Sommet Elysée-Afrique et le Nepad (Echos)


France: sommet africain à l'Elysée

PARIS (AFP), le 08-02-2002
Le président français Jacques Chirac a ouvert vendredi à l'Elysée le sommet du NEPAD (Nouveau partenariat pour le développement en Afrique) auquel il a convié treize chefs d'Etat et de gouvernement du continent africain.

Jacques Chirac a accueilli l'un après l'autre ses hôtes sur le perron du palais présidentiel, du Premier ministre mauricien Anerood Jugnauth au président gabonais Omar Bongo, dernier arrivé. Ils vont tenter de donner corps à leur initiative de Nouveau partenariat pour le développement en Afrique (NEPAD) qui, avec l'aide des pays riches, est censé relancer l'économie d'un continent qui s'appauvrit de plus en plus. Treize pays anglophones et francophones de toutes les régions d'Afrique sont représentés pour cette rencontre à l'Elysée, qui constitue l'une des étapes intermédiaires avant le sommet du G8 prévu à Kananaskis (Canada) en juin 2002.

Car, et c'est là l'une des originalités du processus du NEPAD, les plus riches de la planète se sont engagés à Gênes, en 2001, à soutenir l'initiative des plus pauvres, en échange d'un "accord" qui veut régir de plus en plus les échanges nord-sud: l'aide est liée à la "bonne gouvernance et à la lutte contre la corruption".

"Il faut que les Africains soient convaincus que le G8 est engagé dans le NEPAD, que nous voulons aller vers un plan d'action par obligations mutuelles", indique à Paris une source occidentale proche du projet. Chaque pays du G8 a nommé son représentant de liaison avec le NEPAD. Pour la France, il s'agit de l'ancien directeur du Fonds monétaire international (FMI), Michel Camdessus.

Les préoccupations de "paix et sécurité", "de développement humain" et de "croissance", dans une optique "d'intégration régionale" et de "développement des infrastructures" figurent au menu du NEPAD. Mais, pour l'heure, tout paraît à l'état de gestation, et le NEPAD semble avoir autant de chance de décoller que de rester à l'état de "gadget" sans concrétisation.

La part philosophique du projet semble importante: pour la première fois dans les relations tumultueuses et dépendantes des anciens colonisés avec les anciennes puissances tutélaires, ce sont les premiers qui entendent désigner leurs priorités, en s'organisant entre eux.

"On a trop reproché aux pays ex-coloniaux d'imposer en quelque sorte leur développement. Cette fois ce sont les Africains qui disent: voila le développement que nous voulons, alors, allons-y!", déclarait mercredi, sur LCI, le ministre délégué à la Coopération, Charles Josselin.

Le Premier ministre britannique, Tony Blair, qui s'est engagé à faire de l'Afrique la priorité en matière d'affaires étrangères de son second mandat, lui fait écho en estimant que le monde occidental se trouve en ce moment face à "la meilleure opportunité en une génération" de venir en aide aux pays du continent, dans une déclaration au Times."Nous avons le devoir d'agir et nous pouvons agir", a-t-il dit.

"C'est totalement nouveau, on invente, on avance", déclare la source occidentale qui suit le dossier. Mais, arracher l'Afrique à la misère implique un relèvement de l'Aide publique au développement (APD). Après l'avoir baissée ces dernières années, la France tarde à la relever alors que la Grande-Bretagne a décidé de l'augmenter.

Les chefs d'Etat ou de gouvernement invités représentent les membres du comité de pilotage du NEPAD (Afrique du Sud, Nigeria, Sénégal, Algérie, Egypte), la Zambie, qui assure la présidence en exercice de l'Organisation de l'unité africaine (OUA), le Burkina Faso, le Cameroun, l'Ethiopie, le Gabon, le Kenya, Maurice et le Mozambique.

Mais tous les dirigeants de ces pays sont loin de satisfaire aux critères de bonne gouvernance, et une absence de marque est à noter: celle du Mali dont le président, Alpha Oumar Konaré, est pourtant l'un des "champions" des nouvelles démocraties africaines.


Paris veut relancer le développement de l'Afrique
Le Monde - Vendredi 8 février 2002

Entériné lors du G  8 de Gênes, en juillet 2001, le Nepad ambitionne de développer un nouveau partenariat entre les Etats africains et les bailleurs de fonds occidentaux

LA CONTRADICTION saute aux yeux : pour prendre sa destinée en main, l'Afrique se rassemble... à l'Elysée. Vendredi 8 février, dix présidents représentatifs du continent, le vice-président sud-africain et les chefs de gouvernement éthiopien et mauricien se sont réunis autour de Jacques Chirac pour donner corps au Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique - Nepad, selon l'acronyme anglais.

Il se propose d'établir un lien contractuel entre l'Afrique et ses grands bailleurs de fonds. Entériné par le sommet des huit pays les plus industrialisés à Gênes, en juillet 2001, ce partenariat doit être mis en forme lors du prochain G 8, fin juin au Canada. En route, le rendez-vous à l'Elysée doit servir à relancer une initiative africaine, bien inspirée mais en mal de concrétisation.

