Les avancées sur la question ivoirienne à Paris, 20 janvier 2003 (presse)


Nationalité, identité, régime électoral ivoirien : Les points d’accord obtenus à Paris (Fraternité Matin)

Les travaux sur la crise ivoirienne à Linas-Marcoussis ont marqué hier une pause. Mais des progrès sont constatés et des points d’accord ont été obtenus sur deux des points inscrits à l’ordre du jour : le régime du code électoral, la nationalité et l’identité.
Sur le régime électoral, les participants n’ont pas contesté la loi n° 2000-514 du 1er août 2000 portant code électoral. Pour eux, ce texte ne soulève pas de difficultés et donc reste en l’état. De ce fait, les amendements réclamés comme la modification de l’article 35 de la Constitution n’ont pas été retenus. Ils ont salué la création, par la loi n° 2001-634 du 9 janvier 2001, de la Commission électorale indépendante (CEI).
Toutefois, soupçonnant le poids réel de l’Exécutif dans la composition de cette structure en charge de l’organisation des élections, ils ont réclamé que des améliorations soient apportées pour rassurer tous les acteurs quant à sa neutralité, partageant ainsi les vives critiques émises par PDCI-RDA et le RDR. Tout comme nos leaders politiques présents à la table ronde n’ont pas manqué d’épingler non seulement les médias qui auraient exacerbé les tensions et l’appareil judiciaire ivoirien dont l’indépendance vis-à-vis de l’Exécutif et du Législatif est sujette à caution. Ils ont souligné qu’en matière de contentieux électoraux, la justice ivoirienne n’est pas un modèle. Aussi, ont-ils préconisé que les autorités publiques identifient des projets de coopération pour renforcer l’indépendance de la justice.
Quant à la nationalité et à l’identité qui ont tant défrayé la chronique, les participants à la table ronde considèrent que la loi n° 61-415 du 14 décembre 1961 portant code de la nationalité ivoirienne, modifiée par la loi n° 72-852 du 21 décembre 1972, fondée sur la complémentarité entre le droit du sol et le droit du sang, est “un texte libéral bien rédigé”. Ils ont attribué les difficultés rencontrées dans son application soit à l’ignorance des populations, soit aux pratiques administratives et policières (incertitude et lenteur des processus d’identification ainsi que les dérives policières). C’est pourquoi, ils ont prôné des campagnes de sensibilisation et de vulgarisation de ce texte. Prenant en compte les préoccupations formulées par certains acteurs de la vie politique, ils ont dénoncé les actions de xénophobie constatées ici et là. Or, à l’instar de Dominique de Villepin à l’ouverture du sommet, les participants ont noté que le grand nombre d’étrangers vivant en Côte d’Ivoire “a largement contribué à la richesse nationale”. De ce fait, ils ont demandé “la suppression immédiate” de la carte de séjour pour les étrangers originaires de la CEDEAO, au profit de la carte consulaire.
D’autre part, la table ronde a retenu la nécessité d’une loi de naturalisation exceptionnelle pour régler de manière simple le cas des étrangers résidant en Côte d’Ivoire avant l’accession de notre pays à l’indépendance, mais qui n’ont pas exercé leur droit d’option dans les délais prescrits. Cela permet de répondre à l’inquiétude des ressortissants de la sous-région et notamment des Burkinabè dans l’application du code foncier rural. Sans compter que les leaders politiques ivoiriens ont insisté sur l’utilité de compléter le texte existant en y ajoutant des dispositions en adéquation avec l’évolution de la société ivoirienne. Sur cette lancée, la table ronde a retenu que la déclaration de patrimoine pour le Président de la République soit étendue aux autres fonctions électives. Elle a déploré que le statut de l’opposition n’ait pas encore été élaborée.
Un certain nombre de points concernant la question d’une éventuelle extension du droit du sol, la nature des contrôles auxquels devrait être soumis l’Office national d’identification, la lutte contre l’exclusion des étrangers, la nature des moyens d’identification en matière d’immigration, etc. restent à préciser. Cela dans le cadre de discussions plus approfondies.
Pour tout dire, les rebelles et le RDR n’auront pas été totalement suivis, eux qui ont formulé une kyrielle de revendications : le départ de Gbagbo du pouvoir, la révision de la loi sur le foncier rural, l’élaboration d’une nouvelle Constitution et de la loi sur l’identification des personnes. Qu’ont-ils obtenu après avoir déclenché une guerre qui fait plusieurs centaines de morts et des milliers de déplacés ? En réalité, peu de choses en attendant l’ouverture des débats sur les questions politiques.

FERRO M. BALLY (Fraternité Matin   - N°11460 20 janvier 2003)


Mbeki en France pour le sommet sur la Côte d'Ivoire puis à Londres

PRETORIA, 19 jan (AFP) - 20h04 - Le président sud-africain Thabo Mbeki se rendra cette semaine en France pour participer à un sommet des chefs d'Etat africains sur la Côte d'Ivoire, avant de se rendre à Londres où il aura des entretiens avec le Premier ministre Tony Blair consacrés notamment à l'Irak, a annoncé dimanche son porte-parole.

