartiers sud-est et sud-ouest, ont occasionné également d'importants dégâts qui n'ont pas épargné la nonciature apostolique à l'entrée des quartiers sud.

Dans le sud-ouest de la capitale, de nombreuses maisons supposées abriter les mutins lors des opérations de ratissage par les forces armées, ont été partiellement ou entièrement rasées, a-t-on constaté.


Retour au calme à Bangui, aucun coup de feu signalé
(AFP, Bangui, 7 juin 2001 - 12h21)

Le calme est revenu dans la matinée de jeudi à Bangui, où aucun coup de feu n'a été signalé depuis plus de 24 heures, alors que l'armée centrafricaine a annoncé mercredi soir que la capitale était "totalement sous contrôle", a constaté le correspondant de l'AFP.

La circulation dans la capitale, toujours bouclée par les Forces armées centrafricaines (FACA), est redevenue normale, même si certains habitants préfèrent encore rester dans leur quartier, a-t-on constaté.

Un grand magasin du centre-ville de Bangui, quadrillé par les éléments de l'Unité de sécurité présidentielle, a rouvert ses portes.

Un timide retour des habitants des quartiers sud de la ville qui ont fui les combats entre les FACA et les auteurs du putsch manqué du 28 mai ou les représailles de troupes loyalistes, a été rapporté par des témoins à l'AFP.

"La population est maintenant dans l'attente d'un message des autorités", a affirmé un observateur centrafricain. Ce message appelant la population "à vaquer à ses occupations" avait été promis mercredi par le ministre de l'Intérieur Théodore Bikoo.

Tard dans la soirée de mercredi, une source militaire autorisée a annoncé que la capitale centrafricaine était "totalement sous contrôle" de l'armée régulière.

"La ville est totalement sous contrôle des Forces armées centrafricaines (FACA), même si cela n'exclut pas que quelques rebelles puissent encore se cacher dans certains quartiers du sud-ouest de Bangui", a affirmé cette source jointe par l'AFP depuis Libreville.

Les FACA ont pourchassé les "mutins" sur 12 kilomètres après le "Kilomètre 9", marquant la sortie sud-ouest de Bangui, a-t-elle précisé.

Les éléments du Front de libération du Congo (FLC, rébellion), qui étaient venus prêter mains fortes les forces loyales au président Ange-Félix Patassé dans la lutte contre les putschistes, ont par ailleurs commencé à regagner la République démocratique du Congo (RDC), a-t-on constaté.

"Notre mission à présent est terminée. Ordre a été donné aux troupes de rentrer sur notre territoire", a déclaré jeudi par téléphone le chef du FLC Jean-Pierre Bemba interrogé par l'AFP depuis Kigali.

Des soldats libyens également venus soutenir le régime de Bangui auraient "subi quelques pertes", selon une source militaire centrafricaine anonyme faisant état "d'un ou deux morts", lors d'un accrochage avec les mutins.

Enfin mercredi soir, un magasin situé sur une des principales artères de Bangui, l'avenue Boganda, a été pillé par une centaine d'hommes armés et en civil, ont rapporté des témoins.

Cette tentative de coup d'Etat, attribuée par le pouvoir à l'ex-général André Kolingba, dont la tête a été mise à prix par le président Ange-Félix Patassé et qui est toujours en fuite, intervient quatre ans après la dernière mutinerie d'une longue série de trois en 1996/97.

L'envoyé spécial de l'ONU, le général malien Amadou Toumani Touré, qui avait déja facilité le retour à la paix après ces mutineries, est attendu en fin de semaine à Bangui pour mener une nouvelle mission de paix.


Tentative de coup d'Etat: le film des événements
(AFP, Bangui, 7 juin 2001 - 12h44)

Voici une chronologie des principaux événements en Centrafrique depuis le début de la tentative de coup d'Etat il y a dix jours à Bangui, "totalement sous contrôle de l'armée" depuis mercredi soir selon une source militaire autorisée.


