Discours de Madame Catherine SAMBA-PANZA, chef de l'Etat de transition à l'occasion de la célébration du 13 août, date anniversaire de l'indépendance de la République centrafricaine (1960-2014)
Centrafricaines,
Centrafricains,
Mes chers
compatriotes,
Ce 13 Août 2014, notre
pays célèbre le 54e anniversaire de son accession à l’indépendance politique et
à la reconnaissance internationale. D’OUBANGUI-CHARI, ancienne colonie française
de l’A.E.F, notre pays devenait République Centrafricaine, à l’instar de
nombreuses ex-colonies françaises d’Afrique.
Le 13 août est de
ce fait un grand jour pour tous les Centrafricains en tant que jour de ce
passage historique de l’état d’un pays colonisé à un Etat indépendant. En tant
que tel, il est le jour de la fierté d’un peuple qui s’est battu pour
s’affranchir de la domination et de la servitude qui lui avaient été infligées
pendant des siècles.
Nous nous
souviendrons en effet qu’il a fallu la lutte héroïque et patriotique de figures
emblématiques telles que KARINOU, BARAM-BAKIE, Barthélemy BOGANDA et ABEL GOUMBA
pour que nous puissions accéder à cette émancipation historique. Le 13 Août 1960
était donc l’aboutissement de la lutte de tout un peuple qui aspirait
légitimement à la liberté, à la dignité et à la reconnaissance internationale.
C’est donc un
grand jour pour l’ensemble du peuple Centrafricain, pour sa jeunesse, pour ses
femmes et pour ses travailleurs dont les ancêtres se sont montrés à la hauteur
de la mission historique qui était la leur, celle de sortir le pays d’une longue
nuit de torpeur, de violations et d'exploitations éhontées.
Parmi les
pionniers de cette lutte du peuple Centrafricain, demain nous nous souviendrons
tout particulièrement du feu Président David DACKO qui, du haut de sa jeunesse
(à peine 29ans), a eu la lourde responsabilité de recevoir des mains de la
France le transfert de l’ensemble des pouvoirs régaliens d’un ETAT souverain et
qui a impulsé le processus de construction d’une véritable République
Centrafricaine indépendante. La tâche ne fut pas aisée, mais la Proclamation de
l’Indépendance nationale fut à tous égards l’annonce d’un nouveau départ pour la
République Centrafricaine.
Cet hommage au
Président David DACKO est justifié dans la mesure où la prospérité de notre pays
dans les années 60, 70, voire 80 ne s’expliquait que par la politique de
rassemblement et de paix qu’il a pratiquée. A contrario, quand les dirigeants
qui lui ont succédé se sont détournés de cette politique, notre pays a connu
cette véritable descente aux enfers dont nous tentons péniblement de nous
relever depuis lors.
Notre pays,
naguère respecté de tous et qui connaissait un rayonnement international
appréciable, a amorcé en l’espace de trois décennies infernales, une véritable
descente aux enfers. Ainsi, depuis environ trente ans, l’histoire de notre pays
est ponctuée de turbulences récurrentes, marquées par les Coups d’Etat
militaires, les grèves sociales à répétition, les mutineries d’une Partie des
Forces armées Centrafricaines qui vont culminer depuis 2003 dans un cycle sans
fin de rebellions armées. Ces rebellions à répétition ont engendré à leur tour
un chaos indescriptible tant sur le plan Politique, sécuritaire, humanitaire
qu’économique.
Mes chers
compatriotes,
Comparativement aux
autres pays qui ont accédé à l’indépendance au même moment que nous, le bilan de
nos années d’Indépendance ne nous fait pas par honneur. Il ne fait en tout cas
pas honneur aux successeurs des pères de l’indépendance qui sont certainement
comptables des errements qui ont conduit aux graves menaces qui pèsent
aujourd’hui sur le pays, sur son indépendance et sur l’intégrité de son
territoire dont les frontières ont été héritées de la colonisation. La pire de
ces menaces est la menace de partition de la République Centrafricaine agitée
par des extrémistes en mal de pouvoir. A juste titre, cette menace a été
considérée par le Forum de Brazzaville comme un projet suicidaire. Elle est
considérée par la majorité des centrafricains comme une imposture politique à
l’égard des valeurs sacrées d’unité et de dignité léguées par le Président
Fondateur, Barthélémy BOGANDA
Au regard de cette
menace, tous les Centrafricains devraient aujourd’hui s’engager à combattre
farouchement ce projet funeste pour ne pas que le sacrifice suprême de BOGANDA
ne soit pas vain. Je note d’ailleurs que ce projet réveille déjà le patriotisme
Centrafricain et je ne doute pas que ce 13 Août 2014 va raffermir ce sentiment
d’appartenir à une Nation, à un pays uni et indivisible.
Au moment où nous
célébrons le 54ème anniversaire de l’Indépendance de notre beau pays, la
situation de la République Centrafricaine reste marquée par des tensions
sécuritaire, politique et social perceptibles. Tous les indicateurs de notre
société sont aujourd’hui au rouge et expliquent à eux seuls la difficile
transition politique dont j’ai la charge.
La République
Centrafricaine notre pays n’a pas les moyens de son indépendance et de sa
souveraineté, par la propre faute de ses filles et de ses fils. Tout comme les
Autorités de la Transition n’ont pas les moyens de leur vision et de leur
politique. Le gouvernement de transition n'a pas non plus les coudées franches
pour porter la Feuille de Route qui justifie son existence et sa mission.
