Obsèques et Hommages rendus à KABILA


Des centaines de milliers de Kinois ont rendu un hommage fervent à Kabila

(AFP, KINSHASA, 23 janvier 2001 - 19h14)

Massés en une foule compacte le long du parcours du "dernier voyage" du président assassiné Laurent-Désiré Kabila, inhumé mardi à Kinshasa, des centaines de milliers d'habitants de la capitale de la RDCongo ont rendu dans l'après-midi un dernier hommage fervent au défunt.

Rassemblée tout autour du palais du Peuple, où les obsèques ont débuté par un culte oecuménique, et tout au long du parcours menant jusqu'au palais de la Nation où le président a été inhumé dans un mausolée, les Kinois ont patienté pendant des heures pour apercevoir un bref instant, noyé dans la foule le cortège funèbre du "Mzee" (le sage en swahili).

Certains avaient même passé deux nuits au bord des rues pour être assuré d'avoir une place. Par dizaines de milliers, d'autres encore s'étaient mis en marche dès avant l'aube pour traverser à pied la capitale, qui s'étend sur une cinquantaine de kilomètres au bord du fleuve Congo, et rallier à temps les lieux des cérémonies officielles.

Les transporteurs publics avaient eu beau faire rouler l'essentiel de leurs bus et taxis, cela ne suffisait pas dans une ville de cinq millions d'habitants.

Aux points stratégiques de la capitale, d'imposantes forces de sécurité et des blindés avaient pris position. L'essentiel du dispositif était assuré par des troupes zimbabwéennes, angolaises et namibiennes, qui soutiennent les forces gouvernementales dans la guerre qu'elles mènent depuis deux ans et demi contre des factions rebelles appuyées par les armées rwandaise et ougandaise.

Les forces alliées sont massivement présentes dans la capitale depuis l'attentat dont a été victime Laurent-Désiré Kabila, le 16 janvier. Atteint de trois balles tirées par un de ses garde du corps dans son palais à Kinshasa, le chef de l'Etat est mort le 18 janvier, selon le gouvernement.

La ferveur populaire tout au long du parcours tranchait avec la solennité et le recueillement des cérémonies officielles. Seuls les personnalités, les représentants des mouvements associatifs et autres personnels des administrations ont pu pénétrer dans l'enceinte du palais du Peuple.

Des groupes de jeunes gens (garçons et filles confondus) ont par ailleurs été interpellés par la police pour avoir affiché des comportements "répréhensibles" pendant un deuil. Ainsi un groupe de jeunes qui lançaient des chansons obscènes et autres provocations à l'endroit des forces de l'ordre dans un quartier de la cité a été emmené sans ménagement par la police, selon un journaliste de l'AFP.

Plus tard dans l'après-midi, le corps du défunt a été, moment d'intense d'émotion pour la foule kinoise, déposé dans sa dernière demeure, un mausolée aménagé devant le palais de la Nation, bâtiment qui symbolise l'histoire du Congo.

Le mausolée se trouve sous le socle où s'élevait pendant la période coloniale une statue du roi des Belges Léopold II, qui avait pris possession du pays en 1885.

Siège du pouvoir colonial belge, l'indépendance du Congo avait été proclamée le 30 juin 1960 dans ce lieu. Le premier Premier ministre du Congo indépendant, Patrice Lumumba, y avait prononcé un discours passé à la postérité dans lequel il affirmait sa foi dans le nationalisme africain.

Laurent-Désiré Kabila se réclamait de l'héritage de Lumumba, assassiné le 17 janvier 1961, alors que le Congo était déjà déchiré par des rébellions.


Les obsèques de Laurent-Désiré Kabila célébrées à Kinshasa --par Tim Sullivan

(AP, KINSHASA, mardi 23 janvier 2001, 17h55)

Une semaine après l'assassinat de Laurent-Désiré Kabila, les habitants de Kinshasa ont rendu un dernier hommage mardi à l'ancien président de la République démocratique du Congo (RDC), dont le cercueil a été transporté dans les rues de la capitale avant d'être placé dans un mausolée de marbre blanc au Palais de la Nation.

