CONSULTATION ACADEMIQUE D’HIVER

SERVICE DES EGLISES EVANGELIQUES EN ALLEMAGNE POUR LE DEVELOPPEMENT

(E.E.D)

Paris, le 10 Décembre 2005

DIASPORA ET  DEVELOPPEMENT

CAS DE FIGURE DES ASSOCIATIONS AFRICAINES EN FRANCE

Présenté par

M. Clotaire SAULET–SURUNGBA

Militant associatif

 Professeur de Sciences Physiques au Lycée Alfred KASTLER de Cergy (95)

Ancien Président de l’Association de la Diaspora Africaine Chrétienne en France (A D A C) 

Président de la « Coordination Action Humanitaire pour le Centrafrique - Coordination AHC »

Président -Fondateur d’EDUCAVENIR

Membre du Conseil d’Administration du Conseil Représentatif des Associations Noires de France (C.R.A.N)

« Je parvins toutefois à dire au roi : Que sa majesté le roi vive à jamais ! Comment pourrais-je ne pas être triste, alors que la ville où mes ancêtres sont enterrés est en ruine et que ses portes ont été incendiées ? » Néhémie 2/3  

« Si l’Eternel ne bâtit la maison, ceux qui la bâtissent travaillent en vain ; Si l’Eternel ne garde la ville, celui qui la garde veille en vain. » Psaume 127/1

 

INTRODUCTION

Tous les jours, des « tsunami artificiels » assaillent les pays d’Afrique Noire francophone sur les plans économique, social, culturel, écologique...Ces « tsunami artificiels » et quelquefois naturels, ont des effets de plus en plus néfastes sur l’existence même des personnes humaines. Selon les terminologies des institutions internationales, ces pays sont poliment qualifiés de pays en voie de développement, de pays très endettés ou de pays sous équipés…Ils doivent faire face à la mondialisation néo-libérale qui s’impose de manière inexorable à tout le monde et aucun état ne peut échapper.


Cette mondialisation est une réalité qu’il faut vivre...Il faut bien la vivre et non la subir en victime résignée...Pauvreté, ravages du SIDA, du paludisme, désertification, chômage des jeunes qui quelquefois, échouent sur les barbelés de fer à Ceuta et Mélilla, tel pourrait être le cliché qu’offrent la plupart des pays d’Afrique noire aujourd’hui...

 

 


« Diaspora et développement, cas de figures des associations africaines en France »  tel est le thème qu’il m’a été demandé de traiter...Je me fais l’agréable devoir de m’acquitter de cette tâche, à ma manière avec vous ce matin. Je n’ai nullement la prétention de livrer ici le meilleur développement de cette thématique, mais je voudrais avec vous, examiner les opportunités que pourraient exploiter la Diaspora africaine pour s’inscrire résolument parmi les acteurs du développement de l’Afrique noire qui semble mourir…Et qui ne mourra pas…

J’avoue d’emblée, pour ma part, que je suis de ceux qui croient que le Christianisme ne peut s’accommoder de la misère, de la pauvreté endémique et structurelle qui mine le continent africain. Et au regard des dividendes des « indépendances » de 1960, je crois fermement que la frange chrétienne et responsable de la Diaspora peut servir de levain aux actions de développement pour peu qu’elle accepte de se lever comme l’enseigne la vie de  plusieurs personnages bibliques.

En effet, le cas de figure de Néhémie qui s’est levé pour la restauration politique, économique et sociale de Jérusalem, l’exemple de Joseph qui, malgré ses démêlés avec ses frères, leur accorda le pardon en Egypte tout en leur venant en aide, ou les exilés juifs qui ont reçu l’autorisation de Cyrus, roi de Perse, pour aller reconstruire le temple de Jérusalem et dont l’histoire nous est contée dans le livre d’Esdras, constituent des appels forts qui ne sauraient laisser indifférents tous ceux et toutes celles qui ont été mis au large, j’allais dire, qui ont été transférés dans les verts pâturages de l’Occident, où malgré tout, si le lait et le miel ne couleraient pas comme on pourrait le souhaiter, mais où la situation est relativement meilleure, comparativement à celle des arriérés de salaires, arriérés de bourse ou arriérés de pension, des classes à effectifs pléthoriques sans matériel didactique, des hôpitaux sans alcool éthylique, sans mercurochrome, sans coton hydrophile, sans matériel médical et où la couverture médicale est la denrée d’une classe sociale donnée...  