"Le président Thabo Mbeki, en tant que président de l'Union africaine participera à la réunion spéciale des chefs d'Etat africains (...) sur la situation en Côte d'Ivoire, les 25 et 26 janvier", a déclaré le porte-parole, Bheki Khumalo, dans un communiqué.

"Samedi 1er février, il va rencontrer le Premier ministre britannique Tony Blair. Les discussions seront axées sur la situation politique globale, y compris le Proche-Orient et l'Irak", a-t-il ajouté.

Trente deux délégués ivoiriens du gouvernement, des partis politiques et des rebelles ont entamé le 15 janvier dans le Centre national de Rugby de Marcoussis, au sud de Paris, des discussions en présence d'experts et de négociateurs pour tenter, jusqu'au 24 janvier, de trouver une issue à la crise qui déchire leurs pays.

Paris pèse de tout son poids politique pour que les délégués parviennent à un accord avant le sommet des chefs d'Etat africains des 25 et 26 janvier, en présence du secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan.


Manifestation de soutien au régime ivoirien à Paris

PARIS, 19 jan (AFP) - 16h59 - Quelques centaines d'Ivoiriens ont manifesté dimanche à Paris en soutien au régime du président Laurent Gbagbo, alors que les protagonistes de la crise ivoirienne réunis en France pour une table ronde observaient une journée de pause, a constaté un journaliste de l'AFP.

La manifestation, organisée par le Collectif des citoyens ivoiriens en France, a débuté par un rassemblement place de la République et devait se disperser place de la Bastille.

Les manifestants entendent "soutenir les discussions en cours" à Marcoussis, près de Paris, a expliqué à l'AFP le porte-parole du collectif, Lazard Krasso, ajoutant que les Ivoiriens "sont fatigués de cette guerre".

"Nous soutenons Laurent Gbagbo parce qu'il a été élu démocratiquement", a-t-il encore dit.

Des banderoles proclamaient "non aux organisateurs des coups d'Etat", "non à la partition de la Côte d'Ivoire". Des manifestants avaient placardé sur leur dos des tracts sur lesquels on pouvait lire: "Avec la France de Chirac, les terroristes sont des stars" ou "la France de Chirac encourage le terrorisme en Afrique".


"Le MPCI ne peut pas manifester à Abidjan", selon le ministre de la Défense

ABIDJAN, 19 jan (AFP) - 19h24 - Le ministre ivoirien délégué à la Défense, Kadet Bertin, a affirmé dimanche à l'AFP par téléphone que "le MPCI ne peut pas manifester à Abidjan" mercredi.

"S'ils viennent ici je les gaze", a ajouté M. Bertin.

Cette déclaration fait suite à un communiqué du Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI, principal mouvement rebelle), "collectif d'Abidjan", qui appelle, pour le mercredi 22 janvier à Abidjan, "l'ensemble des démocrates ivoiriens à une gigantesque marche de soutien aux combattants de la liberté du MPCI, du MJP et du MPIGO", les deux autres groupes rebelles apparus dans l'ouest fin novembre.

"Le MPCI n'est pas un mouvement autorisé en Côte d'Ivoire, c'est un mouvement rebelle! On ne peut pas accepter qu'ils défilent ici. Si des gens du MPCI se mettent à marcher à Abidjan, je mets les militaires à leurs trousses et je les gaze", a déclaré M. Bertin.

L'Etat major des forces armées ivoiriennes a indiqué qu'il n'était pas informé d'une demande de manifestation du MPCI.

Le Commandement opérationnel inter-armées (COIA), qui dispose d'une antenne "police" pour coordonner les forces de sécurité en cas de manifestation ou de troubles urbains a quant à lui émit "de sérieux doutes" sur une telle manifestation, soulignant également que "le MPCI n'est pas un mouvement légal".

Le MPCI, plus tard dans la journée a publié un autre communiqué depuis son quartier général de Bouaké (centre) réaffirmant "son soutien sans faille" aux "citoyens ivoiriens épris de patriotisme vrai, de justice et de paix".

Dans ce texte parvenu à l'AFP à ABidjan, le MPCI affirme qu'il "mettra tout en oeuvre afin que cette manifestation se déroule effectivement comme prévue" et rappelle que "une juste lecture de la Constitution ivoirienne garantie à tous les citoyens les mêmes droits".

"Le MPCI qui exige la démission en bloc du régime ne saurait se référer à celui-ci pour être autorisé à manifester librement", ajoute le texte du secrétariat général du MPCI précisant que "le collectif (du MPCI-Abidjan) dans un courrier officiel daté du 15 janvier a bel et bien informé le ministère de l'Intérieur de sa décision d'organiser à la date indiquée cette manifestation".