Mes chers
compatriotes,
Je me suis
personnellement investie pour que le Forum de Brazzaville se tienne parce qu’il
nous fallait absolument cet Accord de cessation des hostilités qui est la
première étape d’une nouvelle dynamique de la Transition qui devrait déboucher
sur les consultations populaires et le dialogue national au sommet à Bangui. Le
Forum de Brazzaville doit être le point de départ d’une nouvelle ère de notre
pays à la recherche d’un nouveau souffle et d’une nouvelle âme pour sa
refondation sur de nouvelles bases. Le Forum de Brazzaville a en effet permis
d’obtenir l’adhésion de toutes les forces vives de la Nation à une dynamique de
Dialogue, de consensus, de Paix et de Réconciliation Nationale.
Dans le respect
des engagements pris à Brazzaville et afin d’impulser effectivement cette
nouvelle dynamique, j'ai demandé et obtenu la démission du Premier Ministre et
de son gouvernement pour permettre la mise en place d’une équipe plus étoffée,
plus large, tenant compte de mes propres engagements, des critères de
compétence, d’intégrité, de représentativité régionale, d'inclusion de toutes
les sensibilités politiques y compris des représentants crédibles des groupes
armés.
Je voudrais ici
louer le patriotisme et le courage du Premier Ministre sortant, André Nzapayéké,
qui n’a pas démérité et qui a su percevoir l’enjeu de la situation et a accepté
de démissionner dans l’intérêt supérieur de la Nation. Il était en effet
impérieux d’opérer ce changement afin de prendre en compte les attentes
légitimes de nos Forces Vives.
La prochaine étape
après la nomination du Premier Ministre est la formation du Gouvernement. Dans
l’esprit du forum de Brazzaville, je veillerai personnellement que le futur
gouvernement résulte d’un jeu d’équilibre entre toutes les sensibilités mais qui
ne transige pas sur les critères d’intégrité et de moralité. Car je ne dirai
jamais assez qu’il n’y aurait jamais de prime à l’impunité sous mon mandat.
Mes chers
compatriotes,
Profitant de cette
occasion, je voudrais vous inviter à plus de responsabilité et de maturité dans
le contexte actuel où les défis à relever sont encore nombreux. Je voudrais
surtout vous inviter à plus de vigilance compte tenu de toutes les manipulations
qui s’organisent chaque jour pour déstabiliser les Autorités de la Transition et
mettre à mal ce qui reste encore de notre indépendance nationale.
Dans le contexte de
chaos sécuritaire qui perdure et qui fragilise chaque jour le pays que les
BOGANDA et DACKO nous ont légué, nous devons sans doute aujourd’hui avoir le
courage de nous interroger sur notre propre vision de l’Indépendance et de la
souveraineté nationale malmenées par nos propres turpitudes.
Tous ensembles
posons-nous ces questions fondamentales:
• Quelle
Indépendance et quelle souveraineté avec des institutions qui vacillent au gré
des rebellions armées et des affrontements inter communautaires
?
• Quelle
Indépendance et quelle souveraineté avec une économie exsangue et des richesses
nationales livrées au pillage et à la contre bande organisés
?
• Quelle
Indépendance et quelle souveraineté dans un pays dont l’image s'est ternie à
cause de notre génie légendaire de destruction massive et systématique
?
• Quelle
indépendance et quelle souveraineté dans un pays pratiquement sous –tutelle et
tenue à bout de bras par la Communauté Internationale?
Puisque le 13 Août
est aussi un jour de méditation, je vous invite à méditer ces questions dont
dépendent notre avenir commun et surtout la survie de notre Nation. Pour ma
part, je dirai simplement que toute indépendance se consolide et se fortifie au
fil de l’histoire par des actes politiques positifs et courageux qui impliquent
le respect sans faille des valeurs de la République et principalement les
valeurs d’Unité, de Travail et de Dignité soutenues par celles de Liberté, de
Démocratie, d’Egalité, de Fraternité et de Respect des règles de la République.
Mes chers
compatriotes,
L’Indépendance
politique dont nous nous targuons aujourd'hui doit être avant tout une attitude,
un comportement patriotique et nationaliste, le rejet de la facilité et de
l'assistanat. L'indépendance, c’est aussi un acte politique et éthique qui exige
le respect des engagements pris soi-même, envers sa communauté et envers la
communauté internationale.
Pour que notre
indépendance soit une réalité, nous devons sans relâche nous investir, nous
impliquer dans nos familles, dans nos quartiers, dans nos localités, dans nos
villages et dans nos villes pour ramener la paix. Nous devons apporter tout le
soutien nécessaire aux forces internationales venues nous aider dans notre quête
de paix. Nous devons tous, hommes, femmes et jeunes de Centrafrique apporter
notre appui et notre collaboration aux forces de la Misca, de la Sangaris, de
l'Eufor et très bientôt de la Minusca pour extirper de nos quartiers les
fauteurs de troubles que nous connaissons tous et qui continuent à semer le
désordre dans notre pays.
Enfin, l'indépendance
un acte de Renaissance Nationale.
C’est pourquoi, je
réitère mon attachement indéfectible à l’Unité de la République Centrafricaine,
une et indivisible, au Travail dans l’Unité, à la compréhension mutuelle, au
dialogue, à la tolérance, à la laïcité, au respect mutuel, à la solidarité, à
l’honnêteté et à la défense de l’intérêt général.
Je m’engage à être
la garante de toutes ces valeurs positives dans notre pays pour qu’elles nous
aident à nous développer comme les autres pays du monde. J’appelle encore
solennellement tous mes compatriotes à s’unir à moi ainsi qu’à toutes les
Autorités de la Transition pour pousser la machine de la paix et de la
Réconciliation nationale, seule planche de salut actuelle de la République
Centrafricaine.
Vive la
République