Les Français n'aiment pas l'eau tiède

 

Coucher du Soleil en Guadeloupe

 

Cela fait 57 ans que je suis la politique française en spectateur attentif et amusé, mais non point en observateur avisé. De cette observation sur une aussi longue durée, j'en suis arrivé à la conclusion qu'en politique les Français n'aiment pas l'eau tiède.
La crise politique actuelle, provoquée par la décision du président Emmanuel Macron de dissoudre l'assemblée nationale, après la victoire relative du Rassemblement national aux élections européennes de juin 2024, en donne une parfaite illustration. Les parlementaires élus en juillet dernier ont voté la censure et rejeté le projet de budget du Premier ministre Michel Barnier, lequel invoquait l'article 49-3 de la constitution pour forcer la main aux élus du peuple. A la suite de ce désaveu politique, certains invoquent le précédent de 1962 et la censure du gouvernement de Georges Pompidou, Premier ministre du général Charles De Gaulle. A mon sens, la crise en cours se rapproche plutôt de l'échec de la politique du président Valéry Giscard d'Estaing (1974 – 1981).
Arrivé au pouvoir après le décès du président Pompidou, successeur du général De Gaulle après la démission de ce dernier suite à l'échec de son référendum sur la régionalisation, Valéry Giscard d'Estaing s'est attelé à mettre en pratique sa vison politique d'une France « gouvernée au centre », selon la formule totémique : « Deux Français sur Trois » !

Il s'agissait alors de constituer un bloc central rejetant les extrêmes : le Front national de Jean-Marie Le Pen d'un côté, le Parti communiste de Georges Marchais de l'autre ; d'abord en cooptant les
Gaullistes, avec la nomination de Jacques Chirac comme Premier ministre (1974 – 1976) d'une majorité présidentielle associant UDR – Républicains indépendants (RI) – RCDS, ensuite, après la démission de Jacques Chirac, en promouvant la nomination de Raymond Barre, député de 4ème circonscription de Lyon, à la tête d'une vaste coalition politique rassemblant RPR – RI – PR – RCDS (1976 – 1978), qui deviendra par la suite l'alliance RPR – UDF (1978 – 1981).
Qualifié de meilleur économiste de France, Raymond Barre mène une politique libérale qui culmine avec un taux d'inflation à deux chiffres (14 %), mettant les agriculteurs dans la rue, comme aujourd'hui.
Entre temps, patiemment, François Mitterrand, alors Premier secrétaire du Parti socialiste, réussit à coaliser l'ensemble des mouvements de Gauche – allant des Radicaux de gauche aux Communistes, en passant par le Parti socialiste unifié (PSU) de Michel Rocard – autour d'un Programme commun de gouvernement.

Vinrent les élections présidentielles du mois de mai 1981. On qualifia le programme commun d'utopiste et son représentant, François Mitterrand, d'incompétence notoire en matière économique.
Le camp présidentielle entonna le refrain de la Liberté, élevant l'inflation au rang d'indicateur du libéralisme, avec un slogan emblématique : « Vaut mieux l'inflation que les chars russes à Paris » ! François Mitterrand fut élu le 10 mai 1981 président de la République, l'inflation chût à 6 %, et on ne vit point les chars russes descendre les Champs Élysées ; bien au contraire, les ministres communistes nommés au gouvernement (Le Pors, Gayssot, Fiterman ou Ralite) portèrent des réformes emblématiques dans des ministères dits techniques (Fonction publique, Transports, Santé et Formation professionnelle) et François Mitterrand enchaîna deux septennats !
A l’inverse, Lionel Jospin, Premier ministre de Jacques Chirac, trébucha dès le premier tour des présidentielles de 2002, en affirmant que son projet n’est pas socialiste ; le président François Hollande, élu en mai 2012, ne pût se représenter, ayant mené une politique une politique de chattemite lors de son premier mandat !...
Toute ressemblance entre le Programme commun de gouvernement et le Nouveau Front populaire (NPF) serait fortuite.
Ce qui me fait dire que les Français n'aiment pas l'eau tiède, mais les prises de positions bien
tranchées. Je dis ça, je ne dis rien. A bon entendeur..

 

Paris, le 9 décembre 2024

Prosper INDO

Économiste,

Consultant internationa

 

 

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