Alternance : Abdoulaye WADE, le vieux lutteur, devient le tombeur historique du Parti socialiste sénégalais depuis 40 ans au pouvoir

 

1 - L'alternance s'impose à Abdou Diouf et le Parti socialiste sénégalais
2 - Abdou Diouf salue sportivement la victoire de Abdoulaye Wade
3 - Sénégal : Abdoulaye Wade proclamé vainqueur de la présidentielle par la Cour d'Appel

1 - L'alternance s'impose à Abdou Diouf et le Parti socialiste sénégalais

Une page de l'histoire du Sénégal s'est tournée avec la défaite présidentielle d'Abdou Diouf, considéré comme l'un des derniers sages du continent africain, face à son éternel rival Abdoulaye Wade.
Le président sortant a téléphoné lundi matin à son adversaire pour le féliciter. Dans un télégramme lu à la radio, il lui a ensuite adressé "ses vœux de succès dans cette mission noble et exaltante au service du peuple sénégalais tout entier". L'information, reprise par les radios indépendantes, a instantanément provoqué une explosion de joie dans la capitale.
A 74 ans, l'éternel opposant a enfin touché au but. Les électeurs ont rejeté un régime usé par quarante ans de pouvoir dans un pays appauvri, où tous réclamaient le changement, où mieux l'alternance politique. Ce résultat apparaît aussi comme le triomphe de la démocratie sur ce continent, dans un pays dominé par un Parti Socialiste puissant et qui se voulait la "vitrine démocratique de l'Afrique". Au Sénégal, la démocratie existe et les électeurs l'ont montré dimanche dans un scrutin qui semble avoir été transparent.

(AFP, Dakar - 20 mars 2000, 14h05)

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2 - Abdou Diouf salue sportivement la victoire de Abdoulaye Wade

DAKAR (Reuters) - Après une trentaine d'années de pouvoir, d'abord comme Premier ministre de Léopold Sédar Senghor puis, depuis 1981, comme président sans cesse réélu, Abdou Diouf, 64 ans, s'est finalement sportivement incliné devant le plus vieil opposant au régime, Me Abdoualye Wade, 73 ans.
Au deuxième tour des élections présidentielles, le Sénégal, qui fait exception en Afrique pour n'avoir connu aucun coup d'Etat, a mis fin du même coup au singulier paradoxe d'être une démocratie pluraliste incapable de produire l'alternance.
Dès dimanche soir, alors que les résultats des villes ne laissaient aucun doute sur la victoire de Wade, la foule des partisans du "sopi" (changement en wolof) s'était massée devant sa résidence dakaroise pour acclamer sa victoire après 40 ans de lutte contre le monopole du Parti socialiste.
"Ce qui paraissait impossible est arrivé. Il est minuit, ce système est mort. C'est une autre Sénégal qui commence aujourd'hui". Mais, du côté de la présidence et du PS on se raccrochait encore à l'improbable espoir que les résultats des campagnes inverseraient ceux des urnes.
Douze heures plus tard, Abdou Diouf a reconnu le désaveu des urnes au terme d'un scrutin dont les observateurs étrangers ont jugé le déroulement globalement normal et honnête. Le perdant a "chaleureusement félicité" Wade par téléphone, a annoncé la présidence.
Wade avait annoncé que toute contestation de sa victoire pourrait faire sortir la population dans la rue, voire décider l'armée à agir, mais Diouf a promis de se plier au verdict des urnes.
Diouf, qui se jugeait capable de répondre lui-même au désir de changement, aura donc brigué un mandat de trop, mais, a-t-il dit, "la chose la plus importante pour moi, c'est que le Sénégal montre au monde qu'il est un pays démocratique, un pays où la loi est observée et les droits de l'Homme sont respectés".
Arrivé en tête au premier tour avec 41,30% des suffrages, contre 31,01% à son éternel rival, il aurait pu espérer en la victoire si, à une exception près, les autres candidats et partis d'opposition ne s'étaient ligués contre lui, à commencer par son ex-ministre des Affaires étrangères Moustapha Niasse, arrivé troisième avec 16,77%.
Ce transfuge du PS a appelé à voter Wade après s'être vu promettre par celui-ci le poste de Premier ministre.
Chef du Parti démocratique sénégalais (PDS), Wade est un partisan des privatisations et de la dérégulation de l'économie, soit du démantèlement du quasi Parti-Etat auquel il impute la pauvreté dans laquelle son pays continue à se débattre en dépit d'une économie qui fonctionne.
Si Wade a été associé au gouvernement à deux occasions, en 1991 et 1995, il s'en est retiré de lui-même les deux fois, jugeant ne pas pouvoir concilier ses critiques de la méthode de gouvernement du PS de Diouf avec ses responsabilités ministérielles.
Auparavant, Wade avait connu aussi la prison, pour incitation à l'insurrection après les émeutes qui avaient suivi la réélection contestée de Diouf en 1988.
Condamné à un an de prison avec sursis, il avait été amnistié par Diouf mais avait perdu son siège de député.
Marié à une Française, dont il a eu deux enfants, Wade est, comme Diouf, originaire du nord du Sénégal. Il est né le 29 mai 1926 à Saint-Louis, alors centre de l'administration coloniale de l'Afrique occidentale française. Il a fait toutes ses études en France et possède de multiples diplômes de droit, économie, lettres, mathématiques et physique.

(Reuters, Dakar - lundi 20 mars 2000, 14 h15)

NB : L'estimation faite à partir d'une population test et les premiers décomptes, donnent 60% des voix à Abdoulaye Wade. Ce qui peut encore évoluer en hausse. La fête a déjà commencé dans tout le pays y compris à l'étranger.

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3 - Sénégal : Abdoulaye Wade proclamé vainqueur de la présidentielle par la Cour d'Appel

La Cour d'Appel a rendu public mercredi 22 mars les résultats provisoires du scrutin avec 58,50% des voix pour Abdoulaye Wade contre 41,50% des suffrages pour Abdou Diouf.
La victoire d'Abdoulaye Wade met ainsi fin à la présence ininterrompue du Parti socialiste sénégalais depuis l'indépendance, en 1960.

La cérémonie de prestation de serment du nouveau président est fixée au 1er avril prochain.

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