Les guerriers de Patassé à 
l'offensive 
RFI - Dossiers d'Actualité 
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Les forces loyalistes ont entamé 
le 13 février une offensive contre les rebelles du Nord. Les localités de Sibut 
et Bozoum ont été reconquises. Selon les témoignages, cette attaque s’accompagne 
encore une fois de graves exactions et laisse planer le doute sur la réalité du 
départ des miliciens du rebelle congolais Jean-Pierre Bemba. L’objectif du 
président Patassé est de restaurer l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du 
territoire national afin de permettre le déploiement des troupes de la CEMAC et 
d’engager le dialogue inter-centrafricain dans une posture favorable.
Les rebelles centrafricains ont 
confirmé lundi soir que, depuis le 13 février, les partisans du président 
Patassé étaient passés à l'offensive. Leur porte-parole, contacté à Libreville 
par l'AFP, affirme que la pression militaire est telle que les hommes du général 
Bozizé ont dû décrocher des localités de Sibut et Bozoum (respectivement située 
à 180 kilomètres au nord-est et 400 kilomètres au nord-ouest de la capitale). Le 
capitaine Parfait Mbaye indique notamment la présence sur le front de miliciens 
rwandais, aux côtés des rebelles congolais du Mouvement de libération du Congo (MLC). 
Selon lui, «les FACA (forces armées centrafricaines) sont présentes, 
mais en nombre réduit. Et ceux qui vont vraiment au feu, ce sont les hommes du 
MLC et les Rwandais».
Pas de triomphalisme à Bangui : pour le moment, les autorités centrafricaines 
restent discrètes. Si elles peuvent en effet se féliciter de la reconquête d’une 
partie du territoire national, les moyens engagés par le président Patassé 
provoquent en revanche l’indignation. Depuis la dernière tentative de coup 
d’Etat, le 25 octobre, le pays est nettement coupé en deux, et l’instabilité 
chronique a eu raison de l’armée nationale. Le recours aux soldats libyens, aux 
mercenaires tchadiens et aux miliciens congolais du MLC a certes sauvé son 
régime, mais au prix de terribles exactions commises sur les populations 
civiles, livrées au pillage, au viol, au meurtre. Le 14 février, la Fédération 
internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) a formellement saisi la 
Cour pénale internationale pour les crimes de guerre commis par les hommes au 
service du président Ange-Félix Patassé. Le Congolais Jean-Pierre Bemba, le 
Tchadien Abdoulaye Miskine et le chef de l'Etat sont sur la liste de la FIDH. 
|  Des ex-FAR et des interahamwe |  | 
Le chef du MLC nie avec 
véhémence les accusations et soutient que ses troupes honorent leur engagement 
de quitter la RCA. Sur ce point, les déclarations de Jean-Pierre Bemba se 
heurtent donc aux affirmations des rebelles. A moins, comme le prétend le 
capitaine Mbaye, qu'il ne s'agisse d'une «substitution»: «Bemba annonce 
le retrait de ses troupes qui sont remplacées sur le terrain par les Rwandais», 
dit-il. Il estime leur nombre entre quatre et cinq cents hommes. Selon le 
porte-parole des rebelles, quelques-uns ont été capturés et ont reconnu «qu’ils 
avaient été recrutés par le MLC pour le compte de Patassé. Ce sont des ex-FAR
(Forces armées rwandaises) mélangés à des miliciens interahamwe». Des 
témoignages, au cours de ces dernières semaines, avaient fait été de cette 
présence d’éléments rwandais au sein des forces loyalistes. Une présence qui 
évoque le parcours sanglant des hommes de Bemba, ces derniers mois, jusqu’en 
terres banyamulenge dans la province congolaise de l’Ituri.
Cette offensive survient dans le contexte d’une tentative de règlement global de 
la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (CEMAC), soutenu par la 
France. Le contingent régional recommandé par le sommet de Libreville, l’année 
dernière, est partiellement arrivé en Centrafrique. Mais, en l’état, la 
situation ne lui permettrait pas remplir une partie stratégique de sa mission : 
se déployer le long de la frontière tchado-centrafricaine et garantir que le 
voisin du Nord ne constitue pas (ou plus) la base-arrière de la rébellion. 
D’autre part, une reconquête du Nord débarrasserait le pouvoir de la perspective 
d’une difficile négociation avec des rebelles contrôlant la moitié du pays et 
replacerait les propositions présidentielles de négociations 
inter-centrafricaines dans le champ du jeu politique traditionnel, sous son 
autorité à Bangui.
Samedi 15 février, le président tchadien a effectué à Bangui une visite d’«amitié 
et de travail». A supposer qu’Idriss Déby le souhaite sincèrement, sans sa 
contribution Ange-Félix Patassé ne restaurera pas la sécurité sur sa frontière 
Nord. Mais, de son côté, Ange-Félix Patassé n’a pas grand chose à offrir en 
échange et il n’est notamment pas en mesure de garantir la sécurité des nombreux 
Tchadiens établis ou travaillant dans le nord de son pays, premières victimes 
des exactions des forces loyalistes. Si l’offensive de ces derniers jours se 
confirme, nul doute que les forces loyalistes ne s’arrêteront pas avant d’avoir 
écarté le spectre de l’installation du pays dans une partition durable. Par tous 
les moyens, même les pires. 
GEORGES ABOU 
18/02/2003