En attendant le successeur de Jean Désiré KABILA


Le général-major Joseph Kabila a succédé à son père assassiné
(AFP, Kinshasa, vendredi 26 janvier 2001, 16h25)

Le général-major Joseph Kabila a prêté vendredi à Kinshasa le serment constitutionnel marquant sa prise de la fonction de président de la République démocratique du Congo (RDC).

Il succède ainsi à son père, Laurent-Désiré Kabila, victime d'un attentat le 16 janvier dans son palais.

Plus jeune des quatre chefs d'Etat qu'a connu l'ex-Zaïre en 40 années d'indépendance marquées par des successions de rébellions et de crises sociales, le nouveau président doit, à 29 ans et sans expérience politique, prendre à bras le corps des dossiers brûlants pour l'avenir de son régime: la guerre régionale qui déchire le pays depuis deux ans et demi et une récession sans précédent.

Selon la radio officielle, le jeune président devait "s'adresser à la Nation" dès vendredi soir pour sa première déclaration publique diffusée par les médias officiels.

Vêtu d'un costume sombre, portant cravate et chemise bleues, le général-major a déclaré à 12H55 locales (11H55 GMT), d'une voix posée et assurée, aux magistrats de la Cour suprême: "moi, Joseph Kabila, je jure fidélité à la Nation". Dans la suite de son serment, ultime étape de la formalisation juridique de son pouvoir, il s'est engagé à "garantir l'indépendance" et "l'unité territoriale" du pays.

La fin du serment a été saluée par des applaudissements et des vivats de l'assistance, réunie dans la rotonde du palais de la Nation, lieu symbolique de l'histoire du pays.

Le gouvernement, les députés du Parlement provisoire et le corps diplomatique ont assisté à la brève cérémonie, empreinte d'une solennité particulière. La RDC est toujours en deuil national, en mémoire de Laurent-Désiré Kabila.

Le père du chef de l'Etat a été inhumé mardi dans un mausolée devant le palais de la Nation. Le mausolée est aménagé sous le socle où s'élevait à l'époque coloniale une statue du roi des Belges, Léopold II, qui avait pris possession du pays en 1885.

Victime d'un attentat perpétré par un de ses garde du corps le 16 janvier, Laurent-Désiré Kabila est mort le 18 janvier, selon le gouvernement.

Au début de la cérémonie, la Cour suprême avait constaté que "la mort tragique du vaillant combattant" avait créé "au sommet de l'Etat la vacance du pouvoir".

Relevant que le général-major avait notamment été investi mercredi des "pouvoirs dévolus" au président par le Parlement provisoire, après avoir été chargé dès le 17 janvier de "la direction de l'action gouvernementale", la Cour avait invité le nouveau chef de d'Etat a prononcer "le serment constitutionnel".

Conformément à la législation, la Cour a également rendu public l'état-civil de Joseph Kabila né "de père et de mère congolais", le 4 juin 1971 dans le territoire de Fizi, dans la province du Sud-Kivu, où son défunt père dirigeait à cette époque un maquis.

Cette région est aujourd'hui sous contrôle de rebelles appuyés par le Rwanda et l'Ouganda et en guerre contre les forces gouvernementales appuyées par l'Angola, le Zimbabwe et la Namibie. Depuis août 1998, la RDC est coupée en deux par cette guerre et toutes les tentatives de réglement négocié ont échoué.

Joseph Kabila, qui commandait l'armée de terre jusqu'au 17 janvier, hérite de ce dossier complexe et périlleux pour son pouvoir, alors que les appels se multiplient en faveur d'une relance du processus de paix et d'une "ouverture politique" du régime.

Joseph Kabila est le plus jeune président qu'ait connu l'ex-Zaïre. Le destin de ses trois prédécesseurs témoigne de l'histoire troublée du "géant de l'Afrique centrale".

