Robert Guéï tué dans une tentative de putsch où périt une vingtaine de personnes

ABIDJAN (Reuters), jeudi 19 septembre 2002, 19h54 - Une tentative de coup d'Etat, selon les termes de la télévision nationale ivoirienne, est en cours en Côte d'Ivoire, alors même que le président Laurent Gbagbo se trouve en visite à Rome.

Les autorités ont repris le contrôle de la situation en Côte d'Ivoire, où seules quelques poches de résistance subsistent des mutineries qui ont éclaté en début de journée, a affirmé le ministre de la Défense Moïse Lida Kouassi.

"Je peux vous assurer, chers compatriotes, que depuis six heures ce matin, l'armée a maitrisé la situation (...) Toutes les forces armées sont en action", a-t-il déclaré à la télévision nationale.

"La situation générale à Abidjan est sous contrôle. La situation dans les quatre régions militaires est sous contrôle. Il y a encore quelques petites poches de résistance à Bouaké et Korhogo. Mais ça n'est plus qu'une question d'heures et nous arriverons à maîtriser toute la situation avec toute l'armée et avec toute la gendarmerie", a-t-il ajouté.

La télévision nationale ivoirienne, la RTI, assure que la tentative de coup de force a été déjouée, mais d'autres sources parlent d'une colonne de mutins faisant route de Bouaké vers Abidjan, signe que la situation serait loin d'être réglée.

L'ancien chef de la junte Robert Gueï et le ministre de l'Intérieur Emile Boga Doudou ont péri dans les fusillades qui, selon une source militaire, ont fait au moins vingt morts.

"C'est effectivement une tentative de coup d'Etat (...). Rassurez-vous, les forces de l'ordre contrôlent la situation maintenant", a assuré la télévision ivoirienne, précisant que le ministre de la Défense, Moise Lida Kouassi, devait faire une déclaration sous peu.

De source militaire en Côte d'Ivoire, on déclarait cependant que les mutins, qui contrôlent toujours la deuxième ville du pays, Bouaké, dépêchaient actuellement des renforts en direction d'Abidjan, dont les troupes régulières semblent avoir repris le contrôle. "Un groupe de mutins a quitté Bouaké en direction d'Abidjan, et vient de traverser (la capitale politique) Yamoussoukro", a-t-on déclaré à Reuters de source militaire. Yamoussoukro est distante de 250 km d'Abidjan.

A Rome, Laurent Gbagbo n'a pas exclu de demander l'aide militaire de la France, qui stationne des troupes en Côte d'Ivoire, afin de mettre fin aux combats en cours.

Mais le ministère français de la Défense a fait savoir qu'il n'avait pas connaissance d'une demande d'aide militaire de la Côte d'Ivoire et que les 560 soldats français stationnés près d'Abidjan étaient restés dans leurs casernes.

"Nous n'avons pas connaissance d'une demande d'aide", a dit un porte-parole du ministère.

A Paris, on déclarait de source militaire que l'aéroport, situé dans le quartier de Port-Boué, où se trouve la base de l'armée française, semblait être toujours aux mains des mutins.

"J'ai l'impression que la situation est plutôt sous contrôle dans la capitale (économique) mais il y a le problème de l'aéroport qui ne semble pas réglé", indiquait-on. "C'est un endroit qui peut être tenu par un nombre limité de gens", ajoutait-on.

EQUILIBRE POLITIQUE CES DERNIERS MOIS

La France a pris des dispositions pour protéger ses ressortissants en Côte d'Ivoire. Air France a annulé son vol à destination d'Abidjan qui devait décoller à 11h55 GMT. Les écoles françaises d'Abidjan ont été fermées.

Les fusillades ont débuté vers 04h00 locales à Abidjan mais aussi à Bouaké, deuxième ville du pays, et à Korhogo, ville du nord du pays, non loin de la frontière avec le Burkina Faso.

Le Premier ministre ivoirien, Affi N'Guessan, ainsi que l'entourage de Gbagbo à Rome, ont tout d'abord déclaré à Reuters qu'il ne s'agissait pas d'une tentative de putsch mais d'une mutinerie émanant d'éléments de l'armée refusant leur démobilisation. "Ces soldats exigent leur réintégration dans l'armée. Ce groupe est fort de 750 hommes", déclarait le Premier ministre, ajoutant qu'il était difficile d'identifier les chefs avec lesquels il était possible de négocier.

La Côte d'Ivoire, sujette à des troubles politiques depuis le putsch de Noël 1999 qui avait porté Gueï au pouvoir, avait retrouvé un certain équilibre politique ces derniers mois, conforté par la décision de Laurent Gbagbo d'inclure des représentants du principal parti d'opposition de l'ancien Premier ministre Alassane Ouattara dans son gouvernement en août.

Ces troubles ont eu pour conséquence de pousser à un plus haut de 16 ans le marché à terme londonien du cacao, qui fait référence en la matière. Le contrat LIFFE mars a ouvert au-dessus de la barre des 1.500 livres la tonne, atteignant les 1.505 livres (2.337 dollars). De source industrielle en Côte d'Ivoire, on explique que les exportations ne devraient pas être sérieusement affectées par cette hausse.


Mutinerie de militaires en côte d'Ivoire ou remake du coup d'Etat de 1999 ? (19 septembre 2002)