Celle-ci, la première planifiée à Abidjan par le MPCI, vise à "protester contre les manoeuvres d'intimidations du pouvoir ivoirien contre les fonctionnaires ayant choisi de demeurer dans les zones dites de guerreet contre les organisations humanitaires désireuses d'apporter un soutien à la reprise des cours dans les territoires contrôlés par le MPCI", affirme le collectif des sections du MPCI à Abidjan, une entité jusque-là inconnue.


Marathon à huis clos à Marcoussis pour sortir la Côte d'Ivoire de la crise

MARCOUSSIS (France), 19 jan (AFP) - 9h36 - Strict huis clos, pas de fax ni d'internet, pas de point de presse ni de sortie, les acteurs de la crise ivoirienne réunis à Marcoussis, près de Paris, sont lancés dans un marathon de neuf jours pour trouver une issue politique au conflit qui déchire leur pays.

Dès l'ouverture de la table ronde mercredi, le ministre français des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, a lancé aux 32 délégués représentant le gouvernement, les partis politiques et les rebelles : "Vous avez maintenant l'avenir de votre pays entre vos mains".

La table ronde des "frères ennemis" est organisée par la France qui s'inquiète de la menace d'implosion de son ancienne colonie, traditionnellement la plus stable et riche d'Afrique de l'Ouest, après l'échec des négociations de Lomé. Elle se déroule dans un huis clos absolu, comme les négociations de Dayton sur la Yougoslavie, en 1995 aux Etats-Unis, qui s'étaient tenues sur une base militaire isolée.

A Marcoussis, dans le Centre national de rugby loué par le gouvernement français et qui leur assure gîte et couvert, les délégués enchaînent discussions bilatérales et informelles le matin avec des plénières l'après-midi.

Ils ne peuvent tenir aucun point de presse, ne disposent ni de fax ni d'internet, et, pour la plupart, ne peuvent sortir.

Seuls l'ancien président Henri Konan Bédié, l'ancien Premier ministre et opposant Alassane Ouattara et le Premier ministre actuel Pascal Affi N'Guessan regagnent à la nuit leurs domiciles parisiens pour les deux premiers, et l'hôtel pour le dernier.

Devant les hautes grilles du centre de rugby, policiers et gendarmes assurent un strict contrôle des rares véhicules qui veulent pénétrer à l'intérieur. En fin de semaine, les contrôles ont été renforcés, et le périmètre de sécurité autour du centre élargi, a constaté l'AFP.

A la fin des séances, quelques émissaires des différents camps se présentent le soir aux grilles, pour échanger quelques mots et documents avec des délégués à l'intérieur.

Seul moyen pour les négociateurs de communiquer avec l'extérieur, notamment la presse, les téléphones portables aux boîtes vocales vite saturées. Les consignes de ne pas révéler le contenu des discussions sont observées.

"Je n'ai rien à dire, ne me mettez pas la pression", répondait ainsi à un journaliste de l'AFP un représentant des rebelles d'habitude plus loquace depuis le début du soulèvement militaire du 19 septembre.

Les organisateurs tiennent "les rênes courtes pour le succès de la réunion", observe une source diplomatique.

"Les travaux progressent", se contentait d'indiquer samedi le Quai d'Orsay.

Les discussions ont d'emblée porté sur le problème de l'"ivoirité" qui a mis le feu aux poudres dans ce pays traditionnellement à forte immigration. "Nous voulons extirper ce concept de la société ivoirienne", indiquait au début des travaux le chef des rebelles du Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI), Guillaume Soro.

Les délégués semblent s'être entendus pour ne pas toucher au Code qui fonde la nationalité. "Ce texte est libéral, c'est son application politique qui pose problème et dont on débat", indique une source proche des négociateurs, dont la coordination est assurée par l'ancien ministre français Pierre Mazeaud.

Les discussions portent aussi sur la carte de séjour, l'éligibilité, la Constitution et le régime foncier qui tend à déposséder de leurs terres des habitants du pays depuis plusieurs générations, mais originaires de pays voisins comme le Burkina Faso. Le cantonnement des rebelles et leur réintégration seront aussi abordés, de même que la question cruciale des élections anticipées réclamées par les rebelles et Alassane Ouattara.

Paris pèse de tout son poids politique pour que les délégués parviennent à un accord au 24 janvier au plus tard, avant le sommet des chefs d'Etat africains des 25 et 26 janvier, en présence du secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan.

Il s'agit aussi pour la France, confrontée à une crise aux multiples facettes dans son ancienne colonie où elle a dépêché 2.500 soldats pour surveiller le cessez-le-feu, d'éprouver l'efficacité de sa politique africaine. Dominique de Villepin l'a rappelé aux Ivoiriens: "Nous avons, vous avez le devoir historique de réussir".

Sommet de paris sur la crise ivoirienne: les 10 premiers grands points d’accord , Notre Voie (CI)


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