Le soixante-sixième anniversaire de la mort de Barthélémy Boganda

 

     Ce samedi 29 mars 2025, la République centrafricaine célèbre le soixante-sixième anniversaire de la mort de Barthélémy Boganda, son président-fondateur, décédé dans un accident d'avion dont les circonstances demeurent mystérieuses.

A cette occasion l'ambassade du Centrafrique à Paris (France) organise une messe requiem en la paroisse Saint Leu Saint Gilles de Bagnolet (93), alors que le pays est un État laïc. C'eût été au contraire l'occasion d'un vaste rassemblement réunissant tous les Centrafricains et amis de la RCA, sans distinction de conditions ni de religion.

Il convient en effet de rappeler que le prêtre Boganda a été suspendu le 25 décembre 1949 par l'église catholique de l'Oubangui-Chari, non parce qu'il était défroqué – il s'est marié en 1950 – mais parce qu'il était en butte avec sa hiérarchie ecclésiastique, dont il contestait les méthodes (1). C'est pourquoi, à sa mort, son cercueil reçut l'absoute sur le parvis de la cathédrale Notre-Dame de l'Immaculée Conception, et non au pied de l'hôtel, dans la nef centrale.

Cette mauvaise lecture et interprétation de l'histoire de notre pays explique les dérives et comportements erratiques, voire chaotiques de nos dirigeants.

 

1 – Une constitution scélérate

Au niveau des textes, l'actuel chef de l’État a promulgué une nouvelle constitution scélérate, élaborée et votée dans la confusion d'un référendum confiscatoire, qui modifie totalement les critères d'éligibilité à la présidence de la République. Selon cette nouvelle loi fondamentale, non respectée actuellement dans toutes ses dispositions, « seuls les Centrafricains d'origine et n'ayant que la nationalité centrafricaine peuvent être candidats » (2). A l'aune de cette disposition tous les candidats déclarés à l'élection présidentielle de 2020 n'auraient pas dû l'être, y compris l'actuel titulaire de la fonction : une liste non exhaustive diffusée récemment l'établit.

Ainsi est battue en brèche la philosophie politique de Barthélémy Boganda, « Zo kwè Zo » !

 

2 – La RCA vit désormais d'expédients

Il en va de même au niveau de la gouvernance économique et sociale où ses préceptes taxonomiques ne sont plus respectés : nourrir, soigner, instruire, vêtir et loger, ne sont plus des priorités d'actions ; la RCA vit d'expédients désormais : c'est la Russie qui fournit 30 000 tonnes de gas-oil, un don qui se perd sur le marché noir du Cameroun, faute de logistique pour les transporter jusqu'à Bangui ; c'est l'Arabie saoudite qui offre cinq tonnes de dattes, à l'occasion de la rupture du jeûne les soirs du ramadan, rupture célébrée au Palais de la Renaissance en dépit de la laïcité ; c'est le Bangladesh, pays le plus pauvre de la planète, qui fait don d'un hôpital de campagne, par l'intermédiaire du contingent bengali de la Minusca, et pompeusement baptisé du nom du chef de l’État, « Clinique communautaire de Touadéra », pour nourrir la frénésie du culte de la personnalité du président de la République (3) ; c'est la Russie, encore, qui expédie une cargaison de 27 tonnes de dinde – une viande sans saveur - dont les Centrafricains n'ont pas la consommation, lesquels manquent d'eau potable et d'électricité en ce mois de Carême...

Pendant ce temps, le président Touadéra organise des marches rémunérées à sa gloire et pour justifier sa candidature à un troisième mandat ; il fait arrêter et embastiller de potentiels concurrents par d'improbables stratagèmes et subterfuges, des mensonges et des faux témoignages portés par des personnages interlopes qui se réclament du chef de l’Etat, seul garant de l’indépendance de la magistrature, mais qui se tait et joue les Ponce-Pilate ; il fait interdire les manifestations pacifiques des partis d'opposition démocratique ; il fait incarcérer à l'étranger les chefs rebelles imprudents ou contraint à l'exil les leaders des associations de la société civile ; tout cela au mépris des dispositions de la constitution qui a lui-même fait élaborer et promulguer ! La liste est longue de tous ses manquements.