Le premier chef de l'Etat, Joseph Kasavubu, avait été renversé en 1965 par un coup d'Etat mené par Joseph-Désiré Mobutu, qui rebaptisa le Congo "Zaïre". Le maréchal Mobutu régna sur le pays pendant 32 ans, jusqu'à son renversement en mai 1997 par Laurent-Désiré Kabila, à l'issue d'une rébellion victorieuse de huit mois.

Laurent-Désiré Kabila, qui redonna au pays le nom de Congo, a présidé à sa destinée pendant trois ans et demi, jusqu'à son assassinat.

 

Les Kinois dubitatifs sur la capacité du général Kabila à terminer la guerre
(vendredi 26 janvier 2001, 11h22)

"Nous voulons la paix": cette requête en forme de prière revient sans cesse dans les conversations des habitants de Kinshasa qui se montrent toutefois dubitatifs sur la capacité de leur nouveau président, le général-major Joseph Kabila, à mettre fin à la guerre qui ruine leur pays.

Le général-major prête serment vendredi pour devenir le quatrième président de la République démocratique du Congo (RDC) depuis l'indépendance du Congo belge, en 1960. Il succède à son père, Laurent-Désiré Kabila, victime d'un attentat le 16 janvier dans le palais présidentiel.

"Nous voulons la paix et nous voulons que Joseph nous fixe rapidement sur ses intentions quant à l'issue de la guerre imposée à la RDC par ses voisins de l'est", lance Joseph Oleli, 50 ans: "sa réussite réside, selon moi, dans ses capacités à aborder les questions épineuses laissées par son défunt père".

"Je suis convaincu que Joseph Kabila, qui a vécu les péripéties de cette guerre aux côtés de son père, saura par quel bout tenir pour mettre un terme à cette tragédie", ajoute M. Oleli.

Micheline Bodo, 46 ans, universitaire au chômage, se montre nettement plus inquiète de l'absence d'expérience politique du nouveau chef de l'Etat, âgé de 32 ans, pour "conduire un bateau de la taille de la RDC (...)".

Pour sa part, Adrienne Sekele 49 ans, journaliste, demande à la classe politique congolaise, "peu soucieuse des problèmes sociaux, d'épauler le nouveau chef de l'Etat dans sa lourde tâche". Victor Mongwa, 28 ans, étudiant, juge que "ce sera le règne de la méfiance totale".

Marie-Thérèse Binga (31 ans), vendeuse, s'est dit "surprise" par la désignation du général-major: "C'est un illustre inconnu sur la scène politique congolaise. Personne ne le connaît. A-t-il des reins solides pour diriger un pays plongé dans une crise profonde?".

La presse de Kinshasa proche de l'opposition partage les inquiètudes et interrogations formulées par les kinois.

Le quotidien Le Phare relève ainsi vendredi que le général-major hérite d'une "difficile succession" et "devra faire preuve de talent et de finesse pour ne pas tomber dans le piège de ceux qui ont, volontairement ou involontairement, conduit son défunt père à l'impasse fatale".

Le nouveau président va devoir "compter avec les alliés militaires" du régime et composer avec la famille et la diaspora" des Congolais qui avaient regagné Kinshasa après le renversement du maréchal Mobutu par Laurent-Désiré Kabila, juge Le Phare.

L'Angola, le Zimbabwe et la Namibie soutiennent militairement Kinshasa dans la guerre contre des factions rebelles soutenues par le Rwanda et l'Ouganda. Le pays est coupé en deux par ce conflit depuis deux ans et demi.

Les alliés sont omniprésents en RDC depuis l'attentat contre le défunt président et ont déployé dans la capitale un imposant dispositif miliaire. "Aucun régime ne peut aujourd'hui plastronner à Kinshasa s'il ne bénéficie du soutien de Luanda", commente Le Phare.

Concernant la famille du disparu, "le régime Kabila a puisé l'essentiel de ses piliers parmi ses proches, et plus généralement dans le vivier" du Katanga, province d'origine de Laurent-Désiré Kabila, rappelle le journal, selon qui le général-major "va devoir se préparer à nettoyer une cour encombrée (...) pour se forger son propre destin".

