Des dizaines de milliers de personnes autour du "carré des martyrs"

Des dizaines de milliers de personnes, 80.000 selon le Rassemblement des républicains (RDR) d'Alassane Ouattara, ont assisté dimanche à l'inhumation dans un "carré des martyrs" d'une trentaine de victimes des violences qui ont suivi l'élection présidentielle du 22 octobre.

Le cimetière de Williamsville, le plus vaste d'Abidjan, était rempli de partisans du RDR venus assister à cet enterrement auquel M. Ouattara a participé ainsi que plusieurs membres de la direction du parti.

Depuis tôt dimanche matin, des milliers de personnes, habillées de blanc, ont attendu sous le soleil et dans la poussière, les trente cercueils amenés par une vingtaine de corbillard depuis le funérarium où s'était déroulé dans la matinée la levée de corps.

Ils ont été enterrés dans une tombe collective de 14 mètres de long, 10 de large et 1,50 mètres de profondeur appelée "carré des martyrs".

Les trente corps inhumés font partie des personnes tuées le jeudi 26 octobre alors que les militants du RDR avaient organisé une manifestation pour réclamer une nouvelle élection, M. Ouattara ayant été écarté du scrutin du 22 octobre par la cour suprême qui avait jugé ses ascendances ivoiriennes douteuses.

Cette manifestation, qui s'est soldée par des dizaines de morts lors d'affrontement avec les militants du Front populaire ivoirien, (FPI) du président Laurent Gbagbo, soutenus par les forces de l'ordre, s'était déroulée au lendemain d'un vaste soulèvement populaire qui a contraint le 24 octobre le chef de la junte, le général Robert Gueï, auto-proclamé président, à abandonner le pouvoir.

En tout, au moins 171 personnes selon un bilan officiel ont trouvé la mort entre le 24 et le 27 octobre.

"Les vrais martyrs sont dans notre camp. Le peuple aussi. Regardez cette mobilisation", s'enflamme un des participants, Abou Bakayoko, interrogé par l'AFP.

"Jamais nous n'oublierons ce que les gendarmes et les militants de Gbagbo ont fait. Je vais pleurer nos morts jusqu'à la fin de mes jours", dit Mariam Diabagaté.

"Nous ne pouvons jamais pardonner, la première fois, ils nous ont pris par surprise et ils ont tué nos frères, mais maintenant nous sommes prêts" lance, furieux, Ousmane Sanogo.

"Ils parlent de réconciliation. Mais au cours de son discours au stade Laurent Gbagbo a insulté tout le monde. Où est donc la réconciliation ?" s'interroge Balaké Diomandé.

Le gouvernement avait a organisé jeudi une journée nationale de deuil en hommage aux "martyrs de la démocratie" au cours de laquelle M. Ouattara a été hué par la foule.

Le président Laurent Gbagbo avait estimé que "la folie qui a jeté les jeunes dans les rues après la prestation de serment est la même folie que celle qui a fait tirer sur les jeunes avant la prestation de serment".

Le gouvernement, qui a annoncé la prise en charge des blessés et des obsèques, a mis en place un comité de réconciliation, composé de religieux, universitaires et figures politiques du pays d'horizon divers.

Henriette Diabaté, secrétaire générale du RDR, a déclaré lors de la levée de corps qu'il n'y aurait "pas de réconciliation dans la haine, pas de réconciliation sans justice".

Plusieurs enquêtes sur les événements du 24 au 27 octobre ont été ouvertes par la justice.

"Il ne peut y avoir de réconciliation durable que si chaque Ivoirien se sent intégré qu'il soit habillé de pagne ou de boubou, qu'il prie Mahommet ou Jésus", a-t-elle poursuivi.

"Celui qui a tiré pour décimer des manifestants pacifiques au lieu de les encadrer et de les protéger, n'est ce pas celui-là le vrai fautif ? La mission des forces de l'ordre est-elle d'exterminer une communauté ? Il est trop facile de prendre la victime pour le bourreau", avait-elle ajouté.

(AFP, Abidjan, 12 novembre 2000 - 16h45)


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