Toumaï : notre plus vieil ancêtre, selon le Pr Brunet - par Christian Panvert

AP, Poitiers (France), 12 juillet 2002 20h09 - Devant plus de 300 personnalités du monde de la recherche, des élus politiques locaux et une trentaine de journalistes représentant la presse française et étrangère, le professeur Michel Brunet a confirmé qu'il était certain que les restes qu'il a exhumés au Tchad étaient ceux d'un hominidé vieux de sept millions d'années.

Le chercheur a brandi fièrement une réplique du crâne devant les caméras de télévision avant de le ranger à l'abri des regards.

Ce crâne trouvé en juillet 2001 par Ahounta Djimdoumalbaye de l'université de N'djamena a tout de suite reçu le nom de Toumaï (»espoir de vie» en langue goran). C'est le nom que les habitants du désert du Djourab, lieu de sa découverte, à 800km au nord de la capitale tchadienne, donnent aux enfants nés avant la saison sèche.

L'analyse du crâne a montré qu'il s'agit d'un nouveau genre, d'une nouvelle espèce, en résumé d'un nouveau doyen de l'humanité. Deux fragments de mâchoire et trois dents avaient également été mis au jour il y a un an par la Mission paléoanthropologique franco-tchadienne conduite par Michel Brunet.

Mais l'absence de restes des membres de Toumaï ne permet pas d'affirmer à ce jour que celui-ci était bipède, même si l'analyse de la face et de la base du crâne conforte cette hypothèse.

«Toumaï possède des caractères qui permettent de marquer son appartenance au rameau humain et de le distinguer des grands singes africains actuels (gorilles et chimpanzés) mais aussi de le considérer comme proche du dernier ancêtre commun aux chimpanzés et aux humains», a souligné Michel Brunet. Ce crâne, qui date de près de sept millions d'années suggère donc que l'homme et le singe se seraient quittés plus tôt que prévu.

Le Pr Brunet a affirmé que Toumaï n'était pas un singe contrairement à ce que certains, notamment Brigitte Senut du Muséum national d'histoire naturelle à Paris, ont estimé. «Ca ne peut pas être un singe. Il y a chez Toumaï un bourrelet sus-orbitaire qui n'est pas un bourrelet de singe car chez les singes il existe une dépression sus-orbitaire que n'existe pas chez Toumaï», a expliqué le paléontologue.

En outre «chez Toumaï, la canine est toute petite par rapport à celles des singes. Ses canines, à l'instar de celles des humains, sont à la hauteur des autres dents, alors que chez les singes elles s'emboîtent.»

Toumaï bouscule enfin une thèse établie par le célèbre paléo-anthropologue Yves Coppens, du Collège de France, selon laquelle la formation de la vallée du Rift il y a huit millions d'années a permis, en partageant le continent africain, aux humains de se développer dans les savanes de l'est et aux grands singes de perdurer à l'ouest de la vallée, dans la forêt.

«Ca paraît maintenant une évidence», affirme le Pr Brunet, qui s'amuse de l'impact médiatique de sa découverte: «j'ai signé des autographes en descendant de l'avion ce matin (...) je ne suis pas habitué à ce genre de choses. J'avoue être un peu effrayé par toute cette effervescence.»

Il s'agit certainement de la plus importante découverte depuis celle de l'Australopithecus africanus, annoncée par Raymon Dart en 1925.
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