"Nous avons la vision d'une Afrique débarrassée de ses conflits et engagée dans sa reconstruction (...), mais aussi d'un nouvel état d'esprit qui cesserait de voir le reste du monde comme la source de ses difficultés. Nous devons nous approprier nos problèmes, pour pouvoir revendiquer nos succès". C'est ainsi que le ministre mauricien des affaires étrangères, Anil Gayan, a récemment caractérisé la "nouvelle Afrique", décidée à s'assumer. Non sans avoir rappelé, auparavant, le "bilan désastreux" depuis 1960, date des indépendances : plus de 80 coups d'Etat, 24 assassinats de dirigeants en exercice, plus de 7 millions de morts en 32 guerres, près de 10 millions de réfugiés et déplacés...

"BONNE GOUVERNANCE "

"Il faut sortir de deux impasses : du schéma éploré d'une Afrique incapable de se prendre en main et de l'indifférence grandissante de l'Occident, face à ce drame", explique-t-on à l'Elysée. A la présidence française, tout comme à Matignon, on se dit prêt à miser sur le " nouveau partenariat" que réclame l'Afrique. Et l'on s'y accorde, aussi, sur la nécessité d'augmenter l'aide publique au développement (APD), à commencer par celle de la France.

Jacques Chirac l'a dit, mercredi au conseil des ministres, et devait le répéter, entouré des treize dirigeants africains. Lionel Jospin l'a déjà admis, le 30 janvier devant le Conseil économique et social (CES). Revendiquant alors la nouvelle "logique partenariale", il a reconnu que l'actuel effort n'était "pas suffisant", ajoutant : "Notre solidarité doit répondre à cette nouvelle approche contractuelle fondée sur la responsabilité et sur des objectifs concrets et précis".

C'est là le problème auquel sont venus s'attaquer les dirigeants africains, les cinq du "noyau dur" du Nepad (Afrique du Sud, Nigeria, Sénégal, Algérie, Egypte) et huit pays représentant les grandes régions du continent : le Burkina Faso pour l'Afrique de l'Ouest, le Cameroun et le Gabon pour l'Afrique centrale, l'Ethiopie et le Kenya pour l'Afrique de l'Est, et, pour l'hémisphère austral, le Mozambique, l'île Maurice et la Zambie, qui préside actuellement l'Union africaine.

Après presque deux ans de gestation, le Nepad manque toujours d'un plan d'action. L'Afrique a promis de faire siennes les exigences de "bonne gouvernance" de ses bailleurs de fonds. Ceux-ci ont promis de relever le défi du rattrapage par l'Afrique d'une mondialisation ayant laissé tout le continent sur le bas-côté du chemin. Mais, de part et d'autre, aucun engagement ferme n'a été pris.

Côté africain, où l'on rêve d'un plan Marshall, les têtes de chapitre du sous-développement ont été énumérées : de la santé et de l'éducation au "fossé numérique" en passant par l'eau et l'agriculture, la paix et l'intégration régionale en plus. Mais en dehors de quelques projets symboliques, tel un gazoduc qui relierait le Nigeria à l'Algérie en approvisionnant au passage le Niger et le Burkina Faso, il n'y a guère de surprise dans ces propositions.

De plus, l'on ne voit guère qui des présidents réunis à Paris - de l'Algérien Bouteflika, du Kenyan Moi, du Gabonais Bongo, du Camerounais Biya, de l'Ethiopien Zenawi ou du Burkinabé Compaoré - incarnerait de façon crédible le démocrate authentique, gestionnaire avisé, prêt à s'effacer en cas de défaite électorale.

"Dans 10 des nations qui composent le comité des chefs d'Etat ou de gouvernement du Nepad, des journalistes sont emprisonnés, maltraités ou menacés, et des médias sont censurés", rappelle de son côté l'association Reporters sans frontières (RSF), dans un communiqué publié en milieu de semaine.

Côté occidental, on veut d'autant plus croire à une Afrique qui s'auto-disciplinerait que nul n'a plus envie de jouer au gendarme sur un continent à la dérive. Quant à l'aide, le directeur-général de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) a touché du doigt l'hypocrisie qu'elle recouvre. Jeudi 7 février, au Kenya, Mike Moore a expliqué que, si l'Occident supprimait les subventions qu'il verse à ses agriculteurs, l'Afrique gagnerait en recettes d'exportations "trois à cinq fois toute l'aide au développement qu'elle reçoit et neuf fois les remises de dette qui lui sont accordées".

Stephen Smith


Dîner, déjeuner et entretiens bilatéraux

C'est à 10 heures, vendredi 8 février, que les chefs d'Etat et de gouvernement africains devaient se retrouver à l'Elysée, pour une séance de travail sans ordre du jour, mais "introduite" par Michel Camdessus, l'ancien directeur du FMI, choisi par Jacques Chirac, après le G 8 à Gênes, comme "sherpa africain". La baronne Valerie Amos, qui remplit la même fonction auprès de Tony Blair, actuellement en "tournée axée sur le Nepad" en Afrique de l'Ouest, pourrait également prendre la parole.

Après une conférence de presse, un déjeuner devait clôturer le sommet, suivi d'une série d'entretiens bilatéraux pour le président français. Celui-ci a invité à dîner ses hôtes francophones, les chefs d'Etat gabonais, camerounais et sénégalais. L'Algérien Abdelaziz Bouteflika devait être reçu par Lionel Jospin et rencontrer des chefs d'entreprise. Samedi, pour un échange sur la situation au Proche-Orient, Jacques Chirac a convié à déjeuner l'Egyptien Hosni Moubarak.

Paris veut relancer le développement de l'Afrique
Vendredi 8 février 2002
(c) Le Monde 2002


Chirac à Paris plaide pour le plan de relance, le NEPAD, et Blair en tournee africaine


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