Dans cette quête de stratégie de développement, il y a peut être lieu de ne plus continuer à discourir, à chercher des boucs émissaires ou à se poser en victimes résignées. Voilà pourquoi, je voudrais partager avec vous cette réflexion parue dans la presse africaine :

« L’Afrique ne doit plus chercher dans son passé colonial les réponses à ses problèmes, estime l’éditorialiste du quotidien camerounais « Le Messager » du 28 avril 2005. Nous n’avons plus à aller chercher les auteurs de nos souffrances au-delà des mers et à l’ONU. Le diable est sur place, chez nous, et non ailleurs... Il faut donc tout repenser et ne pas craindre de tout casser. Il faudra bien une révolution.... »

Cet éditorial résume largement, quand bien même certains points semblent discutables, la situation des pays d’Afrique noire...J’affirme tout de suite que le passé éclaire le présent et permet de bien aborder l’avenir...

Pour ma part, je voudrais emboucher, dans une certaine mesure, la même trompette que l’éditorialiste du « Le Messager » pour dire, à travers mon intervention, que l’Afrique a besoin de profonds changements dans la société...L’Afrique a besoin d’une démarche qui révolutionne la manière de concevoir les stratégies de son développement. Cette « Révolution » qu’il faut aujourd’hui est la faculté à réagir aux contraintes du monde caractérisée par la mondialisation de l’économie...Il ne s’agit pas d’une « Révolution Nationale Démocratique et Populaire », ni d’une « Révolution Prolétarienne » qui ont été en vogue à un moment donné de l’histoire et qui n’ont fait qu’aggraver des problèmes de développement... La révolution à laquelle j’adhère est celle que Chateaubriand définit en affirmant, je cite : Toute révolution qui n’est pas accomplie dans les mœurs et dans les idées échoue...Car je suis de ceux qui croient fermement que le sous-développement de l’Afrique Noire est et demeure avant tout un sous-développement mental...   

I- VUE SYNOPTIQUE DE L’AFRIQUE NOIRE DE 1960 A NOS JOURS

Au sortir des « indépendances de 1960»,  les anciennes colonies françaises de l’Afrique Occidentale,  de l’Afrique Equatoriale et Madagascar se sont engagés, avec une certaine « indépendance politique », dans la voie du développement et de la formation des cadres. La bipolarisation du monde, avec les deux super puissances américaine et soviétique a eu des effets sur ces cadres... Imbus de théories capitalistes, libérales, marxistes-léninistes et social–impérialistes, ces « nouveaux gouvernants » sont arrivés aux commandes dans les différents pays, anglophones, francophones, lusophones d’Afrique. La Chine Populaire avec le livre rouge de Mao Tsé Toung avait fait des émules parmi ces cadres et au nom de la « théorie des trois mondes », nombre d’intellectuels africains, futurs décideurs politiques dans les différents  pays, se sont convertis au maoïsme...Le Maréchal TITO de Yougoslavie et le président NASSER d’Egypte étaient les chantres d’un « non-alignement »...

Le démantèlement du Mur de Berlin le 09 Novembre 1989 et l’éclatement de l’empire soviétique modifièrent la vision du monde... Et comme le confirme Eric  Le Boucher  dans un article paru dans le « Monde -Dossiers et documents » N° 341 d’avril 2005 : «...Les crédits versés aveuglément au Sud par le Nord pendant la guerre froide, de peur d’un basculement de ces pays dans le communisme, ont fondu depuis la chute du mur de Berlin. »

Il y a quarante ans, les pays d’Asie  avaient pratiquement le même niveau de développement que la plupart des pays africains...Aujourd’hui, l’Asie compte la plupart des pays émergents alors que les pays d’Afrique Noire Francophone, avec ses bataillons de cadres formés qui n’avaient rien à envier à ceux des pays développés, ont emprunté la voie du sous-développement au lieu de se développer...Au point où, aujourd’hui, l’Afrique représente le continent qui n’est que l’appendice du monde sur le plan des échanges internationaux...