 

La Belgique a pris son bâton de pélerin pour la paix en RDCongo
(AFP, vendredi 26 janvier 2001, 10h07)

Le chef de la diplomatie belge Louis Michel a mis à profit une tournée africaine consacrée à la guerre en République démocratique du Congo (RDC) pour sonder les belligérants, appeler les Congolais au dialogue et plaider en faveur d'une trêve permettant de négocier une issue au conflit.

"Notre souhait est de voir les parties s'engager dans de vraies négociations et que (l'accord de) Lusaka puisse être concrétisé", a déclaré jeudi à Kigali le ministre de l'ancienne puissance coloniale du Congo et du Rwanda, après un entretien d'une heure quarante-cinq avec le président rwandais Paul Kagame.

Considérant la période ouverte par l'assassinat le 16 janvier de Laurent-Désiré Kabila comme propice à la recherche d'une solution à la guerre qui déchire et ruine l'ex-Zaïre depuis août 1998, Louis Michel s'est rendu de mardi à jeudi à Kinshasa, Brazzaville, Luanda, Harare, Kigali, Entebbe (Ouganda) et Libreville.

En parcourant 17.000 kilomètres en trois jours, il a rencontré la quasi-totalité des acteurs de cette "première guerre mondiale africaine", que l'accord de paix de Lusaka, signé en juillet 1999, n'a pas permis de stopper.

Dans le camp de Kinshasa, M. Michel s'est entretenu avec le président Joseph Kabila, les ministres congolais de l'Intérieur Gaëtan Kakudji et des Affaires étrangères Léonard She Okitundu, le chef de la diplomatie angolaise Joao Miranda et le président du Zimbabwe Robert Mugabe.

En face, il a parlé à Paul Kagame, au chef de la diplomatie ougandaise Eriya Kategeya et aux dirigeants des deux principaux groupes rebelles, Adolphe Onusumba du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD, aidé par Kigali) et Jean-Pierre Bemba du Front de libération du Congo (FLC, soutenu par Kampala).

Soucieux de la sécurité des Belges vivant en RDC (2.500), en cas d'aggravation de la situation, Louis Michel a aussi vu le président du Congo-Brazzaville Denis Sassou Nguesso et le ministre gabonais de la Défense Ali Bongo. Il s'est enfin entretenu avec le président du Gabon Omar Bongo, en qui certains voient un futur médiateur du conflit congolais.

A Joseph Kabila, qu'il a qualifié "d'homme tranquille et très calme", Louis Michel a demandé d'accepter l'ouverture du dialogue intercongolais prévu dans l'accord de Lusaka et d'autoriser les activités des partis politiques, ce à quoi son père s'est opposé jusqu'à sa mort.

De sources belge et africaines, le jeune Kabila, 32 ans, est cependant au centre d'une lutte interne au pouvoir qui fait rage à Kinshasa --entre conservateurs et modérés, "faucons" et "colombes"--, dont l'issue pourrait déterminer si le nouveau président donnera, ou non, "les signes d'ouverture" demandés par la Belgique.

Afin de lui laisser du temps, Louis Michel a demandé aux rebelles d'éviter "l'impatience", et assuré qu'il percevait, d'Angola, du Zimbabwe et du Rwanda, des volontés de résolution du conflit.

Animés certes par des motivations différentes, Luanda et Harare ont "la tentation de sortir du Congo en sortant du conflit", selon M. Michel, qui a par ailleurs "apprécié la volonté (de M. Kagame) d'ouvrir le jeu des négociations".

En réponse aux critiques sur la "précipitation" du voyage -Bruxelles a mal mesuré le climat "anti-Belges" qui régnait à Kinshasa pendant les funérailles de Laurent-Désiré Kabila- le ministre belge a parlé d'une "politique à hauts risques, dont je suis conscient".

"La préoccupation de la communauté internationale (pour le Congo) doit être la même que dans les Balkans ou ailleurs, et il faut y mettre la même prise de risques politiques", a-t-il estimé.

