Les rapatriés Tchadiens de Libye tentent d'oublier leur cauchemar et reprendre une vie ordinaire

(Un reportage du correspondant de l'AFP à N'Djamena)

"Dieu merci, on est chez nous et on s'occupe bien de nous": assis en petits groupes sous les arbres de la cour de l'école de police de N'Djamena, les Tchadiens rapatriés mardi et mercredi de Tripoli évoquent leur calvaire libyen aux amis et autres visiteurs.

Sur ces 800 rapatriés, principalement des femmes et des enfants ayant fuit les flambées de violences xénophobes en Libye, nombre d'entre eux ont déjà rejoint leurs familles, a indiqué à l'AFP un membre du comité chargé de gérer leur rapatriement.

Les autres ont été accueillis à l'école de police en attendant d'être acheminés dans leur région d'origine, a-t-il ajouté.

Des milliers d'Africains fuient ou sont expulsés de Libye depuis le mois de septembre, victimes de massacres et de pogroms de la part des compatriotes du colonel Kadhafi, pourtant chantre de l'unité africaine.

Pour le Nigeria, ils sont déjà 6.000 à avoir été expulsés par la Libye et leur nombre total pourrait s'élever à 10.000. Près de 3.000 Nigériens ont regagné leur pays, alors que 900 Tchadiens, 240 Ghanéens et une centaine de Soudanais ont fait de même.

Selon des témoignages de rescapés, plus de 130 immigrés auraient été tués au cours de ces violences qui se poursuivent actuellement malgré la récente annonce d'une enquête sur ces "accrochages" par les autorités libyennes.

Dans la cour de l'école de police de N'Djamena, de jeunes enfants insouciants jouent au ballon tandis que d'autres chassent les criquets.

De leur côté, les femmes, le regard triste, n'ont pas encore oublié le cauchemar qu'elles ont vécu ces dernières semaines. L'air las, regroupées autour des foyers improvisés pour leur permettre de préparer les repas, elles évoquent entre elles les "souffrances endurées par tous les Africains".

Là-bas, dans ce pays où ils étaient installés depuis plusieurs années, les Tchadiens ont abandonné tous leurs biens. La plupart se demandent "comment, dans un pays qui se dit musulman, on égorge les gens" et "qui va nous payer tout ce que nous avons perdu là-bas ?"

Devant la détresse de ces réfugiés, le gouvernement tchadien a pris comme première mesure d'urgence l'octroi à chacun d'une somme de 1.000 francs CFA (10 FF) par jour pour les repas. Une équipe médicale passe chaque matin à l'école pour soigner les éventuels malades et les réconforter.

Le gouvernement a également annoncé qu'il allait procéder prochainement au processus de dédommagement des rapatriés tout en rappelant que les Libyens avaient pris l'engagement de d'indamniser eux-même les rapatriés.

Plus de 7.000 Tchadiens, actuellement regroupés dans des camps libyens, sont encore candidats au retour qui pourrait se faire maintenant par la route, selon N'Djamena.

Un comité de crise chargé de gérer ces rapatriements a été mis en place récemment par le gouvernement et des membres de ce comité sont arrivés mercredi à Abéché, à l'est du pays, pour accueillir les prochains arrivants.

Selon une source officielle interrogée par l'AFP, les violences en Libye ont fait 12 morts et 80 disparus parmi les Tchadiens. Un premier bilan, le 4 octobre, avait fait état de trois morts.

Environ 500.000 Tchadiens vivent en Libye où ils fournissent essentiellement de la main d'oeuvre bon marché aux entreprises libyennes

(AFP, N'Djamena, 27 octobre 2000 - 9h38)


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