Les cadres africains, avec le marxisme-léninisme, le social-impérialisme, le maoïsme et le capitalisme, le libéralisme voire avec le non-alignement ont contribué à faire de l’Afrique un continent où :

-95% des exportations sont constituées par des produits de base,

-1,3% des échanges commerciaux en 2002,

-1,8% des investissements mondiaux en 2002,

-50% de la nourriture sont importées,

-50% des réfugiés et personnes déplacées suite à des conflits,

-2/3 des porteurs de SIDA dans le monde,

-2/3 des pays les moins avancés dans le monde,

-23 000 universitaires et 50 000 cadres supérieurs vont vers les verts pâturages du monde développé chaque année,

-40 000 médecins vivent en dehors du continent et surtout, le poids de la dette qui a placé les pays africains dans une forme « d’esclavage » des temps modernes.

Il est vrai que toute la responsabilité de cet état de fait n’incombe pas entièrement aux seuls intellectuels africains qui ont épousé des théories étrangères aux réalités de leurs pays sans pour autant chercher à trouver des solutions endogènes.

« Beaucoup d’africains aujourd’hui admettent leurs responsabilités et celles de leurs gouvernements, de leurs partenaires extérieurs dans les échecs actuels dus, pour une bonne part, à la mal gouvernance, à notre incapacité à admettre le développement comme un processus culturel, à comprendre la culture comme développement ».

Cette déclaration du Président de la Commission de l’Union Africaine, Alpha OUMAR KONARE définit assez éloquemment les degrés de responsabilité des uns et des autres.

Aujourd’hui, avec le 11 Septembre 2001 et la lutte contre le terrorisme international, la construction des grands ensembles économiques avec l’ Union Européenne, l’assaut de la Chine Populaire sur le marché international alors que l’Union Africaine n’arrive pas trouver ses repères avec un NEPAD, (Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique) conçu en haut lieu sans la participation des populations africaines bat de l’aile, le développement vertigineux des multinationales qui financièrement, mettent à genoux certains états africains par des privatisations « imposées », le développement devient de plus en plus un défi qu’il faut relever...

Ce tableau inquiétant semble être confirmé par « le dernier état du monde » du journaliste Serge MATI paru dans le « Monde – Dossiers et Documents- N° 341- avril 2005 » qui, tout en reconnaissant la croissance exceptionnelle de la Chine (8% en moyenne sur dix ans), 4% aux Etats-Unis, 2% en Europe, n’a eu aucun mot pour évoquer dans le corps de son article, la situation économique de l’Afrique. Et même sur le graphique paru à la une- avec le sous-titre «  l’Europe, entre une Amérique prédominante et une Asie émergente »- la carte de l’Afrique est pratiquement inexistante sinon que la pointe Sud du continent noir avec la ville de Johannesburg ...   

La misère des populations africaines fait que la prise en compte des questions sociales doit être intégrée dans la ré organisation du monde en ce début du XXI ème siècle.

La « Déclaration du Millénaire » adoptée aux Nations Unies en 2000 par la plus grande réunion des Chefs d’Etats et de Gouvernement des pays pauvres et riches, peut nous amener à voir l’avenir sous un angle meilleur, si toutefois des actions concrètes de réduction de la pauvreté sont entreprises. Les dirigeants du monde se sont engagés à faire de leur mieux pour éradiquer la pauvreté, défendre la dignité humaine et l’égalité et parvenir à la paix, à la démocratie et assurer la durabilité des ressources environnementales. Ils ont promis également de s’allier pour remplir des objectifs concrets de nature à faire avancer le développement et à réduire la pauvreté au plus tard en 2015.

L’Afrique Noire francophone, à l’instar des autres continents, s’est donc engagée pour atteindre les Objectifs du Millénaire d’ici en l’an 2015. Ce qui suppose des efforts pour mener une lutte frontale contre :

-l’insuffisance des revenus,

-l’omniprésence de la faim,

-les inégalités sociologiques entre hommes et femmes,

-la dégradation de l’environnement,

-le manque d’instruction, de service de santé et d’eau potable.

Cette lutte prend en compte également des actions à initier pour alléger la dette et augmenter l’aide, les échanges et les transferts de technologies au bénéfice des pays pauvres.

Que faire pour que cette Déclaration ne soit pas des vœux pieux, à l’instar des grandes déclarations du genre « Santé pour tous d’ici à l’an 2000 » alors que le paludisme, le SIDA et les maladies d’origine hydrique continuent, dans les pays du Sud, à décimer les populations encore en ce samedi 10 décembre 2005 ?

