Centrafrique: dur de se loger dans Bangui

 

afp, le 14 juillet2019, 11:45

 

 

Après une longue journée de travail, les ennuis ne font que commencer pour Mélanie. Car à l’instar de nombreux Banguissois, elle se trouve en conflit avec un propriétaire qui menace d’augmenter son loyer. De 15.000 Fcfa (environ 22 euros) à 25.000 Fcfa par mois.

"Je n’ai pas les moyens de payer une telle somme, je risque de devoir partir d'ici", s'inquiète la jeune femme, habitante du quartier PK5 de la capitale centrafricaine.

Vendeuse au marché central, elle voit le prix de ses légumes fluctuer au gré des aléas du transport par la route, dans un pays enclavé qui importe 80% de ses biens de consommation.

Bangui souffre d'une pénurie de logements et de l’augmentation des loyers accentuées par l'arrivée en 2015 de la mission des Nations unies (Minusca).

Avec un PIB par habitant de 371 euros, la population centrafricaine est l’une des plus miséreuses au monde.

Depuis l'éclatement des grandes violences en 2013, et malgré une accalmie précaire depuis la signature de l’accord de paix de Khartoum en février, les habitants de la province continuent d’affluer dans le havre de relative sécurité qu’offre la capitale.

A ces nouveaux arrivants s’ajoutent ceux qui ont fui leur quartier en raison des violences intercommunautaires. Dans les 2ème et 6ème arrondissements, notamment, la population et les loyers ont considérablement augmenté depuis la crise.

- Flambée des prix -

"Le secteur n’est pas encadré, chaque propriétaire est libre de fixer son prix", déplore Jean Bosco, directeur des services techniques de la mairie de Bangui.

Avec des salaires qui peuvent atteindre 10.000 à 20.000 euros par mois, les personnels de l'ONU ont largement contribué à la flambée des prix. En particulier dans les arrondissements du centre, réputés mieux sécurisés.

"Auparavant, un cadre moyen pouvait louer une maison entre 80.000 et 120.000 Fcfa par mois dans ces zones. Désormais, le prix a quasiment triplé", explique Jean Bosco. "De nombreux habitants choisissent de s’installer en périphérie de l’agglomération, dans des zones semi-rurales".

C’est le cas de Didier, dessinateur, qui a choisi de construire sa maison à Gobongo, à 8km du centre-ville. Avec un revenu mensuel de 500.000 Fcfa, Didier appartient à la classe moyenne du pays. Après avoir vu sa maison détruite pendant les violences de 2013, puis subi les affres de la location, Didier a décidé d’investir pour redevenir propriétaire.

Son terrain n’a pas d’eau courante et le chantier engloutit la majeure partie de ses économies. "Mais au centre-ville, les parcelles sont trop chères. Le mieux, c’est de construire avec le peu de moyens dont on dispose."

A 9.500 Fcfa, le sac de ciment importé coûte deux à trois fois plus cher que dans les pays voisins. "Les salaires sont très bas, et les gens mettent parfois dix ou quinze ans à achever leur maison", relève Jean Bosco.

Des difficultés d’approvisionnement en matériaux qui ralentissent également les entreprises du secteur. Au pied de l’un des rares immeubles de logements en construction dans la capitale, Moryl, chef de chantier, déplore l’enclavement du pays : "Le ciment et le fer sont très chers, alors que nous pourrions les produire chez nous. Il y a une forte demande, mais pas assez de moyens. C’est un secteur qui demande peu de qualification et qui pourrait embaucher beaucoup de jeunes".

- Miné par la corruption -

Côté gouvernement, les moyens sont limités pour répondre à la crise. "La pénurie de logements est énorme. La plupart des bâtiments du parc de l'Etat ont été vendus sous le régime d’Ange-Félix Patassé (1993/2003)", explique Alexandre Pamphile Maleyombo, directeur de cabinet du ministère de l'urbanisme, de la ville et de l'habitat.

Pour encourager les investisseurs et soulager les locataires, le ministère mise sur une meilleure régulation du secteur.

"Depuis l’indépendance, il n’existe aucun cadre juridique. Il faut définir des normes de construction et des seuils de loyer à ne pas franchir", estime Alexandre Pamphile Maleyombo. La proposition de loi devrait être débattue d’ici à la fin de l’année 2019. "Il faut un cadre, et il faut l’appliquer".

C’est ce dernier chantier qui s’annonce le plus difficile, dans un pays miné par la corruption.