Les militaires gabonais à Bangui en terrain miné

LIBREVILLE, 8 nov (AFP) - 10h22 - Les militaires gabonais présents depuis jeudi à Bangui pour préparer le déploiement d'une force de paix en République Centrafricaine (RCA) arrivent en terrain miné, dans un pays occupée par des troupes étrangères et des putschistes évanouis dans la brousse, estiment les observateurs.

Le ministre gabonais de la Défense, Ali Bongo, a invité jeudi ce groupe éclaireur de 15 militaires à une prudence et un comportement exemplaires, lors d'un dernier briefing, sur le tarmac de la base aérienne militaire française de Libreville.

"La mission qui vous attend sera des plus difficiles", a-t-il averti le futur état-major de la force de de la Communauté économique et monétaire d'Afrique centrale (CEMAC), parti organiser le déploiement d'environ 300 hommes en RCA dans les semaines à venir.

Un contingent précurseur de 177 gabonais arrivera à Bangui d'ici une dizaine de jours, si la mission préparatoire du général gabonais Mohamed Achim Ratanga se déroule comme prévu.

Suivront 120 hommes du Congo-Brazzaville, une trentaine d'Equato-guinéens et sans doute des Camerounais.

Les Gabonais ont pour eux une solide expérience de la RCA, pour avoir participé à la Mission des Nations unies en Centrafrique (MINURCA), chargée, entre mars 1998 et février 2000, de veiller à l'application des Accords de Bangui, consécutifs aux mutineries militaires de 1996-97.

Le général Ratanga, chef de la future force CEMAC, commandait déjà cette force africaine de 1380 hommes venus de 10 pays.

Mais le "bourbier" centrafricain a pris une dimension sous-régionale. Et le mandat de la force CEMAC, arrêté le 2 octobre à Libreville, lors d'un sommet de chefs d'Etats destiné à apaiser la tension persistante depuis un an entre Tchad et RCA, sera différent.

Cette force doit normalement remplacer les quelque 200 soldats libyens qui assurent la protection rapprochée du président centrafricain, Ange-Félix Patassé, depuis en mai 2001, et veiller à la sécurité de la frontière tchado-centrafricaine.

Une double mission complexe à assurer, compte tenu du nombre limité de troupes mobilisées en comparaison des effectifs de la MINURCA, qui étaient concentrés en outre dans la seule capitale centrafricaine.

D'autant que, depuis le sommet de Libreville, le régime centrafricain a de nouveau dangereusement vacillé, avec la tentative de coup d'Etat lancée le 25 octobre par les partisans de l'ancien chef d'état-major centrafricain, François Bozizé.

Le régime de Bangui n'a dû sa survie qu'à l'intervention musclée de centaines de rebelles du Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba, venus l'aider depuis la République démocratique du Congo voisine.

La RCA accuse le Tchad d'avoir soutenu les partisans du général Bozizé, évanouis quelque part dans la brousse, depuis qu'ils ont été chassés de Bangui il y a dix jours. On ignore aujourd'hui tout des projets, force de feu et possibles appuis étrangers de ces rebelles.

D'autres inconnues entourent l'arrivée du contingent gabonais. Se fera-t-elle, comme Libreville le préfèrerait, avant le départ des hommes de Bemba, honnis par les Banguissois pour leurs exactions, ou après?

Pour les observateurs, le gouvernement centrafricain penche pour la seconde hypothèse, craignant une contre-attaque des partisans de Bozizé en cas de bref vide militaire.

Echaudé par l'ultime baroud de Bozizé, M. Patassé est-il toujours aussi disposé à voir partir sa garde prétorienne libyenne, alors qu'il se méfie de son homologue tchadien Idriss Deby comme de la peste?

La réponse est à chercher à Tripoli, selon les mêmes observateurs, pour qui les soldats gabonais n'auront peut-être pas que des amis à Bangui.


Le président Patassé demande aux rebelles centrafricains de déposer les armes - l'Etat-major de la force CEMAC arrive à Bangui (07, 08 nov 2002)