En me fondant sur les valeurs qui sous-tendent la Déclaration du Millénaire, à savoir, la liberté, l’égalité, la solidarité, la tolérance, le respect de la nature et le partage des responsabilités et à partir de mon vécu et de la situation d’un pays donné, la République Centrafricaine, je me propose de suggérer ce qu’il conviendrait de faire par la Diaspora, pour que l’Afrique Noire francophone, en cette période de mondialisation, ne demeure pas sur les « gradins du match du développement » ou sur le quai de la gare où le train de la mondialisation embarque tous ceux qui voudraient bien, non seulement prendre le ticket, mais accéder à bord du train avec ou sans place assise...  

II- LA DIASPORA AFRICAINE, MOTEUR DU DEVELOPPEMENT

Dans sa quête pour le développement, l’Afrique noire francophone doit et peut compter sur sa Diaspora. Aujourd’hui, plusieurs études ont montré et les faits démontrent amplement l’importance sociale et économique des fils et filles du continent noir établis dans le monde...

Lors des travaux des troisièmes Rencontres Africaines sur l’Intelligence Economique et le Développement tenues du 27 au 29 Novembre 2003 à Paris, M. BINDE, Sous Directeur Général Adjoint à l’UNESCO a montré comment les «mouvements mondialistes, la Société civile internationale et africaine, peuvent devenir, eux-mêmes une stratégie au service du développement africain. La Société civile est une société citoyenne se construisant dans une relation dialectique à l’Etat et comprenant différents acteurs tels que les individus, les associations, les ONG etc. Or, elle peut être mise au service du développement de diverses façons :

-          en donnant plus de poids à la diaspora Africaine et en reliant ses composantes entre elles et les populations sur place ;

-          en mettant en valeur la capacité d’auto mobilisation de la société civile africaine et en finançant ses initiatives ;

-          en travaillant pour la fondation d’une nouvelle démocratie à travers la mise en réseau des acteurs du développement, de la Société Civile, des institutions du savoir ;

-          en profitant du rôle et de la relation que le secteur privé entretient avec l’Etat ;

-          enfin, en portant plus d’attention au secteur économique de l’association. » 

Ces cinq manières de mise en service au service du développement constituent ce que j’appellerai les cinq règles d’or qui doivent permettre aux associations et porteurs de projet de la Diaspora Africaine de devenir des partenaires incontournables et sûrs pour le développement de l’Afrique Noire...Et toute mon intervention s’articulera autour de ces cinq points qui constituent les conditions à remplir  et que j’appellerai le « Pentagone Stratégique de la Diaspora Africaine »  ou (PSDA) afin que la Diaspora Africaine puisse être impliquée positivement dans le processus du développement.

Le PSDA est déjà en œuvre au niveau de la communauté malienne, au regard de l’implication des autorités maliennes et des citoyens maliens de l’extérieur dans des actions de développement. Ces derniers constituent la référence et leur dynamisme s’est traduit concrètement, non seulement par les envois d’argent, les constructions des centres de santé, d’écoles mais aussi et surtout par leur présence dans les institutions de leur pays. Ainsi, les maliens de l’étranger sont représentés à Bamako au sein du Conseil Economique et Social de la République du Mali.  Et c’est ainsi qu’il faut comprendre que lors des incendies mortels à Paris des 26 et 29 Août 2005 de l’immeuble du boulevard Vincent Auriol dans le XIIIème arrondissement et de celui du quartier du Marais, rue du Roi-Doré dans le IIIème arrondissement, seul le gouvernement du Mali ait envoyé un membre du gouvernement, le ministre en charge des maliens de l’extérieur, venir à Paris s’enquérir le plus officiellement du monde, des causes de ces drames et pour « pleurer avec ceux qui pleurent »...

Cinq ans après la « Déclaration du Millénaire », le constat de la Banque Mondiale et du FMI, le 12 avril 2005 à travers une dépêche de l’AFP, est sans équivoque :

 « L’Afrique reste exclue des progrès en matière de réduction de la pauvreté, même si l’essor de la Chine et de l’Inde permettra au bout du compte de diviser par deux le nombre de pauvres dans le monde, un des objectifs de l’ONU dans le monde...Pour que le continent noir parvienne à diminuer de 50% le nombre de ses pauvres, conformément au premier des Objectifs du Millénaire adoptés par l’ONU en 2000, il lui faudrait au moins dix années de formidable accélération de la croissance économique, soit 7% par an, deux fois le taux actuel...