Joseph Kabila, rapidement nommé président à la place de son père, affichait un air sombre tout au long de la cérémonie qui s'est déroulée dans un premier temps au Palais du Peuple, regardant silencieusement des dizaines de dignitaires s'incliner devant le cercueil blanc et or qui était exposé depuis deux jours. Il a échangé seulement quelques mots avec les chefs d'Etat présents aux funérailles nationales. Des couronnes de fleurs mesurant parfois un mètre de haut avaient été déposées devant le cercueil.

Le nouveau président congolais, qui avait troqué son uniforme militaire contre des vêtements civils et sombres, ne s'est pas exprimé pendant la cérémonie. Mais d'autres proches de M. Kabila ont qualifié l'ancien chef de l'Etat de héros de l'histoire du Congo qui a renversé l'ancien dictateur Mobutu Sese Seko.

''Il est vrai que la disparition de Laurent-Désiré Kabila est un événement douloureux'', a déclaré le ministre de l'Intérieur Gaëtan Kakudji, qui s'exprimait dans un Palais du Peuple sous haute surveillance militaire. ''Mais si nous y pensons bien, nous comprendrons qu'il a accompli sa mission en reprenant le pouvoir confisqué pendant des décennies et en le rendant au peuple''.

Au cours de la cérémonie religieuse, où se mêlaient des prières chrétiennes et musulmanes, le cardinal de Kinshasa, Mgr Frédéric Etsou, a lancé un appel en faveur de la paix. ''Arrêtons la guerre'', a-t-il dit. ''Nous sommes tous frères et soeurs (...) Réconcilions-nous pour sauver notre nation''.

Plusieurs chefs d'Etat africains assistaient à la cérémonie, qui s'est déroulée en présence de quelque 500 dignitaires. Les présidents du Zimbabwe, de l'Angola et de Namibie -les principaux alliés du Congo-Kinshasa- avaient fait le déplacement pour assister aux funérailles. Mais les dirigeants du Rwanda et de l'Ouganda, qui soutiennent les factions rebelles, avaient été priés de ne pas venir.

Plusieurs milliers de personnes se pressaient contre des barrières devant le Palais du Peuple, sous haute surveillance de soldats armés. Dans la foule, le sentiment anti-occidental était élevé. ''Nous savons tous que l'Occident est derrière cet assassinat'', résumait un homme qui a requis l'anonymat.

Quelques heures auparavant, une messe en la mémoire du président assassiné avait été célébrée en la cathédrale Saint-Pierre et Saint-Paul de Lubumbashi, la ville dont il était originaire. L'armée et la police quadrillaient cette ville du Katanga (sud-est) dont les rues étaient quasiment désertes.

Au même moment, le ministre belge des Affaires étrangères Louis Michel rencontrait dans la capitale congolaise Joseph Kabila, l'exhortant de mettre en oeuvre complètement l'accord de paix signé à Lusaka en 1999 qui avait pour but de mettre un terme à une guerre civile qui dure depuis plus de deux ans dans le pays. ''Il était très attentif et très intéressé par ce que j'ai dit'', a déclaré M. Michel.

Son homologue congolais Léonard She Okintundu, qui a également rencontré M. Michel, a souligné que la première priorité du nouveau gouvernement était de ''trouver un moyen pour sortir'' de la guerre, qui a fait des milliers de morts et détruit l'économie du pays.

La raison de l'assassinat de Laurent-Désiré Kabila reste une énigme. Elle pourrait être l'oeuvre d'un homme seul, son garde du corps, mais ce dernier pourrait aussi avoir agi pour le compte de proches de l'ancien président congolais voulant prendre le pouvoir ou pour des factions rebelles. Le gouvernement s'en tient pour l'instant à la version d'un homme qui aurait agi seul. Le garde du corps, qui a lui-même été tué, a emporté son secret dans sa tombe.

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