Tiga, sur la vague

Fine et élancée, surmontée d’une tignasse savamment ébouriffée : dans la rue ou sur un plateau de télévision, impossible de rater Tiga, présentatrice de choc sur France Ô. De plus près, visage lisse, nez retroussé et yeux rieurs achèvent de séduire, mais il ne faut pas s’y tromper. Lorsqu’elle évoque son pays natal, la République centrafricaine, le regard se durcit, les mots sont mûrement choisis. Sophie Alladoum Tiga Ducasse n’a pas choisi au hasard d’utiliser son troisième prénom, Tiga, « la révolutionnaire » dans sa langue natale, le sango.

Ce top-model, qui fut plusieurs années égérie de Courrèges et mannequin cabine d’Azzedine Alaïa – elle continue d’ailleurs de défiler quand la télévision lui en laisse le temps –, peut s’enorgueillir d’une vie bien remplie dont le récit ne peut commencer sans l’évocation du père, Jacques, surnommé « Le Sage ». Landais d’origine, ce professeur coopérant arpente les lycées français en Afrique et enseigne au gré des mutations, français, latin, grec ou même araméen. A Bangui, il tombe amoureux fou de Carmen, une Centrafricaine, et l’épouse. Puis le couple part s’installer à Cotonou, au Bénin. En 1983 naît Tiga puis, treize mois plus tard, sa réplique parfaite, Cathie. Quatre ans plus tard, nouveau déménagement à Bujumbura, au Burundi. La famille bourlingue, les filles, férues de danse et de natation, s’adaptent avec grande facilité. Elles parlent français, mais aussi un peu le fon du lointain Bénin, et le sango appris au gré des multiples visites à la famille maternelle.

En 1993 éclate la guerre entre Tutsi et Hutu au Rwanda tout proche. « Au Burundi, c’était tout à la fois le chaud et le froid. Mes parents essayaient de nous préserver, mais nous étions contraints au couvre-feu. J’ai vu des cadavres, des machettes, ça m’a marquée à vie. » L’année suivante, double bouleversement pour Tiga et sa sœur : divorce des parents et retour en métropole, près de Dax, dans les Landes.

Softiemama, régisseuse et chorégraphe à Cuba

S’ensuit une scolarité sans accrocs.Tiga continue danse et natation, auxquels s’ajoutent volley, basket, hand-ball et athlétisme en niveau national. Mais déjà les sœurs veulent aider, faire de l’humanitaire. Cathie, aujourd’hui ingénieur en informatique, se souvient des années collège : « Nous faisions partie du club Action catholique des enfants (ACE), vendions des gâteaux, montions des animations et projets pour envoyer de l’argent à Madagascar, au Sri Lanka, en Colombie. Plus tard, ce furent les Téléthon, puis à nouveau les clubs ACE, mais comme organisatrices cette fois. » L’internat du lycée sera l’occasion pour celle que ses amis surnomment « Softiemama » de monter Tribales, sa troupe de danse qui lui permettra, deux ans plus tard, de décrocher son premier boulot : chorégraphe au Club Med pendant six mois, à Cuba.

Fin 2005, les filles rejoignent leur mère à Paris. Tiga poursuit sa scolarité en licence d’histoire de l’art et d’archéologie. Carmen inscrit aussi son aînée au concours Miss France. Sans y croire, sa fille se retrouve en finale. Son caractère bien trempé aura raison du titre et du podium. Tiga ne regrette rien : en plus de cette « belle rencontre » avec Mme de Fontenay, elle est repérée par les productions Endemol et devient chroniqueuse dans « Les Enfants de la télé », d’Arthur. Sa carrière est lancée. TF1, puis W9, des séries à succès comme « Section de recherches » ou « Aimé malgré tout » et, depuis 2011, plusieurs émissions sport sur France Ô. Fin 2013, elle interviewe l’un des champions emblématiques de la natation française : Alain Bernard. Le charme opère, elle le convainc de quitter le soleil d’Antibes pour la retrouver sous la grisaille parisienne.

Tiga

Tiga, belle et rebelle. | Nathalie GUYON / FTV

Si Dieu me prête vie, mon orphelinat verra le jour

Super-active sur les réseaux sociaux, elle n’hésite pas à sensibiliser aux drames inter-religieux dans son pays d’origine lorsque la guerre éclate : « Chers tous, je fais bonne mine, mais en vérité pas un jour ne se passe sans que mes larmes ne coulent depuis que ces monstres de la Séléka sont entrés dans la capitale pour y instaurer le chaos. » Elle décide alors de passer à l’action et reprend un des rêves de sa mère : créer une association pour aider à l’envoi de médicaments, à la construction d’unités de soins ou d’orphelinats. Coup de pouce des anges voit le jour, « Tiga » est épaulée par sa sœur, mais aussi et surtout par Carmen et ses contacts locaux.

Son rêve secret est encore et toujours lié au bénévolat : elle souhaiterait passer derrière la caméra pour rendre hommage à ces petites associations souvent anonymes dispersées un peu partout sur le globe. Comme elle le fait, sans vraiment de publicité en Centrafrique, avec le Coup de pouce des anges : « Si Dieu me prête vie, comme on dit en Afrique, un jour viendra où le dispensaire et l’orphelinat verront le jour à Batangafo, dans mon village familial. Il sera alors temps pour moi de m’y installer. »

LE MONDE TELEVISION - le 08.09.2014 à 17h47. Par Olivier Dumons