 

Les rebelles pressent l'ONU et l'OUA de ne pas reconnaître le nouveau pouvoir
(AFP, Kinshasa, jeudi 25 janvier 2001, 19h53)

Les rebelles de RDCongo, qui contrôlent la moitié orientale de l'ex-Zaïre, ont pressé jeudi l'ONU et l'OUA de ne pas reconnaître le pouvoir qui se met en place à Kinshasa, où le général-major Joseph Kabila, déjà proclamé chef de l'Etat par le Parlement provisoire, est sur le point de prêter serment.

La cérémonie solennelle de prestation de serment du général Kabila, porté au pouvoir par le gouvernement après l'attentat dont a été victime son père, Laurent-Désiré Kabila, le 16 janvier, a été fixée à vendredi matin.

Elle se déroulera à partir de 11H00 locales (10H00 GMT) au palais du Peuple.

Cette cérémonie avait été reportée à deux reprises en raison, selon une source proche de la présidence, de questions de logistique dans l'organisation de la cérémonie.

En l'absence de toute disposition institutionnelle sur la vacance de l'exécutif et la désignation du chef de l'Etat, le Parlement provisoire avait adopté mercredi après-midi une résolution dans laquelle l'Assemblée a "décidé que M. Joseph Kabila, général-major des Forces armées congolaises, est investi des pouvoirs constitutionnels dévolus au président de la République, chef de l'Etat".

Le principal mouvement rebelle de RDC, le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD, soutenu par le Rwanda) s'est insurgé jeudi contre la succession en cours à Kinshasa.

Les factions rebelles de RDC sont soutenues par le Rwanda et l'Ouganda face aux troupes gouvernementales appuyées par l'Angola, le Zimbabwe et la Namibie dans un conflit débuté en août 1998.

"Nous avons écrit à l'Organisation de l'Unité africaine (OUA) pour qu'elle ne reconnaisse pas ce pouvoir issu d'un coup d'Etat, conformément à une résolution prise par l'organisation à Alger en 1999, et nous avons fait une démarche similaire auprès des Nations unies", a déclaré à l'AFP à Bruxelles, Kin-Kiey Mulumba, porte-parole du RCD.

Le RCD ne reconnaît "absolument pas" Joseph Kabila, a dit M. Mulumba, ajoutant: "nous pensons qu'il est à la tête d'un groupe armé opérant à partir de Kinshasa. Nous condamnons son mode d'accession au pouvoir, en dehors de toute légalité, de toute consultation populaire ou de consultation des forces politiques en présence".

Le porte-parole du RCD a également affirmé que Louis Michel, ministre des Affaires étrangères de Belgique, l'ancienne puissance coloniale, a "reconnu Joseph Kabila comme président de la République". M. Michel a été le seul responsable occidental à assister mardi à Kinshasa aux obsèques de Laurent-Désiré Kabila.

M. Michel, qui effectue depuis une tournée des pays engagés dans le conflit, a estimé jeudi à Kigali à l'issue d'un entretien avec le président Paul Kagamé et d'une recontre avec des dirigeants de la rébellion qu'"à Kinshasa, un processus de légitimation est inévitable et il faudra rassembler le plus largement possible pour forger un nouveau destin pour le Congo".

Après avoir déjà vu les alliés de Kinshasa, M. Michel a jugé que "le Rwanda n'est pas un obstacle à la paix en RDC plus qu'un autre belligérant" et que l'Angola et le Zimbabwe ont "la tentation de sortir" du conflit.

"J'ai en particulier apprécié l'ouverture de M. Kagamé et sa volonté d'ouvrir le jeu des négociations sur le Congo", a-t-il ajouté.

Le Conseil de sécurité de l'ONU prévoit de rencontrer en février les ministres des Affaires étrangères de six pays belligérants. De son côté, le général-major Kabila a dépêché un conseiller auprès du président en exercice de l'OUA, le président togolais Gnassingbé Eyadéma.

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