Qui se cache derrière le putsch manqué de Bangui ? Paris s'en défend, tandis que la Libye se retire


Putsch manqué à Bangui: Paris se défend d'une quelconque implication
(AFP, Paris, 20 juin 2001 - 18h46)

Paris a affirmé mercredi que "les rumeurs ou allégations" d'une quelconque implication française dans la tentative de coup d'Etat du 28 mai en Centrafrique sont "totalement dénuées de fondement".

"Nous écoutons toujours ce qu'a à nous dire le président (centrafricain) Patassé. Mais je crois, ce qui est clair, c'est que les rumeurs ou les allégations, comme quoi la France aurait pu jouer un rôle dans le déclenchement de la tentative de coup d'Etat sont totalement dénuées de fondement", a affirmé le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, François Rivasseau.

"Je rappelle que la France, a-t-il poursuivi, a immédiatement condamné le coup d'Etat, et a appelé dès le début les mutins à renoncer à leur entreprise".

"Mais, naturellement, nous écoutons toujours, et nous écouterons ce que dit le président Patassé sur le déroulement de l'enquête qui est en cours", a conclu M. Rivasseau.

Après la tentative de coup d'Etat, un imposant arsenal militaire composé de caisses d'armes émanant de la coopération militaire française avait été découvert au domicile du général André Kolingba, ancien président et auteur du putsch manqué.

Le président Ange-Félix Patassé a ensuite fustigé "la France néo-colonialiste qui a envoyé des armes et des officiers mercenaires pour détruire le peuple centrafricain".

Sans mettre en cause directement le gouvernement français, il a lancé "un appel à la France républicaine qui est au côté de l'Afrique", notamment "au ministère de la Défense et à la justice", pour élucider l'affaire.


Tripoli annonce le retrait de ses troupes de la république de Centrafrique
(AFP, Londres, 19 juin 2001 - 2h13)

La Libye a décidé de retirer de la république de Centrafrique ses troupes qui ont "aidé à faire échec au coup d'état (du 28 mai) et à restaurer la légalité" à la demande du président Ange-Félix Patassé, a annoncé mardi l'agence libyenne Jana citée par les services d'écoute de la

La Libye laissera en centrafrique, selon l'agence, un "petit contingent" de forces, toujours à la demande du président Patassé, pour entraîner l'armée centrafricaine et la garde présidentielle.

Une tentative de putsch avait avorté le 28 mai et des combats entre loyalistes et forces rebelles avaient fait rage dans la capitale centrafricaine, Bangui, pendant 10 jours.

Peu après la répression du coup d'état, Ange-Félix Patassé avait indiqué que les renforts libyens dont il avait disposés -au plus une centaine d'hommes et du matériel militaire-, avaient été fournis à sa demande par le colonel Mouammar Kadhafi, "un ami personnel", pour "le protéger" dans le cadre de l'Union africaine.

Les Forces armées centrafricaines (FACA), soutenues par les rebelles congolais du Front de libération du Congo (FLC) et la logistique des soldats libyens, avaient eu raison des putschistes au terme de combats dévastateurs et meurtriers qui avaient fait au moins 59 morts et 87 blessés.


Patassé, la "France mercenaire" et l'arsenal de Kolingba
(AFP, Bangui, 20 juin 2001 - 12h08)

Le président centrafricain Ange-Félix Patassé, victime d'une tentative de coup d'Etat le 28 mai, ne décolère plus contre la "France mercenaire" qu'il accuse d'avoir livré des armes à son prédécesseur André Kolingba, l'auteur du putsch manqué.

La découverte au domicile de M. Kolingba, peu après ce coup de force auquel M. Patassé a survécu de justesse, d'un imposant arsenal militaire composé de caisses d'armes émanant de la coopération militaire française a déclenché une inextinguible ire présidentielle.

Déterrées du jardin de la "forteresse" du général déchu, voisine de la résidence de l'ambassadeur de France, au quartier Ouango (est), ces tonnes d'armes sont aujourd'hui stockées sous bonne garde dans un container, au camp Béal, l'ancienne caserne française de Bangui.

Un journaliste de l'AFP, guidé par des officiers centrafricains, a ainsi pu dénombrer 75 caisses saisies chez M. Kolingba et 19 caisses chez le capitaine Galloty, l'un des co-auteurs du putsch avorté, déjà acteur des mutineries de

Pour l'essentiel, elle contiennent des obus de mortiers de toutes tailles, des charges de canon sans recul et des roquettes en bon état.

Quelques modèles anciens d'armes légères un peu rouillées, de fabrication française, américaine ou russe, font également partie du stock.

