Au coeur de la forêt, le rêve pétrolier tchadien en chantier

"Nous avons trop souffert des troubles de la rébellion, avec le pétrole, nos enfants vivront enfin dans la stabilité et la prospérité", a déclaré jeudi un vieux paysan tchadien des alentours de Komé, à quelques 400 kilomètres au sud de la capitale, N'Djamena,

C'est là, sur un vaste chantier au sol rougeâtre, conquis à coups de bulldozers sur la forêt équatoriale, qu'a commencé mercredi à prendre corps le rêve pétrolier tchadien.

Ce rêve est né il y a trente ans lorsque de l'or noir a été découvert dans le sous-sol de ce pays parmi les plus pauvres de l'Afrique sub-saharienne, déchiré par les appétits des chefs de guerre du désert du Tibesti, à l'extrême opposé du pays.

Mercredi, les habitants de la localité voisine de Doba se sont déplacés en nombre pour assister à la pose de la première pierre d'un chantier pharaonique par les présidents tchadien Idriss Deby et camerounais Paul Biya.

Pour que ce rêve devienne réalité, il faudra d'abord construire un oléoduc long de 1.050 kilomètres entre Komé et le terminal camerounais de Kribi, sur l'Atlantique. Pas avant 2003, selon le consortium (Esso-Chevron-Pétronas) chargé d'exploiter le brut tchadien.

Les échos du son et lumières et des danses folkloriques de l'inauguration se sont estompés pour laisser place aux travaux qui devraient vraiment débuter en fin d'année. Pour l'heure, Komé offre le spectacle d'une vaste friche industrielle en gestation.

Les ouvriers tchadiens et leurs cadres américains ont pris leurs quartiers dans des dizaines de containers climatisés, posés à même la latérite, au coeur de cette jungle commune à celle de la Centrafrique voisine.

Les planteurs locaux viennent proposer manioc, mil ou arachides aux hommes du chantier, sous l'oeil de vigiles privés en uniformes. De larges paraboles diffusent les images télévisées du monde entier.

En lieu est place du terrain provisoire qui a vu atterrir la délégation officielle de N'Djamena, il y aura bientôt une piste de 3.200 m pour accueillir des avions gros porteurs.

Pas moins de 315 puits seront creusés pour pomper les réserves du bassin pétrolifère de Doba, estimées à 25 ans de production avec des pointes de 225. 000 barils/jour.

Selon les estimations de la Banque mondiale, le Tchad peut en attendre des revenus de 2 milliards de dollars US. Une manne longtemps attendue pour ce pays d'élevage et de culture du coton rongé par la désertification.

Le projet doit générer 3.000 à 4.000 emplois, avec une priorité accordée aux populations de la région. En plus de l'oléoduc, il faudra aménager des routes, des ponts, bitumer certains axes.

Un plan de compensation et de réinstallation a été mis en place au profit des personnes à déplacer. Vingt-six des 150 familles concernées en ont déjà bénéficié.

Près de Komé, certains ont flairé l'aubaine. On a défriché à la machette. Des villages ont poussé au milieu d'une nature hostile.

Les critiques de projet par les associations de défense de l'environnement et l'opposition radicale au régime ne sont plus de mise.

"Enfin avec le pétrole, une ère de bonheur de prospérité s'ouvre à nous", veut croire un enseignant de Doba, relayant les prédictions optimistes du président camerounais selon qui "le Tchad sera la locomotive du développement de la sous-région d'Afrique Centrale".

"Le monde regarde cette expérience de près", avait nuancé mercredi le vice-président de la Banque mondiale pour la région Afrique, Callisto Madavo, espérant "que nous transformions ce qui était une controverse en un modèle de réalisation intelligente et transparente".

(AFP, KOME (Tchad), jeudi 19 octobre 2000 - 16h20)


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