Toutes les semaines, 200 000 enfants de moins de 5 ans meurent de maladies, 10 000 femmes meurent en couches. Dans la seule Afrique subsaharienne, 2 millions de personnes vont mourir du SIDA cette année et environ 115 millions d’enfants des pays en développement ne sont pas scolarisés...Pour y remédier, il faut que les pays riches doublent leur aide directe dans les 5 ans à venir. Cela représente un effort d’à peine 0,2% du PIB de la plupart des pays riches. Les pays pauvres doivent, eux, faire des efforts notamment pour attirer les investissements privés afin d’accélérer leur croissance économique... »

Ce constat est sans appel et nous interpelle...Les Sociétés Civiles du Nord et du Sud sont interpellées car les questions de développement sont tellement importantes qu’elles ne peuvent être de la compétence exclusive des Etats et des partis politiques...Et le mouvement associatif peut contribuer à cette œuvre...L’action humanitaire ou toute action de protection de l’environnement, d’appui aux systèmes éducatifs et sanitaires africains, de protection des minorités, de promotion de la culture africaine, de lutte contre le SIDA, le paludisme ou les mutilations sexuelles sont autant d’opportunités qui s’offrent à la Diaspora africaine en France, en Europe et dans le monde développé...

En ce qui concerne la France, une enquête réalisée par la SOFRES le 9 mai 2003 révèle que les français, tout en ayant une image négative de l’Afrique, sont toutefois disposés à donner du temps dans des associations au profit de l’Afrique...

Le mouvement associatif apparaît comme un des moyens, voire le moyen qui doit permettre aux membres de la Diaspora Africaine- en France où on compte plus de 900 000 associations- d’investir dans leur pays d’origine sans se mettre dans une quelconque illégalité...

Et je voudrais reprendre ici à mon compte l’intervention du Professeur Gervais DOUBA du mardi 19 avril 2005 devant les étudiants de l’Institut des Sciences Politiques  à Paris sur le thème : «  L’association : chantier d’expertise citoyenne et d’innovation sociale.» Car je suis convaincu que le renforcement des sociétés civiles africaines grâce à l’appui multiforme des sociétés civiles du monde occidental à travers les mouvements associatifs dans lesquels la Diaspora est active, peut devenir une piste porteuse d’espoir pour que la Diaspora Africaine apporte « une valeur ajoutée » particulière à l’action du développement par des acteurs non étatiques.

Le professeur Gervais DOUBA affirmait, en introduction à sa communication, je le cite :

« La fondation d’une association –quelles que soient la forme et le régime juridique ou la taille (fondation, ONG etc.) est l’aboutissement du processus d’une démarche entrepreneuriale : Idée- transformation de l’idée en Projet – métamorphose du projet sociétal en Création et ré – encadrement de la création, en passage à l’acte. Comme le ménage ou la famille est la plus petite cellule des agents économiques voire des institutions politiques et socio économiques, l’association est une des plus petites cellules de la République et de la démocratie.   

Organisation relevant du champ de l’économie sociale et solidaire, l’association ne peut pas ne pas observer les vagues de crises qui secouent les vieux modèles de développement et celles des dispositifs traditionnels de socialisation (famille, école, voisinage)  et qui ont des répercussions dans les pays d’origine des adhérents ou qui compromettent voire handicapent la satisfaction des besoins de proximité. L’association n’est pas le lieu où on s’accommode de la routine...Devant une mondialisation inévitable, il faut choisir de promouvoir la mondialisation par le bas en inventant de nouveaux paradigmes devenus usés, surannés...»

Les opportunités qu’offre le tissu associatif doivent êtres saisies. Comme l’affirme Gervais DOUBA :

« Les associations fondées par les populations issues de l’immigration devraient avoir pour sens et pour portée d’être le creuset du métissage culturel et des canaux voire les agents du CO DEVELOPPEMENT de leur région d’origine et leur région de résidence. Nous entendons par là que la problématique de recherche des outils de lutte contre la pauvreté. Préférer penser la lutte contre la pauvreté à panser les séquelles de la pauvreté. »

Ainsi, les communautés issues de l’immigration, notamment africaines, peuvent participer aux actions de développement par leur implication dans les mouvements associatifs qui déboucheraient sur des actions structurées. L’entrepreunariat social et solidaire, allié au commerce équitable pourraient être une voie à explorer pour peu que l’on maîtrise les réseaux de financement, d’accompagnement de porteurs de projets de développement qui conduiraient à la création d’entreprises du type « sociétés coopératives ouvrières de production (SCOP) ou sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC).