Plusieurs caisses portent le drapeau français ou l'inscription "Gendarmerie nationale de la République centrafricaine". Sur les autres, on peut lire en anglais: "Ammunition for Cannon with explosive projectiles" (munitions pour canon avec charges explosives).

Recevant récemment trois journalistes occidentaux à sa résidence, le président Patassé a fustigé "la France néo-colonialiste qui a envoyé ces armes et des officiers mercenaires pour détruire le peuple centrafricain".

Sans mettre en cause directement le gouvernement français, il a lancé "un appel à la France républicaine qui est au côté de l'Afrique", notamment "au ministère de la Défense et à la justice", pour élucider l'affaire.

Le président Patassé est resté sibyllin sur le détail, invoquant l'enquête judiciaire en cours. Mais il a nommément accusé plusieurs Français, dont un officier de très haut rang, conseiller de chefs d'Etats africains, dont le défunt président zaïrois Mobutu Sésé Séko.

Les armes de M. Kolingba ont transité "récemment" par des containers venus de la ville camerounaise de Douala, a-t-il encore affirmé.

Certains observateurs estiment toutefois qu'elles pourraient provenir du pillage du camp Kassaï, pendant la seconde mutinerie de 1996, ou avoir été détournées des dons de la coopération française à la RCA par M. Kolingba, avant la fin de son mandat en 1993.

Depuis 1994, la coopération française ne livre en effet plus d'armes à la Centrafrique, limitant ses dons à des véhicules, du matériel de transmission et des treillis.

Cette nouvelle politique affiche la volonté de Paris de rompre avec son riche passé "barbouzard" en Centrafrique, qui connut précisément son apogée sous la présidence de M. Kolingba (1981-93).

Pendant ces 12 ans, correspondant aux années d'exil de M. Patassé, le colonel Claude Mantion, agent de la direction générale de la surveillance du territoire (DGSE- espionnage français) dirigea la garde présidentielle et veilla de très près aux affaires du pays.

Plus tard, lors des mutineries de 1996-97, le président Patassé a bénéficié à son tour de l'intervention déterminante de l'armée française.

Mais les "Barracudas" sont par la suite partis, laissant la place à une force onusienne, la MINURCA, qui a quitté Bangui à son tour au printemps 2000.

Jamais, depuis son indépendance en 1960, la RCA n'avait été militairement livrée à elle-même. D'où, peut-être, un certain sentiment inavoué d'abandon envers l'ancienne puissance coloniale.


Le gouvernement de Bangui décide le retrait des troupes libyennes
(AFP, Libreville, 21 juin 2001- 23h35)

Le gouvernement de Bangui a "décidé le retrait des troupes libyennes" venues appuyer les Forces armées centrafricainesaprès la tentative de coup d'Etat du 28 mai contre le président Ange-Félix Patassé, a indiqué un communiqué publié jeudi soir.

"Le gouvernement de la République centrafricaine (RCA) ayant constaté le retour au calme dans le pays, à la suite de la tentative du putsch manqué (...) a décidé du retrait de la troupe libyenne" en RCA, précise le texte signé du ministre délégué aux Affaires étrangères Victor Boucher.

"Toutefois, ajoute le communiqué transmis à l'AFP Libreville, un contingent réduit sera maintenu pour la formation et l'encadrement" des FACA. Le ministre délégué n'indique cependant pas le nombre de soldats libyens venus au secours du régime centrafricain, ni le nombre d'hommes qui seront maintenus à Bangui.

Selon des sources concordantes dans la capitale centrafricaine, une "petite centaine" de soldats libyens, équipés de matériel de guerre, étaient venus prêter main-forte au régime de M. Patassé, officiellement pour "assurer la sécurité" du chef de l'Etat.

Dans son communiqué, le gouvernement de la RCA "exprime une fois encore sa reconnaissance au Guide de la Révolution libyenne, le colonel Mouammar Kadhafi (...) pour cette marque de solidarité agissante entre les Etats membres de la CEN-SAD" (Communauté des Etats sahélo-sahariens).

Mardi 19 juin, la Libye avait déjà annoncé le retrait de la République centrafricaine de ses troupes qui, selon elle, avait "aidé à faire échec au coup d'Etat (du 28 mai) et à restaurer la légalité" à la demande du président Ange-Félix Patassé.

Le 31 mai, le département d'Etat américain avait, de son côté, mis en garde la Libye contre une éventuelle "ingérence" dans ce pays.

"Nous avons examiné les déclarations des Libyens qui disent ne pas vouloir s'ingérer dans cette partie de l'Afrique et jouer un rôle positif. Nous suivons donc de très près ce qu'ils pourraient (...) tenter de faire en République centrafricaine", avait déclaré le porte-parole du département d'Etat, Richard Boucher.


Actualité Centrafrique - Dossier 5