-MAI-

- NUIT DU 27 AU 28: Des mutins équipés d'armes automatiques et d'armes lourdes attaquent la résidence du président Ange-Félix Patassé. Les assaillants sont repoussés par l'Unité de sécurité présidentielle, selon un diplomate français qui qualifie l'assaut de "tentative de coup d'Etat".

Les assaillants prennent d'assaut le siège de la radio nationale.


- 28: Le porte-parole de la présidence déclare que l'assaut, lancé contre la résidence du chef de l'Etat et repoussé "avec succès", a fait "sept morts dans les rangs de la sécurité présidentielle et beaucoup de morts parmi les assaillants". "Le président est sain et sauf", affirme-t-il.

Un couvre-feu est instauré.


- 29: Opérations de ratissage des Forces armées centrafricaines (FACA) et l'Unité de sécurité présidentielle dans les quartiers sud de Bangui où se sont repliés les putschistes.

La présidence déclare que "tous les quartiers sud sont maintenant sous contrôle, sauf une poche de résistance autour du centre émetteur de la radio nationale".

La France "condamne le recours à la violence contre un gouvernement élu".

L'ONU et l'OUA condamnent la tentative de putsch.


- 30: Le porte-parole du chef de l'Etat affirme que l'attaque de la résidence était "un coup d'Etat préparé et organisé par le général André Kolingba".

Le président Patassé promet d'écraser les rebelles, annonçant "des mesures pour casser le général Kolingba et les autres officiers supérieurs" qui ont participé à la tentative.


- 31: Les FACA reçoivent le soutien du rebelle congolais Jean-Pierre Bemba.

Entretien téléphonique du président Patassé avec le dirigeant libyen, le colonel Mouammar Kadhafi. Tripoli a acheminé sur Bangui une petite centaine d'hommes et des hélicoptères militaires.

Le général Kolingba appelle les putschistes à déposer les armes.


-JUIN-

- 1er: Vaste offensive des forces loyalistes, qui reprennent le contrôle du camp Kassaï (est).

La présidence affirme que le général Kolingba, considéré comme l'instigateur de la tentative de coup d'Etat devra répondre de ses actes. Celui-ci fait l'objet de sept chefs d'accusation dont "tentative de coup d'Etat" et "assassinat".

Des témoins font état de descentes musclées des forces armées dans les zones résidentielles habitées par d'anciens ministres de M. Kolingba.


- 2: La présidence confirme que "tous les environs du camp Kassaï, dans les quartiers est, sont contrôlés".

La résidence du général Kolingba est investie par les forces loyalistes. Kolingba avait fui avant l'attaque.


- 4: L'armée poursuit ses opérations musclées de ratissage des quartiers sud-ouest de Bangui.

Le président met à prix la tête de l'ex-général Kolingba et promet une "récompense de 25 millions de francs CFA (38.000 dollars) à quiconque pourrait le ramener mort ou vivant".

Plusieurs quartiers de Bangui, abandonnés par les habitants, sont systématiquement pillés, notamment par des rebelles congolais.


- 5: Pour la cinquième journée, tirs d'armes lourdes à Bangui, où l'armée poursuit son "nettoyage" des quartiers sud-ouest.

Le gouvernement dément l'existence d'un "génocide" et toute "opération de nettoyage ethnique". Il affirme que "seuls les auteurs du coup d'Etat et leurs complices sont recherchés".

L'ONU décide de dépêcher à Bangui l'ancien président malien, le général Amadou Toumani Touré.


- 6: Des tirs d'armes lourdes reprennent brièvement dans deux quartiers sud-ouest de Bangui, où sont retranchés les mutins.

Le ministre de l'Intérieur assure la population que sa sécurité est désormais "garantie".

Dans la soirée, une source militaire autorisée annonce que Bangui est "totalement sous contrôle" de l'armée régulière.


- 7: Le chef rebelle congolais Jean-Pierre Bemba ordonne le départ de ses troupes de Bangui, estimant que leur mission aux côtés des forces loyalistes est "terminée".


Selon un premier bilan établi sur la base de recoupements de témoignages, entre 250 et 300 personnes auraient trouvé la mort depuis le début des affrontements. Près de 50.000 personnes ont fui la capitale.


Actualité Centrafrique - Dossier 5