Des Nigérians rapatriés de Libye marqués par des histoires d'horreur

Des centaines de Nigérians expulsés ou contraints de fuir la Libye et rapatriés au Nigeria lundi, reviennent dans leur pays avec des histoires horribles de violences commises par des Libyens contre des travailleurs immigrés Noirs africains.

Un nouveau contingent de 425 Nigérians a été rapatrié à Lagos lundi dans la matinée, portant à plus de 4.500 le nombre de rapatriés vers ce pays depuis la semaine dernière, a-t-on appris de source aéroportuaire à Lagos.

L'avion des Emirats arabes unis affrêté par le gouvernement libyen pour rapatrier les Nigérians est immédiatement reparti pour Tripoli et il était attendu lundi en fin de journée au Nigeria, a précisé un responsable chargé du contrôle aérien.

La semaine dernière, le gouvernement libyen avait commencé à procéder à l'expulsion, par avion, de centaines de travailleurs immigrés ressortissants du Nigeria, du Soudan, du Tchad, du Ghana et de d'autres pays d'Afrique de l'Ouest.

Depuis la fin du mois d'août, des milliers d'immigrés d'Afrique noire vivant en Libye, victimes d'un phénomène de rejet de la part des Libyens, sont la cible d'attaques racistes qui auraient fait, selon les rapatriés, plus de 130 morts.

Kingsley Chibundu, un ouvrier arrivé au Nigeria ce week-end, a expliqué que les troubles avaient commencé le 1er septembre à la suite d'un discours prononcé par le numéro un libyen Mouammar Kadhafi au cours duquel il aurait appelé à ce que davantage de Noirs africains viennent dans son pays.

Depuis cinq ans, le nombre de travailleurs immigrés originaires d'Afrique noire a considérablement augmenté, suite à la décision prise par Kadhafi d'assouplir les lois sur l'immigration. Il a atteint environ un million, pour une population de six millions de Libyens.

M. Chibundu a raconté qu'il avait été contraint de quitter son domicile le 1er septembre, qu'il avait perdu ses biens et avait été témoin du meurtre de son meilleur ami en Libye. "Nous avons découvert son corps à la morgue trois jours plus tard", a-t-il précisé.

Les Nigérians ont été transportés par la police libyenne dans un camp où ils ont été de nouveau attaqués, a ajouté M. Chibundu.

L'ambassade du Nigeria a également été attaquée et des cassettes d'images de cet incident, filmées par des Nigérians, ont été confisquées par la police libyenne. Un grand nombre de Nigérians ont ensuite été transportés dans vingt bus vers une école militaire près de Saladin, d'où ils ont été emmenés vers une base aérienne et expulsés en avion hors du pays, a-t-il témoigné.

"J'ai tout perdu, sauf les vêtements que je porte", a affirmé M. Chibundu.

Une autre rapatriée, Ifeoma Okoye, qui tenait un restaurant à Tripoli où elle vivait depuis trois ans, a raconté qu'elle connaissait 50 personnes qui avaient été tuées, la plupart dans le village de Zaura. Elle a indiqué qu'elle avait perdu 15.000 dollars dans ces violences.

Austin Chukwuemeka, un mécanicien, a expliqué qu'il avait perdu contact avec sa femme et son enfant dans les violences avant d'être rapatrié dimanche.

Des rapatriés ont également répété l'information selon laquelle Kadhafi aurait aurait donné de l'argent aux gouvernements des pays d'Afrique noire pour indemniser les rapatriés.

Parmi les arrivants, certains portent des cicatrices qui, selon eux, seraient dues aux affrontement avec les Libyens. Emeka Nwankwo, 26 ans, soudeur qui vivait à Tripoli depuis deux ans, a affirmé à un journaliste de l'AFP lors de son arrivée le 6 octobre que l'un de ses amis les plus proches en Libye a eu les yeux énucléés par les assaillants qui ont pillé et incendié sa maison.

La plupart des rapatriés insistent sur le fait qu'ils sont entrés en Libye légalement, qu'ils n'ont rien fait de mal et qu'ils ont été régulièrement la cible de violences racistes de la part des Libyens.

Les Nigérians ont fait part de leur colère contre le gouvernement nigérian, qui selon eux, ne les a pas assez soutenus.

L'ambassade de Libye et des responsables du gouvernement nigérian se sont refusés lundi à commenter ces informations.

(AFP, Lagos Nigéria - lundi 09 octobre 2000 - 18h32)


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