 

Pour protester contre cette répression sournoise et aveugle, une marche symbolique est organisée à Bangui le 4 avril 2025, pour appeler à plus de démocratie (4). Si elle est interdite, il ne restera plus à l'opposition démocratique qu'une alternative, soit appeler les citoyens à ne pas s'inscrire sur les listes électorales pour fustiger des élections perdues d'avance, soit inviter tous les Centrafricains et Centrafricaines à se porter candidats aux élections présidentielles, quitte à obliger l'Agence nationale des élections et le Conseil constitutionnel à faire le tri du bon grain et de l'ivraie, en départageant les bons et les mauvais Centrafricains et Centrafricaines !

Il restera alors à M. Touadéra, ce 29 mars 2025, lorsqu'il se rendra avec son gouvernement se recueillir sur la tombe de Barthélémy Boganda, de se poser cette question simple : suis-je digne de son héritage ? Assurément, la réponse est non !

Un homme d’Etat se reconnaît à son entourage. Le sien est « une vermine d’intelligentsia », pour paraphraser l’écrivain guinéen Tierno Monénembo.

 

Paris, le 25 mars 2025

 

Prosper INDO

Économiste,

Consultant international

(1)   – La circulaire de Mgr Cucherousset du 25 décembre 1949 sanctionnait Barthélémy Boganda d'une interdiction d'exercer ses fonctions sacerdotales et le privait du port de l'habit ecclésiastique. Ces mesures venaient confirmer sa suspension prononcée le 25 novembre 1949.

(2)   Si ce texte constitutionnel du 30 août 2023 avait existé auparavant, Barthélémy Boganda, né en 1910 à Bobangui n'aurait pas été chef de gouvernement, la Lobaye étant alors rattachée au Moyen-Congo. Ange-Félix Patassé n'aurait pas été président de la République puisque le village Ngakoutou de son grand-père est situé au Tchad. François Bozizé ne serait pas devenu président de la RCA puisque né au Gabon, au temps où l'administration coloniale affectait ses agents de manière discrétionnaire. Catherine Samba-Panza n'aurait pas remplit les fonctions de chef de l’État de la transition puisque née à Moundou (aujourd'hui Sarh) au Tchad, de père Camerounais et de mère Oubanguienne. Le général André Kolingba n'avait aucune chance de devenir président de la République puisqu'à sa naissance Mobaye Bongo et Mobaye Banga formaient un seul et même village car l'Oubangui était juste une voie de circulation et non une frontière entre la RCA et la RDC.

(3)   - L'humilité ou la modestie aurait voulu que cette clinique puisse porter le nom du professeur Bédaya Ngaro, ou celui du professeur en médecine Ngaï-Vouëto, si admiré en Afrique de l'Ouest, de Dakar à Conakry, ou bien encore le nom du professeur Raymond Siopathis, au long parcours pédiatrique, qui fit tant pour la protection infantile. On aurait pu faire plus politique en baptisant cette structure plus simplement : Hôpital Abel Goumba.

(4)   - Une manifestation éponyme est prévue le 5 avril 2025, place de la République à Paris (France). Pour ce qui concerne la marche de Bangui, on apprend que les nervis du régime, en particulier les nommés Koi Doctrouvé Euloge, au nom du Collectif des victimes de la Séléka et de la CPC d'une part, et Kossimatchi Blaise Didatien d'autre part, appellent à une contre-manifestation, prétexte pour le ministre de l'intérieur et de la sécurité publique de prononcer, en un Français châtié, une interdiction … pour le 4 avril 2024 ! Le ridicule ne tue pas et le Ventriloque officiel du Palais de la Renaissance viendra nous expliquer que la RCA est une démocratie.

 

Post scriptum : Ce qui se passe aujourd'hui en République centrafricaine relève de la responsabilité du président français Macron et de son ancien ministre de l'Europe et des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian. Ils ont jeté M. Touadéra dans les bras de la Russie et qui continuent de le soutenir à travers l'aide budgétaire globale de dix millions d'euros, dont deux millions pour organiser  des élections présidentielles frauduleuses qui permettront au président Touadéra d’embrasser son troisième mandat.