Ces efforts de la Diaspora Africaine ne porteraient pas de fruit si de manière concomitante, aucune politique cohérente de développement et qui prendrait en compte la contribution de la Diaspora, n’est initiée dans les pays africains. En effet,  Gervais DOUBA a eu à juste titre de relever que :

« La lutte contre la pauvreté ne se fait pas à coup de rustine. La pauvreté est multifactorielle et celui qui veut lutter contre la pauvreté à coup de rustine est incapable de la vaincre, tellement l’appétit de la pauvreté est insatiable, c'est-à-dire il finira par être happé par la violence du vent et deviendra aussi pauvre sinon plus pauvre que les bénéficiaires de ses actions ponctuelles. »

L’Association de la Diaspora Africaine Chrétienne en France (ADAC), victime  depuis le 26 Octobre 2005 d’une forme de parricide et de l’échec d’une instrumentalisation éhontée, au-delà de toute considération, peut sous une forme ou une autre, faire participer la frange chrétienne de la Diaspora Africaine à l’action missionnaire et faire de cette Diaspora un atout pour le développement intégral de l’Afrique Noire Francophone.

 La « Déclaration de Cergy-Pontoise » du 20 Février 2005 qui a sanctionné le Premier Congrès de la Diaspora Africaine Chrétienne en France,  demeure un appel pressant pour les « Joseph » et les « Néhémie » de la Diaspora africaine. Sa mise en œuvre par des africains mobilisés collectivement ou individuellement, aujourd’hui ou demain, à travers l’Association des Diasporas Afro - Antillaises Chrétiennes (AD2AC), va participer à une action de développement, tant au niveau des mentalités qu’à celui de la situation sociale, économique, culturelle et politique, non seulement de l’Afrique noire mais également des populations françaises issues de l’immigration africaine.

L’avènement du Conseil Représentatif des Associations Noires de France (C.R.A.N) depuis le Vendredi 25 Novembre 2005 est un signe d’espoir et participe à cette action multiforme...

CONCLUSION

Je pense pour terminer que le Diaspora va devenir une valeur ajoutée exceptionnelle pour le développement   si, au niveau des états africains, une politique volontariste de réintégration systématique est initiée pour favoriser « le retour au pays »...

Je voudrais, enfin  conclure ici en reprenant l’éditorial de M. Mohamed YESSOUFOU SALIOU, Rédacteur en Chef du magazine « Afrique Diagnostic » N° 555 du mois de mai 2005 :

Si quarante-cinq ans après les indépendances, nous en sommes encore au tam-tam alors que les reste du monde est à l’Internet, si les guerres, les conflits inter - ethniques, la misère et les maladies en tout genre continuent de faire rage sur le continent, nous ne pouvons que nous en prendre à nous-mêmes. Cessons donc de chercher partout des boucs émissaires imaginaires. Regardons plutôt la vérité en face, et prenons enfin nos responsabilités.
La cécité et l’incompétence notoire de la majorité de nos dirigeants, la démission de nos cadres intellectuels en mal de reconnaissance, la cupidité des travailleurs de la fonction publique, la corruption galopante qui mine tout le continent, l’absence de repères pour les jeunes qui foulent quotidiennement au pied nos us et coutumes, la paresse qui nous caractérise et surtout notre goût prononcé pour l’argent facile et les délices de la société de consommation , et enfin la démission totale des parents face aux agissements inadmissibles, voire scandaleux des enfants difficiles, sont en réalité les vraies raisons de notre sous-développement.
Continent riche en ressources naturelles (forêts, terres arables, mines, fleuves et océans...) et humaines, l’Afrique ne sortira pas de sa léthargie et de sa paupérisation tant que les Africains ne prendront pas leurs responsabilités. Tant qu’ils ne changeront pas leur fusil d’épaule face aux prédateurs de la mondialisation et aux fossoyeurs de nos économies. C’est une question de vie ou de mort. Nous n’avons pas le choix. » 

Clotaire SAULET –SURUNGBA

Points de vue - sangonet